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Dom Juan, lecture argumentée de l'Acte III, scène 5.

Commentaire de texte : Dom Juan, lecture argumentée de l'Acte III, scène 5.. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  13 Décembre 2018  •  Commentaire de texte  •  1 485 Mots (6 Pages)  •  709 Vues

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David Lannoo                                                                                03/12/2018

ROGE1BA

LROM1360

Ionesco, Rhinocéros[1]

Extrait de l’acte I

        

Université catholique de Louvain


À la terrasse d’un café, sur la place d’une petite ville de province, deux amis discutent. Jean prétend apprendre à Bérenger comment mener à bien son existence : « Voilà ce qu’il faut faire : […] » (R, 51). En effet, Jean n’est pas avare de reproches, et depuis l’ouverture de la pièce, Bérenger, malgré ses tentatives d’expliquer à quel point l’existence lui pèse, essuie les réprimandes concernant son style de vie d’alcoolique. À une autre table, une autre leçon est dispensée ; un vieux monsieur continue d’apprendre les fondements de la discipline de son ami logicien. Ce dernier tente de lui illustrer, grâce à des chats imaginaires, à quel point « la logique n’a pas de limites ! » (R, 49). Précédemment, un rhinocéros a fait une première apparition, soulevant une ardente discussion, menée notamment par Jean, dont l’énervement à ce sujet est proportionnel à l’indolence de Bérenger. Chez Ionesco, tout fait signe ; toutefois, de prime abord, entrevoir dans cet extrait l’intention du créateur : « montrer l’inanité de ces terribles systèmes [idéologiques totalitaires], ce à quoi ils mènent, comme ils enflamment les gens, les abrutissent, puis les réduisent en esclavage[2] » paraît difficile. Pourtant, dans l’entremêlement de cette double discussion, une hiérarchie semble se dessiner. Ceux qui savent, ou semblent savoir – Jean et le Logicien, gouvernent leurs conversations respectives, oppressent leurs interlocuteurs. Dès lors, en quoi le double dialogue qui se tresse dans ce passage concourt-il de l’ambition dénonciatrice d’Ionesco ?

Premièrement, la répétition de répliques établit un chevauchement entre les conversations. Ces répliques, majoritairement brèves, presque frénétiques, entravent l’approfondissement du sens (R, 53) :

JEAN, à Bérenger : Il n’est jamais trop tard.

LE LOGICIEN, au Vieux Monsieur : Il n’est jamais trop tard.

Dès qu’un personnage parle, un autre parle (pratiquement) à l’identique. Le langage s’en trouve vidé de ses facultés communicationnelles. Ces effets de répétition et de dépouillement du sens participent au processus de perversion du langage spécifique aux systèmes doctrinaires. Le traitement spécifique du langage dans cet extrait, en un mot, figure les effets de foule observés dans les moments d’ « hystérie collective[3] ». Les participants subissent une désindividualisation, une massification, et leurs idées leurs sont destituées. Ce mécanisme de répétition, par ailleurs, met en exergue le caractère artificiel, théâtral de la scène. Ainsi, Ionesco, en bloquant toute potentielle identification du spectateur – comme il en a coutume – fait de ses personnages des figures facilement emportées par la machine de l’idéologie, par la « rhinocérite ». En outre, les parallèles établis par la dynamique des répliques brouillent les échanges, si bien que les deux conversations se fondent en une, mettant en exergue une hiérarchisation transversale, plutôt que les dissemblances entre les deux entretiens (R, 50) :

LE VIEUX MONSIEUR, au Logicien : C’est facile pour vous, peut-être, pas pour moi.

BÉRENGER, à Jean : C’est facile pour vous, peut-être, pas pour moi.

LE LOGICIEN, au Vieux Monsieur : Faites un effort de pensée, voyons. Appliquez-vous.

JEAN, à Bérenger : Faites un effort de pensée, voyons. Appliquez-vous.

D’ailleurs, les répliques ne sont pas répétées aléatoirement, mais associent chaque personnage à son homologue dans l’autre conversation.

« Je me méfie des intellectuels qui […] ne font que propager les rhinocérites et qui ne font que soutenir philosophiquement les hystéries collectives dont les peuples entiers deviennent périodiquement la proie[4] ». Il est fait mention ci-dessus que, dans l’extrait étudié, les détenteurs du savoir, ces « intellectuels », prennent l’ascendant sur leurs interlocuteurs respectifs (R, 51) :

LE LOGICIEN, au Vieux Monsieur : On doit tout vous dire.

JEAN, à Bérenger : On doit tout vous dire.

Jean privilégie « la culture […] l’intelligence […] un esprit vif et brillant » (R, 50), mais ces priorités lui importent tout autant que les apparats : « vous vous habillez correctement, vous vous rasez tous les jours […] Ceci, pour l’extérieur : chapeau, cravate […] costume élégant ». De surcroît, celui-ci regorge de lieux communs, de formules préconçues qui sont autant de dogmes qui aliènent la pensée : « La vie est une lutte, c’est lâche de ne pas combattre » (R, 48), « Ne vous laissez pas aller à la dérive » ou encore « Il n’est jamais trop tard » (R, 53). La culture même, pour lui, n’est que superficielle : « En quatre semaines, vous êtes un homme cultivé » (R, 54). Le Logicien, lui, dispose des connaissances logiques et mathématiques, puisque « la logique mène au calcul mental » (R, 49). Cependant, la logique du Logicien est fondamentalement biaisée, et dans son cas comme dans celui de Jean, les savoirs ne sont que des pseudo-savoirs, apanage de « demi-intellectuels à la page[5] ».

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