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Amélie Nothomb : Stupeur et tremblements (1999) est-elle pertinente pour sensibiliser des lycéens vivant en France, à des problématiques de discrimination ?

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Par   •  28 Mars 2023  •  Dissertation  •  1 419 Mots (6 Pages)  •  190 Vues

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Dissertation Amélie NOTHOMB

   

  Dans l’une de ses nombreuses oeuvres à dominante autobiographique, Amélie NOTHOMB tarde à reconnaître les comportements abusifs dont elle est victime lors de sa première expérience professionnelle dans une puissante firme japonaise. Jamais elle ne prononce les mots harcèlement, sexisme ou même racisme, qu’un lecteur averti peut extraire de faits la présentant comme indésirable. Cependant, cette auto fiction Stupeur et tremblements (1999) est-elle pertinente pour sensibiliser des lycéens vivant en France, à des problématiques de discrimination ? Tout d’abord, le genre original de l’oeuvre peut emporter l’adhésion des élèves, favorisant une appréhension de ces questions. Mais ce cas particulier de harcèlement professionnel peut s’avérer trop éloigné des réalités de lycéens du XXIè siècle vivant en France. De toute façon, sensibilisation rime peu avec résolution : la sensibilité n’efface pas la difficile quête de solutions.

  L’auto fiction peut générer une prise de conscience, chez des lycéens, du caractère blâmable, condamnable, répréhensible, de certains comportements déviants dans le monde de l’entreprise. Le principe de l’autobiographie rend le contenu crédible. Ce récit chronologique où l’écrivain rapporte un moment de sa vie suscitera l’intérêt. La véracité des faits est susceptible d’emporter l’adhésion, de faciliter un certain processus d’identification fantasmatique à l’oeuvre lors de la lecture, d’accréditer aussi une valeur de témoignage de ce qui est ‘a-normal’. Qu’Amélie soit victime de brimades comme les bizutages dans les écoles, des rebuffades de SAÏTO, des attaques verbales incessantes de Fubuki visant à la dégrader : c’est du harcèlement caractérisé, dont la preuve est la descente jusqu’au ras du sol des toilettes, des échelons de la société. L’adaptation pour le cinéma d’Alain CORNEAU en 2003 corrobore d’ailleurs parfaitement cet enchaînement des faits.

   L’auteure a également choisi une forme plaisante dans un petit format visant à plaire en instruisant, un peu à la manière des fables. C’est là qu’intervient peut-être la ‘fiction’, dans l’oxymore de l’auto fiction : l’auteur transfigure systématiquement des moments difficiles en récits souvent humoristiques et burlesques incluant le pittoresque de paroles rapportées au discours direct. Elle cultive la dérision susceptible d’amuser les jeunes lecteurs, dans un vocabulaire accessible et truculent, enrichi par son imaginaire foisonnant ! Le moment où Amélie se retrouve dans le bureau d’OMOCHI à jouer son numéro de la démission dans l’humiliation, n’a rien de drôle a priori, accueilli par les moqueries du vice-Président. Elle en fait une scène comique lorsqu’il exige, à renfort de gradations descendantes, qu’elle « bouffe » le « chocolat de Mars ». L’inversion des rôles fonctionne : c’est OMOCHI, avec son idée fixe d’enfant gâté, qui est ridicule.

   Cependant, des élèves peuvent rester hermétiques à ces problématiques d’attitudes discriminantes visant à séparer une entité sociale d’une autre, en maltraitant la première ; parce que le cas précis de Stupeur et tremblements est éloigné de la réalité de lycéens du XXIè siècle vivant en France. L’éloignement est d’abord géographique. L’objectif principal d’Amélie est de retrouver le Japon fantasmé de son enfance, où elle se retrouve l’unique Belge perdue dans des normes et codes qu’elle ne maîtrise pas, pas plus que des lycéens en France, a priori. L’écart culturel entre l’Orient et l’Occident en matière de comportement face au monde du travail, est tel, que difficile à appréhender. Et ce qui semble inadmissible pour un Européen, est d’usage au Japon, tant les valeurs diffèrent. Enfin, les événements racontés sont invérifiables, possiblement tronqués par la mémoire sélective, ou l’obsession japonaise présente dans d’autres livres, comme Métaphysique des tubes.

   Le décalage est aussi temporel, puisque plus de trente années séparent l’année 1992 de harcèlement au travail chez MITSUIT, de 2023 ; trente années durant lesquelles les lignes ont pu bouger. Les lycéens sont par ailleurs des adultes en devenir, probablement plus sensibles à des attitudes déviantes en rapport avec leur vécu actuel et les outils dont ils disposent qui n’avaient pas lieu d’être en 1992. La problématique du harcèlement au travail pourrait donc se transposer à celle du harcèlement scolaire, amplifié par les réseaux sociaux. Par exemple, le clip national 2018 de sensibilisation au harcèlement scolaire, Cassandre, illustre bien des problématiques de discrimination contemporaines susceptibles de toucher des élèves. Cassandre commet l’imprudence d’envoyer un selfie intime à son petit ami, déclenchant un déluge de haine issu de la diffusion (non consentie) de cette image, des repartages et commentaires dégradants associés…

   De toute façon, « sensibilisation » rime mal avec ‘résolution’, d’où la question épineuse des solutions à apporter dans la lutte contre les attitudes discriminantes. Que le jeune lecteur ait été sensible ou non aux problématiques abordées par A. NOTHOMB dans son oeuvre, le texte apporte quelques enseignements, comme le danger du vase clos. Amélie est seule contre tous dans cette prison de verre. L’appui de M. TENSHI qui conduit le boycott des toilettes ne peut tenir longtemps face à la hiérarchie implacable des SAITO-MORI-OMOCHI. Mais le fait de ne pouvoir compter que sur elle-même lui fait puiser des ressources insoupçonnées. La liberté est atteinte par le sens visuel : le suicide n’est qu’imaginaire et se transmue en envol depuis la baie vitrée jouxtant les toilettes. Les survols aériens du film illustrent bien la plénitude retrouvée grâce à l’imagination, qui va offrir à Amélie des capacités de résilience telles qu’elle résistera au mal.

    Différencier les supports thématiques pourrait peut-être permettre de mieux appréhender les différences entre les hommes. Homo Homini lupus est, dit la locution latine. L’homme serait, par nature et instinct, doué d’une certaine agressivité envers son semblable, qui le pousse à le juger, le défier, s’y mesurer. Aussi le jugement des différences est-il une conduite qui se répète infiniment, ce dont témoigne Édouard LOUIS dans son livre choc En finir avec Eddy Bellegueule (2014). Harcelé à l’école à cause de son homosexualité, il alterne dans son livre deux niveaux de langage pour montrer que la dépossession culturelle conduit à la vulgarité, à la violence qui est d’abord celle d’un langage. Une meilleure acceptation d’autrui peut également passer par le jeu théâtral, en mettant les élèves en action / réaction. C’était l’objectif du spectacle participatif X, Y & moi mis en scène par Y. BRET et montré comme une fausse conférence cumulant les stéréotypes machistes les plus fous !

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