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La gauche et l’émancipation des femmes en France (1831-1968)

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Par   •  3 Novembre 2023  •  Dissertation  •  4 320 Mots (18 Pages)  •  72 Vues

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La gauche et l’émancipation des femmes en France (1831-1968)

        Malgré le rôle prépondérant des femmes durant la Révolution française, la clôture de ces évènements révolutionnaires que constitue le Code Civil de Napoléon Bonaparte en 1802 enterre toute perspective d’amélioration de la condition féminine sur les plans sociaux, civiques, juridiques et politiques comme l’empereur le souligne lui-même dans ses Mémoires : « Elles vont où elles veulent, elles font ce qu’elles veulent, elles ont besoin d’être contenues, et cela les contiendra ». Néanmoins, au fur et à mesure de l’évolution industrielle de la France, la place de la femme en dehors de la sphère purement domestique évolue elle aussi et ces femmes tendent à obtenir des droits équivalents aux hommes dans le milieu du travail. Des revendications féministes se joignent ainsi aux revendications collectives ouvrières. Néanmoins, ces revendications de nature différentes sont-elles si bien accueillies par les syndicats de gauche, principaux moteurs des revendications ouvrières, et sont-elles entendues par les sphères de pouvoir que constituent les différents gouvernements de gauche entre 1831 et 1968 ? Les premières quêtes féministes menées par les saint-simoniens et les fouriéristes sont-elles considérées par ces acteurs possédant du pouvoir ?

        En somme, en quoi la gauche française et ses acteurs dans les sphères d’autorités telles que les syndicats et les institutions gouvernementales, durant la période 1831 à 1968, représentent un obstacle historique certain à la quête d’émancipation des femmes tant sur le plan politique, que civile et juridique ? En quoi cela mène-t-il alors à une prise en main radicale de la quête d’émancipation par les femmes, pour les femmes à l’issue des dates qui délimitent notre programme ?

        Dans un premier temps, nous verrons que les causes féminines et féministes sont constamment rejetées par les mouvements protestataires ouvriers malgré le rôle essentiel de ces femmes dans les manifestations et les révoltes, seules quelques acquis extrêmement d’importance moindre font exception. Dans un deuxième temps, nous observerons que la IIIème République offre  des perspectives d’amélioration tout à fait relatives grâce à de multiples gouvernements de gauche au pouvoir (Briand, Clémenceau, Viviani, etc.) mais que cette amélioration, surtout politique, est bridée par une crainte d’un retour de la droite catholique au pouvoir. Dans un troisième temps, nous verrons que l’après-guerre jusqu’à 1968 renouvelle complètement les acteurs féministes et l’acquisition du droit de vote en 1944 met sur le devant de la scène politique des enjeux féministes, repris par la gauche, dans une certaine mesure, pour des intérêts électoraux. Durant cette dernière période, on voit aussi la confirmation d’une volonté radicale d’émancipation des carcans traditionnels féminins, des carcans confirmés par Mai 68, alors que ces évènements devaient constituer une forme de révolution.

I – 1831-1881 : Un constant rejet de la cause féminine dans les mouvements protestataires ouvriers, le statut d’ouvrier prime sur celui de femme malgré leur rôle essentiel.

A - « Ouvrière, mot impie ! » (Jules MICHELET)

        L’artisanat est fermé aux femmes sous l’Ancien Régime, les artisans souhaitent que leur femme ne travaille pas (ex : dans le faubourg Saint-Antoine). Cependant, cette présence devient obligatoire avec le malthusianisme et la révolution industrielle nécessitant toujours plus de main d’œuvre.  Malgré la nécessité de la présence de femmes dans l’industrie en raison du malthusianisme, cette présence est jugée par la majorité de la société comme quelque chose d’avilissant. En effet, en 1828, l'économiste Charles Dupin dresse un tableau des forces productives en publiant une série de fascicules sous le titre Le Petit Producteur français. Le dernier s'appelle L'Ouvrière française. A sa lecture, on s'aperçoit que, pour lui, l'ouvrière ne travaille ni en atelier ni en usine : « la bonne Marie » est à la maison et tient le ménage. Les ouvriers eux-mêmes considèrent qu'une bonne épouse doit être une ménagère. C'est même une question d'honneur. Si l'argent vient à manquer, l'ouvrier préfère envoyer ses filles à l'usine plutôt que sa femme. Au XIXe siècle, il n'y a pas de valorisation du statut de l'ouvrière. Et évidemment, cela se ressent dans l’appréciation des mouvement syndicaux de gauche par rapport à l’émancipation de la femme, de la reconnaissance du statut singulier d’ouvrière, leurs problèmes spécifiques tels que le harcèlement sexuel au travail. En effet, les syndicats ouvriers rejettent les femmes, l’AIT dénonce le féminisme puisqu’il diviserait le mouvement ouvrier. Comme le souligne Jules MICHELET dans La Femme, « L’ouvrière ! mot impie, sordide ». Dans l’imaginaire populaire de l’époque, la femme doit avoir sa place dans la domesticité de par sa nature. Le travail à l’usine pour une femme est jugé très dégradant par tous groupes politiques et par la société en général, aussi du fait de la capillarité entre les activités d’ouvrières et la prostitution.

        De plus, au-delà de la seule sphère de l’opinion populaire à ce sujet, les femmes constituent un groupe à part dans l’industrie. En effet, moins payées, moins instruites, moins revendicatives : elles se montrent plus dociles par rapport aux mauvais traitements et constituent ainsi une menace pour les ouvriers masculins. La perception des femmes est très proche de la perception des étrangers, elles brisent les salaires, le mouvement ouvrier est hostile au travail féminin puisqu’il fait concurrence au travail masculin, en plus des préjugés sexistes, le syndicalisme féminin ne plaît pas au syndicalisme masculin.

        Sur le plan politique, l’hostilité est aussi de mise, principalement autour de l’enjeu du droit de vote, seuls les utopistes socialistes soutiennent cet acquis. Un évènement cumule cet enjeu politique et l’opinion populaire au sujet de la place de la femme : en 1849, Jeanne DEROIN se présente comme candidate aux élections législatives alors qu’elle n’est pas éligible, contre PROUDHON, c’est un acte purement symbolique (coup d’éclat médiatique). La réaction confirme la pensée de l’époque, il est impensable pour PROUDHON que la femme fasse de la politique :

« Le ménage et la famille, voilà le sanctuaire de la femme ». Toute place de la femme hors du foyer ou des tâches dues à sa nature comme le soin apparaissent comme une hérésie.

B – Le rôle essentiel des femmes dans les révoltes/mouvements protestataires de gauche (ouvriers)

        Malgré cette hostilité des syndicats et des députés de gauche, les femmes jouent un rôle essentiel lors des révoltes et des mouvements protestataires puisqu’elles prennent les armes comme les hommes, comme on a pu le voir lors de la Révolution française, mais aussi lors de la Révolution de Juillet comme le souligne le tableau d’Eugène DELACROIX, La Liberté guidant le peuple. Celles-ci forment ainsi une masse démographique non-négligeable au sein des révoltes, mais leurs rôles soi-disant en accord avec leur nature sont aussi essentiels, pour le ravitaillement des révoltés, le soin des blessés. Aussi, les manifestations de femmes comme par exemple lors de révoltes frumentaires permettent de diminuer le risque de répression violente des autorités, l’armée ne va pas jusqu’à ouvrir le feu sur des femmes mais néanmoins, les idées sont véhiculées par la protestation et un accord peut être trouvé. Comme on a pu le voir avec cette figure de la Liberté, les femmes dans les révoltes ont cet aspect symbolique, de guide des hommes vers leur objectif, la révolution en l’occurrence. Comme le souligne Michelle Perrot dans son article « La grève dure si les femmes tiennent »  : « Une fois la grève lancée, les femmes organisent des cuisines collectives, en puisant dans leurs économies. Les grèves de mineurs peuvent alors durer longtemps, parfois plusieurs mois. Si les femmes faiblissent, le mouvement craque. Elles sont également très présentes dans les cortèges, souvent en tête avec leurs enfants, portant drapeaux et bannières. Un rôle symbolique – montrer que les patrons affament des pauvres familles – et de bouclier – la troupe ne tirera pas, pense-t-on, sur des femmes et des enfants. ». C’est un rôle traditionnel qui se perpétue dans chaque grève et révolte à travers l’histoire, durant toute notre période, comme nous l’annonce encore au début du Xxème siècle, Lucie Baud qui se disait la « cuisinière de la grève » et se félicitait que « les paysans aiment beaucoup [sa] soupe ».

C – La Commune de Paris : la « pétroleuse », l’icône de la femme communarde, et l’obtention de droits par l’action au sein d’une révolte d’extrême-gauche anarchiste.

        La révolte de la Commune montre une nouvelle fois le rôle essentiel des femmes durant les révoltes mais cette fois-ci, on entrevoit des améliorations sociales un peu plus concrètes que l’autorisation d’avoir des femmes déléguées (Gouvernement provisoire 1848). En effet, lors de la Commune de Paris, l’armée a été stoppée à Montmartre par les femmes, elle se levaient plus tôt que leurs maris, voilà pourquoi l’armée n’a pas ouvert le feu. Cela a aussi permis un contexte de fraternisation par le caractère féminin des communardes, cela a apaisé de potentielles tensions. Aussi, cet évènement est singulier dans la relation entre la gauche et la quête d’émancipation féminine puisque les Communardes ne demandent pas de droits politiques (suspensions des revendications féministes) au nom de l’unité de la Révolution. Elles suivent le modèle de l’AIT, elles sont ouvrières avant d’être des individus-femmes. Néanmoins, quelques mesure sociales voient le jour avec la Commune grâce à l’action de clubs de femmes où l’on trouve Louise MICHEL ou encore André LEO : la pension alimentaire pour les veuves des combattants, l’interdiction du travail de nuit pour les femmes.

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