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Analyse du poème vie antérieure de Baudelaire

Commentaire de texte : Analyse du poème vie antérieure de Baudelaire. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  29 Mars 2020  •  Commentaire de texte  •  1 736 Mots (7 Pages)  •  2 334 Vues

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Exemple d’analyse de poème

La vie antérieure, Charles Baudelaire

Dans une lettre à sa mère datée du 30 décembre 1857, le poète Charles Baudelaire exprimait son mal-être en des termes terribles : « ce que je sens, c’est un immense découragement, une sensation d’isolement insupportable, une peur perpétuelle d’un malheur vague, une défiance complète de mes forces, une absence totale de désirs, une impossibilité de trouver un amusement quelconque. […]Je me demande sans cesse : à quoi bon ceci ? A quoi bon cela ? C’est là le véritable esprit de spleen. » Maladie de l’esprit dont la cause véritable échappe au poète, le spleen est semblable au poison qui modifie le goût de la vie et pervertit jusqu’aux expériences les plus agréables[a].

Rédigé la même année que cette lettre, le poème « La vie antérieure » illustre cette tension entre l’idéal et le spleen, ou Spleen et Idéal, pour reprendre le titre de la première partie des Fleurs du mal. Sonnet composé de quatorze vers en alexandrin, ce poème lyrique témoigne en effet de l’opposition entre l'idéal baudelairien et l'omniprésence du spleen. Le premier se perçoit à travers la description d’un décor si parfait qu’il paraît fantasmé, peut-être inspiré par les paysages exotiques que Baudelaire avait vus lors de son voyage vers les Indes. La perfection formelle – rythmique notamment - des deux quatrains participe également à cet idéal. Mais cette harmonie n’empêche pas le mal de vivre du poète de transparaitre non seulement à la fin du poème, comme une chute amère, mais également dans des indices disséminés au fil du texte[b].

Ainsi le lecteur est amené à se demander si la dimension onirique de l'idéal développé permet efficacement d'échapper au spleen quotidien[c]. Pour y répondre, il s’agira d’abord de s’intéresser à l’évocation de l’idéal, avant de questionner la présence du spleen[d].

La première partie du poème, composée des deux quatrains, est entièrement consacrée à la description du décor de cette vie antérieure. Le poète y apparaît moins comme un locuteur (seul le « je » de la première ligne témoigne d’une présence assumée) que comme le récepteur de la magie sensorielle du paysage. C’est ainsi que le poète voit (« les soleils marins teignaient de mille feux », v.2 ; « les grands piliers », v. 3 ; « les couleurs du couchant », v. 8) et entend (« les houles », v.5 ; « les tout-puissants accords de leur riche musique », v. 7), parfois même les deux se confondent comme dans le deuxième quatrain qui illustre la théorie de la synesthésie. Le poète s'intègre littéralement au décor et jouit des douces couleurs rougeâtres du soleil « reflétés par [ses] yeux » (vers 8). L’osmose entre cet environnement idyllique et le poète en quête de bonheur semble parfaite. Il y trouve un refuge apaisant, ce dont témoignent « les voluptés calmes » (vers 9), qui crée une expression de quasi pléonasme, car la volupté est déjà une impression extrêmement agréable que l'on se plaît à goûter tranquillement dans toute sa plénitude. Mais en quoi cet environnement est-il idyllique ?

Les « soleils marins » (vers 2) évoquent tout à la fois les régions chaudes et l’appel du large. C’est une île et son imaginaire que convoque une telle expression. Les couleurs du couchant (vers 8) et ses « mille feux » (vers 2), associées aux bruits de la houle, double champ lexical de l’eau et du soleil, redoublent encore l’impression d’un exotisme insulaire, d’un décor des mers du sud (les palmes, la présence d’esclave, la nudité des corps renforcent encore cette idée). Par ailleurs, «l'azur » (vers 10) au milieu duquel se situe le poète évoque la liberté, l’absence d’entrave entre le poète et le ciel.

Outre l’exotisme, la vie antérieure du poète semble se dérouler sous le règne de l’antiquité. En référance à cette époque, le poète insère dans le premier quatrain le champ sémantique de l'ampleur. Les adjectifs « vaste » (vers 1) et « grands » (vers 3) rendent compte de la notion de grandeur et de liberté. Elle est suivie de près par l'immensité temporelle qui est représentée par l'adverbe temporel « longtemps » (vers 1). S'ajoutent à cet aspect les parties des monuments gréco-romains tels que « les portiques » (vers 1) et les « piliers » (vers 3). En conséquence le lecteur peut s'imaginer un lieu dominé par des arcs, des galeries et de grandes colonnes « droit[e]s et majestueu[ses] » (vers 3), tous harmonieusement disposés. Le rythme dédouble la perfection de cette architecture antique : de manière explicite d’abord, avec l’euphonie du vers 7 (« les tous puissants accords de leur riche musique ») et de manière plus implicite, dans la régularité même de certains vers (vers 1 ou 7). Les quatre mesures trisyllabiques ainsi que l'allitération en « t » (vers 1) en témoignent largement. Baudelaire trouve, ici encore, son énergie dans l'harmonie et l'ordre (« Là, tout n’est ordre et beauté // Luxe, calme et volupté[e] », écrit-il dans un poème thématiquement proche, « L’invitation au voyage »).

Mais cette harmonie ne peut s’obtenir que par un équilibre des contrastes. La question de la lumière permet de souligner cet aspect. En effet, le reflet aquatique du soleil illumine de « mille feux » (vers 2) les monuments antiques. Cette luminosité démesurée, d'où l'emploi de l'adjectif numéral « mille », contraste avec l'obscurité des « grottes basaltiques » et du  « soir » (vers 4). Le basalte est en effet une roche volcanique noire. Le quatrième vers opposé au reste de la première strophe constitue par conséquent une antithèse qui met en relief le contraste entre la lumière et de l'obscurité, contraste nécessaire à l'équilibre. Et les sonorités plus dures (allitération en « r » : rendaient pareils, le soir, aux, grottes, basaltiques) de ce dernier vers s’opposent aux sons plus clairs (assonance en « i » : habité, portiques, teignaient, mille, piliers).

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