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L’expérience esthétique, de Renée Bouveresse

Fiche de lecture : L’expérience esthétique, de Renée Bouveresse. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  18 Février 2022  •  Fiche de lecture  •  2 784 Mots (12 Pages)  •  510 Vues

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FICHE DE LECTURE

L’expérience esthétique, de Renée Bouveresse

Renée Bouveresse, ancienne élève de l’École normale supérieure et agrégée de philosophie, est l’auteur de nombreux essais tels que Les Critiques de la psychanalyse, Leibniz ou encore Le Rationalisme critique de Karl Popper. Dans cet ouvrage L’expérience esthétique, publié en 1998, elle entend questionner cette notion qu’elle présente comme « énigmatique ». En effet, l’expérience esthétique, est un sujet complexe, car il nous invite à rencontrer l’œuvre d’art, à ressentir sa « plénitude » qui s’inscrit dans l’irréel, dans un « imaginaire ». Aussi, Renée Bouveresse, s’appuyant sur la philosophie, la sociologie ou encore la psychologie, tente de mettre en évidence la pluralité du débat ainsi que son évolution. Cet ouvrage tout en se présentant comme un hommage à André Malraux, à sa pensée traduit aussi l’engagement de l’auteur dans la discipline scientifique que représente l’esthétique expérimentale ainsi qu’à la nécessité de son ouverture à la philosophie, pour faire de l’esthétique une « science des sensibilités ».

Ce dossier de lecture, porte principalement sur le deuxième chapitre de la première partie intitulé « L’expérience esthétique » ainsi que sur l’ensemble de la troisième partie questionnant « Les problèmes de la modernité ou la modernité face à l’historicité du goût ».

Il est intéressant d’observer que dès les premières lignes du chapitre portant sur « L’expérience esthétique » Renée Bouveresse affirme son attachement à la pensée d’André Malraux. Aussi, ce dernier définit l’art comme un « anti-destin », l’instrument que l’homme se donne affronter le monde. Le thème du duel, du conflit avec la nature est très présent dans ses œuvres. Pour André Malraux, la notion de beauté de rend pas compte de notre relation avec l’art, et présente cette dernière comme une « énigme » qui manifeste l’existence des arts. Renée Bouveresse explique : « Si l’esthétique est, comme le veut Hegel, la science du beau artistique, il n’y a pas d’esthétique de Malraux… » L’art n’a pas pour objectif d’être apprécié mais de toucher. Par ailleurs, André Malraux rend aussi compte du rôle que possède le musée dans notre rapport aux œuvres. L’apparition des musées constitue l’émergence d’une nouvelle expérience esthétique.

Tout comme André Malraux, Mikel Dufrenne prend une certaine distance avec la notion du beau. Pour, lui : « Le jugement esthétique est d’abord l’expression de l’attention, ce qui explique, ce qui explique à la fois son caractère irréductible et subjectif et sa prétention à l’objectivait ».  L’approche phénoménologique l’amène aussi à mobiliser la notion « d’objet esthétique ». Il est intéressant d’observer qu’il fait alors la distinction entre « l’expérience perceptive » et « l’expérience esthétique ». Ainsi, « l’objet esthétique » et la « perception esthétique » forment un tout. Le sentiment éprouvé rend compte de l’expérience. Face à l’œuvre, le spectateur pense rentrer dans son monde.

Par ailleurs, ce chapitre s’attache aussi à rendre compte des théories sur l’art et sur les concepts de l’esthétique, et confirme ainsi la complexité du débat. Renée Bouveresse présente notamment la réflexion de Taine, qui décrit l’œuvre d’art comme l’écho à l’histoire de son auteur. Néanmoins, l’auteur porte un propos critique sur cette démarche qui, selon elle, fait preuve d’un « déterminisme intégral, mais ne laisse aucune place à la création neuve, imprévisible, utilisant de façon inattendue l’expérience de la vie faite par un artiste ». Cette partie de l’ouvrage amène aussi l’auteur à mobiliser les travaux de Paul Valéry, de Jean-Luc Chalumeau ou encore des écrits d’Oscar Wild… De plus, la question du lien entre l’art et la technique est aussi abordée. Ainsi, rappelant l’accord de sens qui liait s’est deux termes derrière l’idée d’un « savoir-faire », Renée Bouveresse ajoute qu’aujourd’hui ils sont des contraires (l’art désignant le « pouvoir créateur et original » et la technique correspondant à la « connaissance de procédés spéciaux »). L’auteur rend compte de la complexité de ce rapport.

Renée Bouveresse s’attache aussi dans cet ouvrage, à revenir sur l’histoire du développement de l’esthétique expérimentale comme discipline scientifique appartenant à la psychologie expérimentale. Ainsi, elle nous apprend notamment que son fondateur Fechner, qui est aussi le créateur de la psychophysique, entendait faire de cette nouvelle discipline une science. Sa démarche l’a amené à différencier « l’esthétique d’en bas » dont l’esthétique expérimentale relève de « l’esthétique d’en haut » qui caractérise notamment l’esthétique philosophique. Renée Bouveresse met ainsi en évidence une opposition marquée : « Ce qui fait l’illusion de cette esthétique philosophique, selon Fechner, c’est qu’elle substitue les concepts aux lois et cherchent dans les définitions conceptuelles à la fois les questions essentielles et les réponses ». Et pour ce dernier, c’est la notion de plaisir doit être étudiée, et cette dernière est empiriquement observable. Néanmoins, Renée Bouveresse ajoute que cette opposition est relative : « Fechner se pose la question d’une alliance dans son entreprise des deux esthétiques, mais se refuse la facilité d’éclairer l’esthétique d’en bas, tant qu’elle n’est qu’à ses débuts, par l’esthétique philosophique, là où des auteurs ultérieurs comme Berlyne citeront volontiers des philosophes aussi bien que des histoires de l’art ».

En France c’est notamment par les travaux de Robert Francès sur la musique que cette discipline va se développer.

   La troisième partie de l’ouvrage porte son attention sur la notion du goût. Renée Bouveresse met notamment en évidence l’importance de la pensée de Kant et de Hume dans son développement au XVIIIème siècle. En effet, les deux philosophes ont contribué par leurs travaux, à l’affirmation d’une définition esthétique du goût comme une capacité à évaluer le beau. Cette participation amène l’auteur à le définir comme un concept jeune, « daté historiquement ».

Le texte de Kant Critique de la faculté de juger, présente le goût comme une compétence universelle et subjective ne s’appuyant pas sur les connaissances. En effet, pour le philosophe, la splendeur que nous attribuons à certains objets, ne vient pas d’une qualité propre à ces derniers mais correspond à la manière dont nous sommes touchés par eux, à l’impression qu’ils nous laissent. Ainsi, Renée Bouveresse, parle d’un « enracinement dans le sujet ». Kant considère que le beau relève d’une satisfaction désintéressée. Par ailleurs, son caractère universel s’explique par le fait que l’appréciation du beau est le produit d’une « harmonie de l'imagination et de l'entendement » propre à chacun de nous.

Il est intéressant d’observer que Renée Bouveresse concentre une grande partie de son propos sur le travail de Hume et plus précisément sur son ouvrage De la norme du goût, qu’elle présente comme une « réponse » aux théories du scepticisme et du relativisme. En effet, le philosophe, tente dans cet essai de mettre en lumière un principe permettant d’accorder, de réunir les hommes. Pour Hume aussi, le goût s’apparente à une aptitude à percevoir le beau. L’observation du beau convoque la sensibilité. Hume fait une distinction entre le vrai et le beau. Par ailleurs, l’essai De la norme du gout, développe l’idée que le goût s’acquiert, il est l’objet d’une éducation, d’une rencontre prolongée avec l’œuvre. Ainsi, certaines personnes possèdent la qualification nécessaire pour juger. C’est une conception « élitiste » du goût. Un autre point de l’essai mis en avant par Renée Bouveresse est l’approche expérimentale. Hume se distingue de Kant qui préconise une démarche transcendantale. Pour Hume les principes du goût sont consultables empiriquement.

La présentation de la théorie d’Hume, permet à Renée Bouveresse de rendre compte de sa grande influence dans le champ de recherche que constitue la psychologie du goût et notamment dans la « détermination empirique » de cette faculté. Ainsi, de nombreuses études ont porté leur attention sur la capacité des individus à exprimer un jugement esthétique : « Le but de ces tests étaient de déceler ou de confirmer des vocations artistiques ou de permettre à un public nombreux de se situer dans une norme de bon goût ». Aussi, la figure du spécialiste développée par le philosophe, a été interrogée lors de nombreuses expériences (Burn, Valentine…) De plus, Renée Bouveresse fait même remarquer qu’un grand nombre d’enquêtes menées avant 1940 s’organisaient principalement autour de la comparaison de l’évaluation esthétique de groupes de connaisseurs et de groupes de non connaisseurs. Par ailleurs, la psychologie du goût est aussi marquée par l’approche factorielle qui entend notamment démontrer l’existence d’un « facteur général » qui expliquerait nos jugements esthétiques. L’auteur indique que dès 1924, par ses travaux Burt a affirmé l’existence d’un principe général de « capacité éducable » présent chez tous les hommes. Les recherches d’Eysenck confirment aussi l’influence d’un « facteur général T » (qui serait proche selon Renée Bouveresse de la notion de « délicatesse de goût » d’Hume) ainsi qu’un « facteur K ». Ce dernier dans le domaine des arts visuels, s’inscrirait dans l’opposition entre une préférence pour des œuvres classiques et l’art moderne et dépendrait notamment de l’âge, des caractéristiques physiques de l’œuvres telles que sa couleur ou encore sa forme… Il parait intéressant d’observer que l’auteur distingue trois moments dans l’histoire de l’esthétique expérimentale. Si la première période qui s’illustre principalement par le travail de Fechner, constitue pour Renée Bouveresse une étape peu concluante et convaincante (« La science de Fechner se contente d’enregistrer des préférences »), la deuxième période (1908 à 1955), elle, est investie par les questions des théories relativistes et culturalistes. Aussi, l’auteur met en évidence une troisième période va être marquée par la mise en évidence de « consensus transculturels » dans les années 1960 (travaux de Siroto, de Protho et Child…) , qui sont selon Renée Bouveresse un référence directe à la « norme du goût » de Hume. Elle conclut ainsi que : « Par rapport au problème philosophique général du relativisme, l’essai humain De la norme du goût, ainsi que sa confirmation par la psychologie expérimentale de l’esthétique constituent une contribution importante ».

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