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Incipit du Rouge et le Noir — Stendhal

Commentaire d'oeuvre : Incipit du Rouge et le Noir — Stendhal. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  9 Octobre 2017  •  Commentaire d'oeuvre  •  1 798 Mots (8 Pages)  •  1 241 Vues

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        Avec Le Rouge et le Noir, écrit et publié en 1830, Stendhal (1783-1842) propose au lectorat francophone l’un des premiers romans appartenant à l’esthétique réaliste. En le sous-titrant « Chronique de 1830 », l’auteur semble prendre ses distances avec le genre alors en vogue du roman historique. La mise en exergue au roman d’une phrase attribuée à Danton — « La vérité, l’âpre vérité » — témoigne de la volonté affichée par l’auteur de proposer une œuvre réaliste. Intéressons-nous au début du premier chapitre de la première partie de ce roman, qui propose de porter un regard sur la petite ville provinciale de Verrières ainsi que sur son représentant, M. de Rênal. Nous verrons en quoi cet incipit ab ovo s’avère, malgré les apparences, être celui d’une satire plutôt que celui d’un conte. Verrières semble en effet au premier abord être une ville idéale où il fait bon vivre, mais elle comporte en réalité des éléments qui ternissent sa trompeuse clarté, éléments qui nous sont rapportés par un personnage particulièrement critique et au statut étrange.

I/ Verrières, une ville où il fait bon vivre

  1. Une situation géographique idéale

1 - Verrières est sécurisée : « Verrières est abritée du côté du nord par une haute montagne [...] » (l.7). Verrières est épargnée par les vents les plus froids ainsi que par les envahisseurs qu’elle voit venir de loin.

2 - Verrières est située dans un endroit naturellement paisible : « Ses maisons [...] s’étendent sur la pente d’une colline, dont des touffes de vigoureux châtaigniers marquent les moindres sinuosités. Le Doubs coule à quelques centaines de pieds au-dessous de ses fortifications [...] » (l. 2-6). Il s’agit là du topos du locus amoenus (« endroit agréable ») puisque s’y trouvent les éléments naturels essentiels que sont la forêt, la montagne et le cours d’eau.

3 - Une situation géographique propice au développement de l’industrie : « Un torrent qui se précipite de la montagne, traverse Verrières avant de se jeter dans le Doubs, et donne le mouvement à un grand nombre de scies à bois, c’est une industrie fort simple [...] » (l. 9-11). Le « mouvement » de la nature, en l’occurrence celui d’un torrent, a des conséquences positives sur le « mouvement » économique. Verrières est idéalement située au point que son rythme industriel épouse le rythme naturel, industrie et nature étant ordinairement incompatibles mais qui ici font de Verrières une ville idéale.

Transition implicite : de la nature vers l’industrie.

        B) Une situation économique prospère

1 - Un enrichissement déjà ancien... : « C’est à la fabrique des toiles peintes, dites de Mulhouse, que l’on doit l’aisance générale qui, depuis la chute de Napoléon, a fait rebâtir les façades de presque toutes les maisons de Verrières » (l.13-16). Les circonstances de la prospérité économique de Verrières semblent relatives aux bouleversements politiques. Si Verrières prospère grâce à la Restauration, on peut imaginer qu’il en sera de même pendant l’époque de la Monarchie de Juillet qui s’achève en 1848.

2 - ... qui perdure... : « [les] scies à bois, c’est une industrie fort simple et qui procure un certain bien-être à la majeure partie des habitants plus paysans que bourgeois » (l.11-12). Les notions de « bien-être » et de « simplicité », lorsqu’elles sont associées à la « majorité des habitants » d’une ville, donnent de ladite ville une image éminemment positive, qui confine à l’idéal.

3 - ...et qui permet d’offrir du travail à tout le monde : « Ce sont de jeunes filles fraîches et jolies qui présentent aux coups de ces marteaux énormes les petits morceaux de fer qui sont rapidement transformés en clous » (l. 21-23). La rudesse du travail ne semble pas effrayer la jeunesse la plus délicate.

Transition implicite : de la « belle fabrique de clous » à celui qui en est le possesseur.

        C) Un maire qui a le bras long

1 - Un homme d’affaires... : « Si [...] le voyageur demande à qui appartient cette belle fabrique de clous [...], on lui répond [...] : Eh ! Elle est à M. Le Maire » (l. 25-28). L’interjection employée par l’autochtone informe de l’évidence de la réponse et donc de l’importance de la fabrique et de celui qui la détient.

2 - ...charismatique... : « À son aspect tous les chapeaux se lèvent rapidement » (l. 33). Emploi soudain du présent de narration qui permet de donner du mouvement à la scène et  ainsi de la solennité au geste de salut respectueux adressé au maire.

3 - ...et important : « Pour peu que [...]. Tel est le maire de Verrières, M. de Rénal » (l. 29-42). Ici la figure de la conglobation permet de créer un effet d’attente autour du personnage du maire : l’identité de l’homme que le voyageur voit paraître n’est révélée qu’après sa description.

Transition : Cependant, malgré une peinture idéalisée de la ville de Verrières, le narrateur conserve une posture critique non seulement à l’endroit du maire — critique qui se fait directe et explicite — mais encore concernant la fabrique et la ville toute entière — critique qui se fait alors plus diffuse et implicite.

II/ Faux-semblants : le dessous des cartes

  1. Une petite ville (titre du chapitre)

1 - La vision figée d’une ville-carte postale : « Le Doubs coule à quelques centaines de pieds au-dessous de ses fortifications bâties jadis par les Espagnols » (l. 4-6). Cette phrase participe de la vision figée que l’on a de la ville (en tout cas à ce moment du texte, c’est-à-dire avant que ne soient mentionnés les précipitations torrentielles et les va-et-vient de marteaux) : si le verbe « couler » induit l’idée d’un mouvement, ce mouvement n’en reste pas moins celui, régulier et millénaire, d’une rivière. Il y a donc ici, aussi paradoxal que cela puisse paraître, quelque chose de figé dans ce mouvement perpétuel qu’est le ruissellement. Cette impression de fixité est accrue par la présence de ruines en ce qu’elles symbolisent l’absence de renouvellement et l’abandon.

2 - Des caractéristiques ridicules : « Ses maisons blanches avec leurs toits pointus de tuiles rouges » (l.2-3). Il y a de quoi être déconcerté par les adjectifs employés ici, des adjectifs qui ne donnent aucune information : les murs semblent n’être pas peints ; les toits ont la même forme que la totalité des toits du monde (c’est-à-dire en angle aigu afin que l’eau de pluie puisse s’écouler et que la neige ne s’y accumule pas) ; et les tuiles sont de la couleur... de la tuile (les tuiles sont, en tout cas en France presque toujours de couleur rouge).

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