La Société De Non-Communication

ent des masses. Mais ce n’est pas tout.

Certains nous rétorqueront en effet qu’il n’y a pas que du négatif dans cette fameuse civilisation de la communication : il y a le téléphone, le télécopieur et Internet qui permettent, disent-ils, un échange réel.

Mais qu’en est-il en réalité ? Le téléphone est devenu en moins de cinquante ans le moyen de communication le plus populaire de la société occidentale. Et pourtant, il coûte excessivement cher. Voyez le paradoxe : on se plaint que l’homme moderne ne communique pas assez, mais s’il veut converser avec un ami qui habite Los Angeles ou Sydney, il s’apercevra très vite et à ses dépens que ça lui coûtera moins cher d’aller directement rejoindre son ami sur place, plutôt que de discuter deux ou trois heures avec lui par téléphone. S’il faut payer pour communiquer, c’est que certaines données sont faussées…

Au sujet du téléphone, il ne serait d’ailleurs pas inutile de se demander si le téléphone permet réellement de communiquer. Une observation psychologique du comportement des gens permet de constater que bien souvent les personnes d’un naturel timide ont beaucoup plus d’assurance lorsqu’ils se cachent derrière un combiné téléphonique. D’ailleurs le téléphone favorise une certaine forme d’anonymart.

Et puis, inventions de ces dernières années, il y a le minitel et l’ordinateur.

Le minitel aussi a eu son heure de gloire. Les gens croyaient avoir enfin trouvé un moyen de communiquer. Ils ont été trompés. On a surtout trouvé un moyen de pomper plus d’argent en exploitant honteusement la solitude endémique du monde actuel. De nombreuses sociétés ne visant que le profit n’ont pas vu autre chose qu’une source juteuse de rentabilité dans ce nouveau moyen de “communication”. Ainsi ces fameux minitels “roses” ont-ils envahi le réseau, n’offrant que du bavardage et des fantasmes sans aucune finalité. Aujourd’hui, paraît-il, le minitel rose est en chute vertigineuse, mais en attendant, les concepteurs se sont bourré les poches, avec la bénédiction des télécom…

Quant aux ordinateurs, on dit qu’ils peuvent communiquer via un modem connecté sur le réseau téléphonique ou sur un réseau spécialisé comme Internet. Mais pour quel résultat et dans quel but ? 99 fois sur 100, c’est uniquement pour des besoins professionnels, techniques et bassement prosaïques. Il est évident qu’un individu en mal d’amitié ne va pas utiliser un réseau de communication informatique pour chercher un ami, une âme sœur ou un compagnon de route pour partir en voyage. Je ne dis pas que c’est impossible, mais c’est très peu probable.

L’homme dispose aujourd’hui de plus de moyens techniques de communication qu’il n’en a jamais eu dans toute son histoire. Et pourtant, il est de plus en plus malheureux, seul et isolé. Le nombre sans cesse croissant de suicidés, de drogués, de déprimés en est la preuve. Les chiffres sont là : plus de dix millions de personnes en France utilisent soit des calmants, soit des somnifères, soit des antidépresseurs. Plus de la moitié des gens n’ont que des maladies d’origine psychosomatique.

Toute cette souffrance est fondamentalement liée au manque de communication.

Or qu’est-ce que véritablement le manque de communication ? C’est le manque d’amour, pas autre chose que le manque d’amour.

Et il n’est pas besoin d’être savant ou cultivé pour deviner que ni dans un téléphone, ni dans un minitel, ni dans une télévision on ne peut trouver la moindre trace de cet amour. Toutes ces machines ont été faites dans un seul but : l’argent. Et peut-être que je vais aller dans les grands poncifs, mais au diable la littérature et les formules bien tournées lorsqu’il s’agit de dire la vérité telle qu’elle est. L’argent, dis-je, hé bien c’est lui qui tue l’amour, c’est lui qui tue l’homme, c’est lui qui finira par tuer l’humanité toute entière.

Aussi cette campagne d’intoxication qui vise à nous faire croire que nous entrons dans l’ère révolutionnaire de la communication n’est qu’un énorme mensonge, une tromperie gigantesque, une supercherie. Rien n’a changé, rien ne change et rien ne changera tant que l’argent aura le pouvoir, et non l’Amour (le vrai Amour, par l’amour-sexe, l’amour-avidité, l’amour-besoin physique ou l’amour-compensation du névrosé).

Nous ne sommes absolument pas dans une société de communication. Nous sommes et nous demeurons toujours dans une société de consommation. La communication est simplement un nouveau produit bon à vendre, bon pour se faire un maximum de fric, un produit nouveau dans un secteur encore vierge. On nous dit que nous vivons dans une nouvelle ère simplement parce que l’on a créé, artificiellement et de toutes pièces un marché porteur, le marché de la communication (individuelle, professionnelle et d’entreprise). La communication est traitée comme un simple produit de plus parmi les milliers, les centaines de milliers de produits qu’il faut vendre, promouvoir, rendre attrayants, séduisants, grâce à cet autre grand moyen d’endoctrinement qu’est la publicité.

Je crois donc qu’il est nécessaire de remettre les choses à leurs places respectives et les appeler par leurs noms. Si certaines personnes appelaient un chat, chien, et un chien, chat, d’autres un chat, chat et un chien, chien, ce serait la confusion totale. C’est malheureusement exactement la situation actuelle. Le mot “communication” est mis à toutes les sauces et finalement les grands spécialistes du marketing ont brouillé les cartes, trompés les gens et surtout, se sont trompés eux-mêmes.

Quelques définitions pour remettre les choses à leur place :

Publicité : mensonge consistant à vanter les qualités d’un produits, à les exagérer, à taire les défauts dudit produit et à prétendre qu’il est meilleur que tous les autres.

Télévision : instrument utilisé pour distraire, embrouiller, endoctriner la masse. Prétendu instrument communicatif, mais où il n’y a en fait aucune espèce de communication, puisque l’information ne va que dans un seul sens. Aucune interaction possible entre la télévision et le téléspectateur. La télévision a de toute manière complètement échoué (jusqu’à présent), dans sa vocation d’instrument éducatif.

Radio : Comme la télévision, la Radio a raté sa vocation culturelle et éducatrice. Juste un petit exemple, où sont donc passés les cours d’anglais radiophoniques d’antan ? On les a supprimé parce qu’ils constituaient une concurrence dite “déloyale” vis-à-vis de ces écoles payantes qui dispensent des cours de langues.

Télécommunication : Le fait d’échanger ou simplement de transmettre une information dont le caractère peut être quelconque, par un moyen technique comme le télex, le téléfax, le minitel, l’ordinateur en réseau et le téléphone. Je propose que l’on remplace ce mot par télétransmission.

Émission : ce mot est parfait. Une émission n’est effectivement pas une communication. Il y abus de langage lorsqu’à la radio ou à la télé on parle d’un communiqué ou d’une communication. Il ne peut pas y avoir de communication sans échange. En revanche, une émission implique un émetteur et un récepteur et la transmission de l’information est absolument à sens unique. Dans le contexte de l’émission, il n’est absolument pas question que le récepteur devienne transmetteur, et vice-versa.

Téléphone : moyen de communication payant. Le fait qu’il soit payant indique qu’il ne s’agit pas d’un véritable moyen de communiquer. Car la communication naturelle entre les hommes implique la gratuité. Le même principe s’applique d’ailleurs à tous les appareils modernes de télétransmission.

Séminaire de Communication : On a inventé ce genre de stage, en pratique hautement fantaisiste, dans le but d’apprendre aux gens à communiquer. Hé oui, il y a des petits psychologues plus malins que les autres qui se sont aperçus que l’homme souffre du manque de communication (sans s’être rendus compte, du reste, qu’il s’agit en fait d’un manque d’amour). Évidemment, pour participer à ce genre de stage, il faut payer. Il faut payer pour tout dans ce monde matérialiste, voilà le problème. Et attention aux yeux, ce genre de stage n’est pas donné : il n’y a aucune limite dans l’exagération.

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