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La Fontaine, Les deux coqs

Commentaire de texte : La Fontaine, Les deux coqs. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  10 Décembre 2022  •  Commentaire de texte  •  2 817 Mots (12 Pages)  •  311 Vues

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Explication linéaire : « Les deux coqs »

        La fable « Les Deux Coqs » de La Fontaine se trouve dans le septième livre du deuxième recueil des Fables, qui fut publié entre 1678 et 1679. Elle reprend celle du fabuliste grec Ésope[1], intitulée « Les Deux coqs et l'Aigle », et s'insère, selon une forte unité thématique, dans un triptyque consacré à la Fortune, entre les apologues « L'homme qui court après la Fortune et l'Homme qui l'attend dans son lit » et « L'Ingratitude et l'injustice des hommes envers la Fortune » consacré à la puissance du Destin.

Mouvements du texte

Vers 1 : Situation initiale et élément perturbateur

Vers 2 à 10 : Combat et victoire d’un des coqs

Vers 10 à 20 : Désespoir de l’adversaire

Vers 20 à 24 : Le coup du sort

Vers 24 à 28 : Le retour en gloire

Vers 29 à 32 : La morale

        Nous nous demanderons au fil de cette explication comment le fabuliste parvient à mettre le style héroï-comique de son récit au service d'une morale qui prône l'humilité et la prudence.

                        > Un récit héroï-comique

        - Narration d’un sujet « bas » : Une bataille dans un poulailler.

Le sujet de la fable part de l'expression « être un coq », c'est-à-dire se vanter de faire succomber toutes les femmes, être prétentieux. Outre le champ lexical Champ lexical de la basse-cour : « coqs » au vers 1 et 6, « crête » au vers 8, « plumage » au vers 9, « bec » au vers 16, il faut souligner l’allitération en /k/ qui fait penser au caquètement de la poule, à la profusion des bêtes, leur frénésie animale : « querelle » au vers 4, « Coqs » et « combat » au vers 6, « crête », « spectacle » et « accourut » au vers 8.

        À la situation initiale, énoncée à l'imparfait de l'indicatif (« Deux coqs vivaient en paix», v. 1), succède immédiatement l'introduction de l'élément perturbateur (v. 1-5) avec l'utilisation du passé simple pour parler d'une action de premier plan qui va faire basculer le récit de la paix dans la guerre: «une poule survint / Et voilà la guerre allumée ». Le recours au présentatif «et voilà », équivalent d'un temps présent, accélère le rythme des événements en énonçant les conséquences de l'apparition de la poule.

        - … sur un style élevé

        > La Fontaine a en effet recours à un ton très solennel, voire, à un registre épique, afin d'évoquer ce combat : «Amour» est personnifié au moyen de l'apostrophe et de l'absence de déterminant. Il s'agit bien du dieu Amour qui a perturbé les cœurs. L'assonance en [wa], apparente avec les nom et pronom «Troie» et «toi» et proche d'une paronomase, fait résonner les deux termes, intimement liés.

        > Le ton est sermonnaire : le verbe «perdre» est à prendre dans son sens matériel (celui de la destruction de Troie) mais aussi moral (celui de la perdition). L'allusion «au sang des Dieux» (v. 5) qui se battirent et prirent part à cette querelle (Athéna soutint les Grecs et Apollon, les Troyens), est caractéristique de l'épopée. Elle est mise en évidence par le tableau sanglant du combat, dont La Fontaine souligne l'ampleur au moyen d'hyperboles : « cette querelle envenimée », «Où du sang des dieux même on vit le Xanthe teint». L'allitération en [t] (« le Xanthe teint ») accentue la dureté de l'épreuve.

        > De plus la « Poule » est comparée à la belle Hélène de L'Iliade.

Le décalage stylistique entre l'évocation de la guerre de Troyes et le combat de coqs est visible dans le choix d'une syntaxe beaucoup plus simple qui épouse la forme du vers (« Longtemps entre nos coqs le combat se maintint », v. 6), tandis que pour le conflit légendaire, La Fontaine a recours à l'enjambement qui donne de l'ampleur au vers (v. 3-4).

         La querelle animale n'en produit pas moins son effet, comme le souligne la large propagation de la rumeur dans le vers 7 (« Le bruit s'en répandit par tout le voisinage ») : le verbe « se répandre» et le déterminant indéfini «tout» attestent d'un intérêt général pour ce fait divers.

        La suite de l'apologue oscille constamment entre l'évocation de personnages bas et l'emploi d'un langage noble : déjà, le recours à l’adjectif possessif « nos », au vers 6, établissait une connivence entre le lecteur et le fabuliste, suggérant une familiarité avec les deux animaux. Plus loin, la périphrase «La gent qui porte crête» (v. 8) participe de ce procédé, puisqu'elle rappelle les périphrases homériques, de même que l'expression « Plus d'une Hélène au beau plumage» (v. 9) qui inclut ici un rappel parodique des épithètes homériques, telle «L'Aurore aux blanches mains».

        La construction des vers 9 et 10 oppose le succès du vainqueur, rapporté par un enjambement, à l'échec de son rival, réduit à un hémistiche qui fait résonner le nom «vaincu» au moyen de l'assonance en [u] (« vaincu » / « disparut »). Cette opposition est renforcée par la structure en chiasme du vers 10, qui met en miroir les verbes (« fut » et «disparut») et les noms (« vainqueur » et « vaincu »). Le vers 11 développe le vers précédent, en insistant sur la quête de la solitude, au moyen du verbe «se cacher» et du complément circonstanciel de lieu «au fond de sa retraite ».

                > Même le chagrin de la défaite relève du genre élevé :

        La Fontaine évoque le chagrin du vaincu par une expression relevant d'un style noble : «pleura sa gloire et ses amours» (v. 12). Ce vers rappelle la bravoure du héros cornélien, qui est doté d'une véritable aura, alors que le coq n'en a aucune, puisqu'il ne fait que se précipiter sur une poule. Le recours à l'anadiplose, au vers 13 (« Pleura sa gloire et ses amours / Ses amours qu'un rival [...] ») crée un effet de surenchère qui renforce l'accablement du vaincu et rappelle à la fois la place capitale qu’il faut réserver à l’Amour. En outre, les compléments circonstanciels « à ses yeux» et «tous les jours» (v. 14) témoignent d'un esprit d'acharnement de la part du vainqueur qui exhibe sa satisfaction avec perfidie. Quant au champ lexical du conflit, illustré par les noms « rival », « défaite » et le verbe «posséder» (v. 14), il inscrit le récit dans un registre tragique.

        C'est dans ce contexte de provocation que le vaincu nourrit à la fois de la « haine » et du « courage », termes qui sont les premiers indices d'un renversement de situation, au vers 15. En effet, La Fontaine établit un lien sous-jacent de cause à effet en rapprochant le verbe « voyait » (v. 14) des verbes « aiguisait », « battait », « s'armait » (v. 14 à 16), dont la valeur temporelle commune est celle d'imparfait de répétition. L'augmentation de la tension dramatique est soulignée par la gradation des trois premiers verbes cités, par l'allitération en [r] des vers 17 et 18 (« s'exerçant contre », « s'armait ») et par le nom « rage », placé à la rime. Le verbe « s'armer » donne un ton solennel à l'amertume du coq, tandis que la référence triviale aux battements d'aile renvoie au sens propre du verbe, réduisant l'entraînement presque militaire du coq à un «exer[cice] ridicule »

                

                > Un retournement de situation

        En effet, La Fontaine interrompt cette logique de vengeance au moyen d'un retournement de situation : le premier hémistiche du vers 19, «il n'en eut pas besoin », annonce un effet de chute, qui occupe les vers 18 à 23. Le recours au rejet du groupe verbal « s'alla percher » et à l'antéposition du complément circonstanciel « sur les toits » (v. 19) traduit le caractère excessif de l'ultime action du vainqueur, dont l'orgueil transparaît encore dans l'expression « chanter sa victoire » (v. 20). En effet, les deux vers suivants fondés sur une parataxe, resserrent en peu de mots les effets néfastes d'une telle rodomontade :

« Un vautour entendit sa voix :

Adieu les amours et la gloire » (v. 21-22).

        L'ellipse du lien de cause à conséquence et le recours à la phrase averbale accélèrent la chute du vainqueur.

        Le lecteur est, dès lors, invité à décrypter dans chaque vers une allusion malicieuse et moqueuse au nouvel état de l'ancien vainqueur, victime du jeu de la Fortune. Tout d'abord, le vers 22 est un clin d'œil au vers 12 : l'effet de chiasme entre les expressions «pleura sa gloire et ses amours» et «Adieu les amours et la gloire» traduit le retournement de situation, la Roue de la Fortune précipitant la gloire de l'ancien vainqueur. De plus, la répétition du nom «vautour», au début du vers 21 et à la fin du vers 23, semble être mimétique de l'enfermement d'une proie dans les griffes d'un rapace. La Fontaine prend soin, d'ailleurs, d'opposer l'expression de la totalité (« tout cet orgueil»), placée sous l'accent tonique, à celle du singulier (« l'ongle ») pour désigner l'efficacité redoutable de l'arme naturelle du vautour.

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