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Le poète s'en va dans les champs - V. Hugi

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Par   •  25 Février 2017  •  Cours  •  1 738 Mots (7 Pages)  •  2 961 Vues

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« Le poëte s’en va dans les champs… »

     La figure du poète qui est en osmose avec la nature a, pour archétype, le personnage d’Orphée qui, par son chant, arrive à captiver les animaux et à soumettre la Nature à sa volonté. Il semble que ce soit cette figure que Victor Hugo convoque implicitement dans le texte que nous allons étudier. Ce poème est le second de la section intitulée « Aurore », qui se trouve dans le recueil intitulé Les Contemplations. Dans ce dernier, on voit la Nature rendre hommage au poète qui passe devant les arbres et les fleures. Tout se passe comme si la Nature était animée d’une sorte de principe vital et qu’elle possédait une forme d’intelligence qui lui permettrait de distinguer le poète parmi la multitude des êtres. Toute la question, pour nous, sera de savoir comment Victor Hugo arrive à rendre ce lien entre la nature et l’homme palpable. Dans un premier temps, nous verrons que la nature est perçue comme une notion humanisée, dans un second temps, nous analyserons les rapports que cette même nature entretient avec le poète.

       L’humanisation de la nature passe par une logique du mouvement que l’on retrouve tout au long du poème, ainsi que par des attributs spécifiquement humains qui sont appliqués à la flore environnante.

     La première mention d’un verbe de mouvement, appliqué à la nature, est le verbe agiter au participe présent (indiquant qu’une action secondaire se déroule en même temps qu’une action principale) : « Prennent pour l’accueillir agitant leur bouquet, » (v. 7). On peut donc déjà voir que s’ébauche ici une première tentative d’humaniser la nature. Victor Hugo cherche à donner l’impression du mouvement pour faire en sorte que la nature soit animé d’une conscience qui lui fasse se rendre compte que le poète est entré au sein du champs. De plus, ce verbe particulier (agiter) est mis en relief par le fait qu’il soit placé au début second hémistiche et juste après la césure, ce qui pourrait nous renseigner sur son importance. Cette notion dominante du mouvement est renforcée par le fait que l’adjectif « penchés » s’appliquant au substantif « airs », s’appliquant lui aussi aux fleurs se trouve à la fin du premièr hémistiche. Ainsi, sur deux vers, nous avons déjà deux se rapportant au mouvement et placés respectivement à des « endroits stratégiques » du vers pour les mettre en relief. Un peu plus loin dans le poème, vers 12, nous avons encore un verbe qui pourrait aussi signifier le mouvement. Le verbe vivre, qui se trouve dans la subordonnée relative, pris hors de tout contexte, pourrait renvoyer au principe vital qui anime chaque être, mais, en l’occurrence, c’est avec le sens « d’habiter un endroit » que Hugo s’en sert. Cependant, on pourrait légitimement se demander s’il ne jouerait sur l’ambigüité du sens à donner à ce verbe particulier et aussi s’il ne chercherait pas à pousser le lecteur à supprimer le complément circonstanciel de lieu « dans les bois », pour faire en sorte que le verbe vivre désigne des arbres vivants au sens littéral et non pas des arbre « habitant » quelque part. L’emploi du verbe courber (v. 17) renvoie lui aussi à l’impression de mouvement et laisse supposer que le poète soumet la nature à sa volonté, à la manière d’Orphée. Cette hypothèse est renforcée par le fait que le nom commun « salut » termine l’hémistiche. Un nom appartenant donc au champ lexical du respect et de la solennité se trouve à un endroit clef du vers.

     Plus que le mouvement c’est aussi la parole qui confirme que la Nature est animée d’un principe vital qui l’humanise. La première occurrence est au vers 10. On remarquera que les deux phrases sont de tonalité exclamative et qu’elle sert à donner une dimension emphatique à la phrase : la Nature tient à souligner le respect qu’elle voue au poète. De plus, le substantif « amoureux » clôt le premier hémistiche, c’est un lien presque charnel qui unit la Nature et ce dernier. La dimension emphatique de la parole, par le biais de la tonalité exclamative, est encore redoublée à la fin du poème par les deux phrases exclamatives qui terminent le poème, vers 20. On remarquera la similitude des structure avec, tout comme dans le vers 10, la présence du présentatif « c’est » qui à sert désigner le poète et à souligner sa présence. Les deux régimes du présentatif sont un pronom, pour la première phrase (« lui »), et un nom commun, pour la seconde (« le rêveur »). On remarquera ici que la figure du poète n’est pas désignée directement, elle ne l’est que par périphrase, ce qui serait un moyen pour marquer une distance respectueuse entre lui et la nature.

     Mais, l’humanisation de la Nature passe aussi par la mise en valeur d’éléments physiques propres aux êtres humains et non pas aux végétaux. On peut voir, au vers 9, que le substantif « belles » se rapportent aux fleurs, or une fleur peut être « belle », mais elle ne peut être une « belle », puisque l’adjectif utilisé comme un nom commun se rapporte à une belle femme. Au vers 13, on remarque que les arbres sont considérés comme des « vieillards », ce qui renvoie aussi à des caractéristiques spécifiquement humaines. Au vers 14, nous avons l’adjectif « ridés », qui est à mettre en lien avec nom « vieillards » qui, même s’il ne désigne pas les saules en particulier, s’applique aux arbres en général, et donc aux saules accessoirement. Victor Hugo va même pousser l’humanisation de la Nature jusqu’à désigner les parties constituant un arbre par des nom se rapportant au corps humain. Ainsi, nous avons les nom « tête » et « barbes » au vers 18, ce qui confirme encore cette volonté d’humanisation de la nature mise en avant par Victor Hugo.

     Nous avons vu que la nature était humanisée grâce notamment à des verbes se rapportant au mouvement, elle est aussi douée de parole et Victor Hugo applique des éléments spécifiquement humains sur une flore censée être inanimée.

     Mais cela ne nous dit pas quels rapport cette même nature entretient avec le poète : il nous semble que la dimension affective joue un rôle de premier ordre, et aussi que la couleur renvoie à une dimension cinesthésique.

     Le poème s’ouvre sur des termes qui renvoient à l’affectif : ainsi, les deux verbes adorer et admirer occupent les extrémités du premier et du second vers respectivement. Le mot « champs » est contigu à ces deux verbes. Cette proximité nous renseigne sur le fait que la dimension affective est non seulement importante, mais qu’elle est aussi redoublée par la nature elle-même. Ainsi, au vers 10, le lien affectif que la Nature a tissé avec le poète est-il mis en valeur par le fait que le substantif « amoureux » termine le premier hémistiche, et que le pronom « elles », désignant les fleurs, termine le second. Il est intéressant de voir, par le fait que ces deux notions grammaticales occupent deux extrémités d’hémistiche, que nous pouvons les mettre en parallèle. Le nom « amoureux » renvoie au poète perçu par la nature, il se situe dans un discours produit par la flore. Le pronom « elles », quant à lui, est en dehors de ce discours. Il placé dans l’incise et désigne la Nature perçu par un être humain, à savoir le narrateur du poème. Nous avons donc, dans un seul et même vers, deux univers qui fusionnent l’un et l’autre : le monde humain se greffe sur le végétal, il n’y a plus de frontière entre les deux. Il n’y a pas de contradiction entre le monde humain et celui de la flore. Un fait intéressant se dégage ici : on pourrait dire que l’humanisation de la nature n’est pas une fantaisie artificielle que le poète projette sur un environnement indifférent, au contraire, l’humanisation est immanente à la Nature, elle sort littéralement d’elle sans avoir besoin de la parole du poète pour être humanisée.

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