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Le Misanthrope, Acte III Scène 4, v.878-912

Commentaire de texte : Le Misanthrope, Acte III Scène 4, v.878-912. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  17 Février 2016  •  Commentaire de texte  •  1 331 Mots (6 Pages)  •  10 348 Vues

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Le Misanthrope, Acte III Scène 4, v.878-912

Le texte qui nous est proposé est un extrait du Misanthrope de Molière issu de acte 3 scène 4, rédigé initialement en 1666 puis modernisé par Jacques Chupeau. Cette pièce de Molière inscrite comme ses autres œuvres dans le classicisme est une comédie de caractères et de mœurs qui sur le registre satirique et ironique critique globalement les excès de la société avec le personnage éponyme d’Alceste, misanthrope de son époque.  

L’extrait étudié se situe au cœur de la pièce dans le nœud de l’action. Nous assistons à une tirade d’Arsinoé, personnage qui apparait pour la première fois, et qui s’adresse à Célimène pour lui donner ironiquement des conseils sur le registre satirique. Il s’agit donc d’étudier comment sous le masque d’une amitié hypocrite, Arsinoé livre une attaque masquée à Célimène.

Lecture

Tout d’abord, l’extrait s’ouvre sur une marque de civilité de la part de Célimène qui offre un siège à Arsinoé : « voulons nous nous assoir ». Cette dernière répond avec la même politesse affectée : « il n’est pas nécessaire madame ». Le mot Madame est de plus mis valeur par un enjambement, ce qui appuie d’avantage son utilisation en tant que marque de politesse forcé : cette entrée en matière en douceur est déjà un signe annonciateur de l’hypocrisie et de l’ironie à venir pour paraître des amies qu’elles ne sont pas (lors de la scène précédente, Célimène avouait son apathie pour Arsinoé arrivée plus tôt que prévue). Par la suite, Arsinoé ouvre les débats avec pour arme principale l’ironie : l’emploi du superlatif « aux choses qui le plus peuvent nous importer » puis consécutivement d’une hyperbole « il n’en est point de plus grande importance » marque l’ambition d’Arsinoé d’affirmer une amitié exagérée qu’elle n’a pas pour Célimène : elle manie brillamment l’ironie en exprimant le contraire de ses pensées. Cette hypocrisie et mauvaise foi est renforcée par l’emploi du mot amitié à plusieurs reprises et notamment l’expression « l’amitié que pour vous a mon cœur ». Cette amitié si grande ne peut être que fausse et prétendue car les propos blessants qu’elle va prononcer ensuite sont en contradiction avec ces marques de sympathie : ces propos d’amitié sont donc d’habiles antiphrases. Et cette fausse manifestation d’amitié n’est travaillée que dans un seul but servir de prétexte et de bouclier aux propos blessants qu’elle va prononcer ensuite. Tout au long de l’extrait, elle ne cesse d’appuyer et de clamer sa bonne foi et son amitié envers Célimène : elle appuie sur le mot cœur pour souligner la valeur affective et jouer sur les sentiments de celle-ci, multiplie les protestations de sincérité « je viens par un avis qui touche votre honneur » « non que j’y croit l’honnêteté blessée ». Elle souligne sa loyauté pour son ami lorsqu’elle dû prendre parti sur les critiques « Vous pouvez bien penser quel parti je sus prendre je fis ce que je pus pour vous défendre » et reste hypocrite jusqu’au point de lui avouer qu’elle « se vit contrainte à demeurer d’accord avec les critiques ». Cette hypocrisie se souligne d’elle-même dans un premier temps par l’expression « je vous excusai fort sur votre intention », cela connote une différenciation de l’intention et des actes qui eux, sont condamnés. De plus dans les vers suivants elle rapporte les critiques entendues et va même dans leur sens « si vous vouliez » « vos déportements pourraient ». Elle appuie ensuite sa dévotion par des expressions pieuses tel que « et voulus de votre âme être la caution » ou « me préserve le ciel d’en avoir la pensée » : Arsinoé s’affirme ironiquement être son amie sous une couverture de loyauté dévote. Enfin dans sa conclusion, elle loue encore Célimène : répétition de la formule « madame » « je vous crois une âme raisonnable » et se défend une dernière fois de toute hypocrisie « ne pas attribuer cet avis aux mouvements secrets d’un zèle qui m’attache à tous vos intérêts » : c’est par simple amitié qu’elle est venue lui rapporter les critiques entendues et non dans le plaisir de la réprimander. Nous pouvons donc voir, du début à la fin de l’extrait, qu’Arsinoé manie habilement l’ironie afin de faire passer pour une intention amicale les propos blessants ensuite rapportés, tout cela sous l’œil complice et amusé du lecteur.

Ce masque d’amitié ironique est déployé dans un seul but, livrer une attaque masquée et cinglante à sa prétendue amie.

Une lecture de l’ensemble de l’extrait au premier degré ne laisse pas paraitre la moindre provocation à l’encontre de célimène, et Arsinoé semble même une amie fidèle. Ce n’est qu’en le lisant à la lumière de l’ironie que l’on comprend les véritables intentions d’Arsinoé : attaquer Célimène en s’en prenant à son attitude dépravée. Cette attaque se réalise sur le mode de l’insinuation : Arsinoé feint de rendre service à Célimène en lui rapportant des propos désobligeants sur elle. Cette attaque masquée s’explique par le fait que les 2 femmes sont des femmes du monde, et par ce statut, ne peuvent pas se permettre d’écarts verbaux. De plus la stratégie est fine car cette attaque masquée renforce l’agressivité plutôt que de l’atténuer. Arsinoé attaque Célimène sur son point faible : son attitude envers les hommes, en sous-entendant que sa vie élégante et son esprit cachent une vie de dépravée. En confère les expressions  « foule de gens » « votre galanterie » « ses grands éclats » « les bruits qu’elle excite » « tous vos déportements » « trouvèrent descenseurs plus qu’il n’en aurait fallu » (nouvelle marque d’ironie). Ainsi, à 2 reprises v.887-891 et 900-904 elle dresse un portrait satirique de Célimène. Mais cette attaque, brutale sur le fond, est dressée sur une forme habile, et Arsinoé avance masqué : tout d’abord, elle s’abrite derrière les propos d’autrui « hier j’étais chez des gens ou sur vous du discours on tourna la matière » : les critiques ne viennent pas d’elle. Elle souligne cependant l’importance de ces gens « de vertu singulière » pour soutenir avec force les défauts de Célimène. Puis, elle multiplie les atténuations de ses propos : il y a de nombreuses litotes « votre conduite eut le malheur qu’on ne la loua pas » (cette litote s’oppose d’ailleurs avec l’exagération de « ses grands éclats ») d’autres litotes comme « l’air dont vous vivez vous faisait un peu tort » « aux ombres du crime ». En en disant le moins Arsinoé en fait entendre le plus sur la désinvolture de célimène. L’euphémisation « mais vous savez qu’il est des choses dans qu’on ne peut excuser » et les attaques précédées par la conjonction de coordination « mais » 896 907 appuie cette atténuation de l’attaque : les propos qui pourraient choquer sont camouflés derrière de la politesse affectée, et Arsinoé peut donc laisser libre cours à sa rancœur qui finalement en est d’avantage renforcée. Enfin toutes les vérités blessantes prononcées sont à mettre sous le couvert de la sagesse commune « mais vous savez qu’il est des choses dans la vie qu’on ne peut excuser » « conte fâcheux que partout on n’en fasse » « aux ombres du crime on prête aisément foi » « cet avis profitable » tout cela sous-entend qu’Arsinoé en réprimandant Célimène, ne fait que se mettre sous le couvert de l’avis de tout le monde, son avis est sage et prudent. En réalité ce n’est qu’un nouvel abri pour mieux la blesser et lui adresser des reproches.

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