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L'Utopie

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) Les utopies anciennes (gréco-latines) Homère (Odyssée, chap. vii) introduit Ulysse dans les jardins d'Alkninoos, où les arbres fruitiers se relaient pour porter des fruits toute l'année : « La poire après la poire, la pomme après la pomme, la grappe après la grappe, la figue après la

figue... » Hésiode évoque la race d'or, sans soucis, sans vieillesse, sans misère, sans exclusive : « Tous les biens leur appartenaient. » Ici ou là, chez Homère ou chez Hésiode, et ultérieurement chez Pindare, émerge la silhouette d'une île des Bienheureux, « aux extrémités de la terre », île d'abondance et de festins, loin des labeurs et des combats. Platon engrange l'utopie, et la postérité se fournira à son grenier. Il récupère l'âge d'or hésiodique pour l'articuler sur le mythe-histoire des Atlantes et de leur Atlantide : « Les citoyens et la cité qu'hier vous aviez imaginés comme une fable, nous dirons aujourd'hui que ce sont nos ancêtres bien réels » : ceux que le récit d'un « prêtre égyptien » situe « dans une île devant le détroit que vous nommez les colonnes d'Hercule ». Mais aussi, et peut-être surtout, le même Platon, dans les deux grands dialogues La République et Les Lois, passe de cette rétrospective à une prospective, « car il n'y aura point de terme aux malheurs des hommes tant que ne sera pas réalisé le régime politique qui dans nos propos est actuellement la matière d'un conte ». Dans la « république » platonicienne, une communauté intégrale – de biens, de femmes, d'enfants, de vie – régente la classe des gardiens. Les Lois scrutent les détails de cette cité idéale en matière de démographie, d'urbanisme, de pédagogie, d'économie, d'organisation politique, de religion, de justice, d'eugénisme : « Pliant notre fiction aux conditions réelles de la colonie que tu es chargé de fonder, forgeons une législation en paroles, nous qui, tout vieillards que nous sommes, inventons comme des enfants... » Mais l'imagination platonicienne n'est pas une isolée. Celle d'Aristophane (L'Assemblée des femmes) immortalise une communauté intégrale établie par un gouvernement de femmes substitué au gouvernement mâle : « C'est vous, ô citoyens, qui êtes la source de tous ces malheurs... Il faut abandonner la cité aux femmes, voilà mon opinion. » Un contemporain de Platon, Phaléas de Chalcédoine, aurait, selon Aristote, préconisé une cité égalitaire et égalisatrice, tandis qu'un autre, Hippodamos de Milet, aurait, au contraire, échafaudé le plan d'une cité différenciée et différenciatrice. Un peu plus tard, selon Diodore de Sicile, « un certain Iamboulos » aurait, au cours de ses périples, connu des Héliopolites, habitants des îles du Soleil, îles comme il se doit de bonheur intégral. Un autre, Evhémère, aurait connu une île Sacrée, au large de l'Inde et de l'Arabie, habitée par les Panchaiens : « Toute la contrée regorge des produits de la terre. » Plutarque célèbre d'autres îles, qui n'ont rien à envier aux deux précédentes : les îles Fortunées, au large de l'Afrique, l'île d'Ogyvie, « à cinq journées de route de la Bretagne ». Théopompe de Chio prête sa plume à Silène pour narrer un continent inconnu et magnificent habité par des Méropiens. Un autre compilateur, Cedrenos, brode sur

les conquêtes d'Alexandre pour camper l'île des Macrobes, hommes à la vie longue. Les voyages d'Apollonios de Tyane, narrés par Philostrate, conduisent aux Indes ou en Égypte : on y trouve la vie miraculeuse des Brachmanes ou des Gymnophysites. Strabon fait une compilation de ces voyages dans l'ailleurs enchanté. L'héritage utopiste passe ensuite à Rome, où il connaît des réinterprétations. Ovide, en ses Métamorphoses, réédite l'utopie hésiodique de la race d'or, société sans contrainte et sans armes, vouée à l'économie de la cueillette et vivant dans un « printemps éternel » : « Alors coulaient des fleuves de lait, des fleuves de nectar, et le miel fauve, goutte à goutte, sortait de l'yeuse verdoyante. » Horace préconise l'exode et incite à quitter Rome, abandonnée des dieux, pour rejoindre les îles Fortunées : « Jupiter a réservé ces rivages pour une race pieuse. » Virgile enfin, en un moment d'optimisme, situe son utopie dans l'Italie repacifiée : c'est le thème de la IVe Églogue, avec son énigmatique incantation à l'enfant qui bientôt sera l'initiateur d'un âge d'or : « Cet enfançon suivra la vie des dieux et il verra les héros mêlés aux divinités ; lui-même sera mêlé à elles. » Les Géorgiques nuanceront cet horizon de péripéties qui confinent à la sociologie de l'histoire. Toutes ces utopies écrites n'excluent pas, d'ailleurs, que quelques essais pratiques aient été tentés dans ce sens ; ainsi certaines constitutions (à Sparte surtout, mais aussi en Crète et à Carthage) ; la tentative d'Hermeas d'Atarnée, en Asie Mineure ; la colonisation communautaire des îles Lipari ; le millénarisme social et antiesclavagiste d'Aristonicos et de ses bandes d'Héliopolitains, également en Asie Mineure ; plus anciennement, les efforts, ratés, pour mettre en œuvre en Sicile les desseins utopisants de Platon.» b)Les utopies modernes Il est significatif que, pour accéder au deuxième cycle de cette tradition utopique, il faille enjamber près de quinze siècles. On peut estimer que, pendant cette période, le champ de l'imagination utopique se trouve déplacé par le champ de l'imagination religieuse. Le transfert laisse des traces sur plusieurs points : dans les populations millénarisantes préaugustiniennes, chez lesquelles les images du royaume de Dieu sur terre s'apparentent aux utopies de l'abondance, de la paix et des restitutions universelles ; dans les récits légendaires qui récupèrent ou amplifient les récits antiques (pays de Cocagne, géographie fantaisiste de paradis terrestres, voyages et îles de saint Brendan avec ses « cathédrales de verre » dans l'Atlantique nord, sans parler des ethnographies fantasmées, tel le De imagine mundi d'Honorius d'Autun) ; dans les fêtes des fous, « utopies pratiquées » d'un monde à l'envers ; dans les dissidences médiévales qui perpétueront les versions

millénaristes allergiques à la religion et à la société dominantes ; dans les monachismes même qui, autres utopies pratiquées, mettent leur opiniâtreté à être une société hors société et, dans certains cas, une religion hors Église (J. Séguy). À partir de Joachim de Flore, en effet, dissidence et monachisme feront souvent cause commune dans le rêve à la fois utopique et millénariste du « troisième âge », l'âge perfectionniste d'un monachisme généralisé supplantant Églises et sociétés. Jusqu'au xve siècle, l'ailleurs pouvait passer pour ce qui dans l'espace était extraméditerranéen. À partir de cette époque, il est visité ; explorateurs ou missionnaires en rapportent des observations sur le « bon sauvage ». Parallèlement, la société européenne identifiée à la chrétienté craque sous le double impact de l'éclatement chrétien, la Réforme, et des restitutions du monde antique, la Renaissance. Enfin, une libre pensée se fraie des voies, périlleuses mais opiniâtres, vers l'ère des Lumières, tandis que de nouvelles forces sociales corrodent les féodalités déclinantes, et même parfois les bourgeoisies conquérantes. Ce sont là quelques arrière-plans de ce deuxième cycle de l'utopisme qui couvrira approximativement la période allant de More à la Révolution française. La lignée anglaise est prioritaire. More, dont le prestige politique et religieux pèse d'un grand poids dans les cautions qu'il offre à la tradition subséquente, en est la tête. Mais il n'est pas le seul dans le scintillement utopique de cette renaissance. Érasme même l'avait légèrement devancé avec son Éloge de la folie (1511). Un peu plus tard (1623), après l'échec de son soulèvement en Calabre, Campanella, du fond de sa geôle, lance sa dramatique et capiteuse Cité du Soleil, joyau de ce qu'on a pu nommer « l'héliocentrisme de la Renaissance ». En France, Rabelais s'esclaffe et s'ébroue, éclabousse et éblouit avec son abbaye de Thélème. Un autre grand Anglais, Francis Bacon, prend congé de ses labeurs encyclopédiques avec l'espérance – ou la désespérance – de sa Nouvelle Atlantide (1627), précédée, dans un genre analogue, de la Reipublicae christianopolitanae descriptio (1619) de Jean Valentin Andreae et suivie par Samuel Hartlib et son royaume de Macarie (1641), puis par la Nouvelle Solyme (1648) de Samuel Gott. La priorité anglaise est confirmée au xviie siècle par une constellation utopique autour de la révolution et son grand maître Cromwell, tour à tour contesté et sollicité. Émergent ici La Nouvelle Loi de justice (1649) ou La Loi de liberté (1652) de Gerrard Winstanley ; Le Léviathan de Hobbes (1651) ; Oceana de James Harrington (1656) ; enfin, venue des Pays-Bas, l'utopie œcuménique d'une petite république coopérative proposée par Peter Plockoy, inaugurateur du mouvement migratoire, qui ira, en Amérique du Nord, modeler, comme utopies pratiquées, mainte utopie écrite, rêvée ou projetée en Europe. Au XVIIIe siècle, c'est l'utopisme français qui prend la relève. Quelques grands

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