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Le Cas Willy

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ait que Willy dont l’adaptation sociale était apparemment satisfaisante, était un « enfant normal » : bon élève, il ne présentait « rien de vraiment pathologique ». Une analyse à « but prophylactique », écrit Klein qui repéra cependant très vite que Willy souffrait « d’accès dépressifs sans caractère vraiment anormal », qu’il était plutôt passif, renfermé et « ne s’entendait guère avec ses frères et sœurs ». L’analyse mit de plus en lumière que quoiqu’il travaillât bien en classe, son manque d’intérêt culturel reflétait une grave inhibition épistémophilique. L’analyse de Willy « s’étendit sur 190 séances »2. Je vais en rapporter le déroulement. L’adolescent manqua d’emblée sa seconde séance. Sa mère le persuada à grand peine d’« essayer encore une fois ». « Les garçons de cet âge s’attendent, durant les séances, à une violente agression physique de ma part », souligne Klein (1932a) à ce propos. Elle utilisa en ce sens le

1. À la différence de Félix (1923a, 1923b, 1925) et de Ilse (1932a, 1932b, 1932c, 1932d) respectivement âgés de treize et douze ans et dont les pubertés sont advenues en début d’analyse, Willy était pubère avant l’analyse. 2. Les analyses de Félix et de Ilse nécessitèrent un nombre plus important de séances : 370 pour le premier, 425 pour la seconde. Adolescence, 2005, 23, 1, 179-187.

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Dans « La technique de l’analyse des enfants à l’époque de la puberté » (1932a) – La psychanalyse des enfants (1932), chapitre V – Klein différencie la psychologie et le développement sexuel des adolescents et des adolescentes. J’ai, précédemment (2004 b), exposé Le cas « Ilse ». Le cas « Willy » (quatorze ans)1 va maintenant illustrer le développement sexuel du garçon.

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DOMINIQUE AGOSTINI

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matériel de la troisième séance pour « montrer » au patient qu’il l’identifiait au dentiste dont il affirmait ne pas avoir peur. Klein interpréta à l’adolescent que, dans le transfert, « il ne redoutait pas seulement une extraction dentaire mais le morcellement de tout son corps ». Profondément terrorisé par l’extrême concrétude de ses fantasmes, Willy craignait, en effet, dans la relation analytique, un « morcellement corporel » caractéristique de la « position schizoparanoïde » (Klein, 1946). Au fil des séances et une fois cette angoisse de morcellement apaisée, la situation analytique se trouva établie. Une libération de l’imagination créative avec éclosion d’intérêts moïques et d’activités mieux adaptées à la réalité apparut progressivement. « Nous devons, écrit Klein, aborder très tôt l’angoisse et les affects de l’adolescent qui se traduisent surtout par un transfert négatif… Sinon l’analyse risque d’être brusquement interrompue » (1932a) : lorsqu’elle observe des signes d’angoisse latente, Klein en donne, ainsi que je l’ai également décrit à propos de Félix (2004a) puis de Ilse (2004b), l’interprétation dès les toutes premières séances afin de réduire au plus vite le transfert négatif. Certes, Willy manifesta encore par la suite de violentes angoisses, mais « l’essentiel de ses résistances ne déborda pas le cadre de l’analyse, et le traitement put continuer » (1932a). Le thème de la culpabilité à l’égard du frère cadet domina le matériel des phases préliminaires. Klein rapporte une séance qui met en exergue « le motif de cette profonde culpabilité » : après qu’il eut évoqué une machine à vapeur à réparer puis celle de son jeune frère qui était devenue inutilisable, Willy voulut fuir la séance. Klein apprit alors que cet acting in signait la crainte de Willy que l’analyste-mère ne découvre les agirs sexuels des deux frères. Des agirs qui l’avaient gavé de culpabilité inconsciente : étant l’aîné, il avait imposé les dits agirs à son cadet. « Le point de départ de l’analyse fut ainsi constitué par un aveu concernant les relations avec le frère, aveu exprimé d’ailleurs sous la forme symbolique d’un moteur à réparer. De là, nous avons pu accéder non seulement aux autres expériences et événements de la vie de Willy, mais encore aux couches psychiques les plus profondes de son angoisse » (Klein, 1932a). La prise en compte d’une réalité historique ramenée dans l’analyse est ici très claire. Consécutivement à ce dévoilement, Willy parlait à son analyste

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III. LE CAS « WILLY »

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3. « Les analyses d’enfants de tout âge prouvent qu’en atténuant leur culpabilité et leur angoisse latentes, on améliore leur adaptation sociale et l’on développe leur sens des responsabilités personnelles, avec une efficacité d’autant plus grande que l’analyse est

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d’une promenade en bateau qu’il envisageait de faire avec un ami lorsqu’il fantasma que le bateau pourrait couler. Il montra alors précipitamment à Klein une carte d’abonnement de transport et lui demanda quand cet abonnement « expirait ». Willy articula la date d’« échéance » de la carte à celle fatidique de sa propre mort. L’analyste suggéra que la promenade en question réveillait les masturbations et fellations pratiquées avec son frère et qu’une culpabilité punitive3 saturée en crainte de mourir en découlait. Willy associa qu’il avait vidé sa pile afin de ne pas salir le boîtier qui la contenait. Il parla ensuite d’une partie de football que son frère et lui pratiquèrent avec une balle de ping-pong. Une balle, ajouta-t-il, qui n’est « pas dangereuse » car elle ne risque pas de « briser les vitres » ou de « casser la tête ». Cela rappela à Willy que dans sa petite enfance, un ballon de football l’avait violemment frappé à la tête. Il n’avait pas été blessé, mais il pensait que son nez ou ses dents auraient pu être abîmés. Il s’agissait, commente Klein, du souvenir-écran d’une très ancienne séduction par un garçon plus âgé. Le ballon de football représentait le pénis du séducteur ; la balle de ping-pong représentait le pénis du jeune frère. Willy étant, dans ses « jeux sexuels » avec son frère, identifié au garçon qui l’avait antérieurement abusé, mené en bateau, une vive culpabilité à cause des préjudices qu’il croyait avoir causés au frère, lui prenait la tête : il fantasmait l’avoir souillé, avoir altéré sa santé physique et psychique en le contraignant à la masturbation et à la fellation. S’étant lui-même trouvé dans le même situation avec un garçon plus âgé, il se sentait pareillement menacé de culpabilité et l’angoisse qui en découlait le poussait à vider sa pile par crainte d’en souiller-noyer son boîtiercontenant psychique : Willy était pris en sandwich entre des angoisses persécutoires et dépressives, entre l’identification à l’abuseur et à l’abusé. La peur d’avoir endommagé l’intérieur du corps et de la psyché de son frère – mais aussi de son self infantile – l’aveuglait – les vitres brisées – tant elle résultait de fantasmes sadiques dirigés contre le cadet et ce qu’il symbolisait : à un niveau plus profond, l’angoisse et la culpabilité étaient

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DOMINIQUE AGOSTINI

convoquées par des fantasmes masturbatoires à contenus sadiques dirigés contre l’union des parents internes et in fine contre les objets contenus dans le ventre maternel – pénis du père et bébés personnifiés par le cadet. Ainsi que je l’ai décrit antérieurement à propos de Félix et de Ilse, Klein considère que, pour les deux sexes, c’est toujours l’analyse des pulsions et fantasmes homosexuels qui étaye, avec l’accès aux différences générationnelles et sexuelles, l’intégration de la bisexualité psychique. Klein pose l’origine de l’homosexualité masculine par rapport à la « fixation orale au pénis du père » tout en précisant que, lorsqu’il n’y a pas fixation, ce mouvement vers l’homosexualité passive d’incorporation orale du pénis paternel identifie le garçon au père et renforce ainsi son hétérosexualité. Si pour la fille, l’introjection du pénis constitue un mouvement vers l’hétérosexualité, la fixation orale au mamelon peut, dans le développement du garçon, se transformer en fixation orale au pénis du père pouvant alors constituer la base de l’homosexualité masculine : le sujet fuit la persécution du pénis du père incorporé dans la mère (fantasme des parents combinés)4 vers le pénis réel d’un autre garçon. L’acte homosexuel a, selon ce vertex, fonction de réassurance contre le «

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