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Naissance De Gargantua

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ttérature dite « bourgeoise » que les grossièretés. Les propos licencieux sont même des éléments indispensables à la littérature comique. Cependant, si Rabelais a été condamné pour obscénité, c’est bien que la grossièreté était en partie au moins perceptible.

On peut alors aussi se poser la question de la fonction de la plaisanterie grossière et de l’obscénité.

Questions :

1. Dégagez les grandes étapes du chapitre et montrez qu’elles correspondent aux étapes de l’accouchement.

2. En quoi peut-on dire que Rabelais célèbre ici les plaisirs du « bas corporel » (M. Bakhtine) ? Trouvez dans l’œuvre les autres passages où ces plaisirs sont pareillement célébrés.

3. Par quels termes le narrateur qualifie-t-il la naissance de Gargantua ? Est-ce justifié ?

4. Quels livres sont évoqués dans cet extrait ? Expliquez comment le narrateur se moque des références qu’il propose.

Mise au point avec les élèves sur la structure du chapitre.

I – Un comique obscène

1.1 ) Un imaginaire grotesque qui insiste sur les parties inférieures du corps

On peut noter l’importance donnée au corps et aux basses parties de celui-ci. Les noms sont des caractérisations métonymiques des personnages : Grandgousier (grand gosier), Gargamelle, Gargantua (vorace). Ils viennent de sobriquets populaires.

Le passage constitue une glorification des appétits naturels de l’homme et de la femme, dans une exaltation joyeuse. Il s’agit du « bas corporel » selon l’expression de Mikhaïl Bakhtine. Les bas instincts sont illustrés et sont source de comique. Il s’agit du goût de la nourriture, du goût de la boisson, de l’appétit sexuel. Le début du chapitre insiste sur les douleurs du bas ventre de Gargamelle. La suite plaisante sur le sexe de Grandgousier.

Le comique est un comique grossier donnant dans la scatologie. La deuxième partie du chapitre repose sur l’effet visuel et révulsant de la confusion entre l’enfant et la merde, à grand renfort de détails scatologiques (p.87). Il y a même une gradation avec une seconde image, celle des sphincters élargis avec les dents (p.89). Il y a là la volonté de faire voir la scène, révulsante au demeurant. La grossièreté s’impose et forme un « huis-clos » pour l’imagination. François Rigolot parle de « mots-choses », tant la matérialité de la scène est présente. Cette seconde image trouve un prolongement comique avec la plaisanterie sur le diable à la messe de saint Martin (p.89).

On voit là une première fonction au rire et à l’obscénité : Rabelais veut triompher du mutisme, des interdits qui pèsent sur la vie et les façons de la dire.

1.2 ) Le burlesque

La naissance de Gargantua n’est pas une naissance glorieuse : elle a lieu au beau milieu d’une beuverie populaire, à la vue de tous et Grandgousier se propose de boire encore pour supporter les souffrances de sa femme (p. 87). Les premiers mots de Gargantua invitent à boire (p.89) et donnent lieu à une facétie sur les noms de « Beusse » et de « Bibaroys ».

Le comique repose sur l’hyperbole comme pour le motif des tripes, p.87.

La naissance de Gargantua est enfin en elle-même grotesque et ridicule : elle ne ressemble pas aux naissances des modèles littéraires du XVIe siècle : ni à la naissance du christ, ni à la naissance des héros des romans de chevalerie.

1.3 ) La revendication de la liberté de création

Ce passage est aussi un plaidoyer pour la liberté de l’imagination et une revendication du droit à la fiction. Le narrateur s’adresse à son lecteur et le plaisante sur le caractère fictif et grotesque de son histoire, invoquant d’autres exemples plus grotesques qui font pourtant autorité (p.93). L’invention doit pouvoir être prise en bonne part, de façon heureuse, sans passer forcément pour blasphématoire, et sans être automatiquement interdite.

Le rire ici est revendiqué dans de ce qu’il a de plus grossier, de plus burlesque et scatologique. Ce rire entre ainsi dans une défense de la fiction, de l’invention romanesque, qui doit être libre et comprise heureusement, et non l’objet des suspicions et des interdictions de la Sorbonne.

II – La parodie de la naissance christique

2.1 ) L’envers de la nativité

La naissance de Gargantua est l’envers de la naissance du Christ. C’est tout d’abord une naissance merveilleuse : l’enfant, au lieu de naître normalement, sort par l’oreille gauche (p.89), version grotesque de l’Annonciation par l’Archange Gabriel. Le narrateur qualifie cette naissance d’ « étrange nativité » (p.89), faisant ainsi référence à la nativité du christ. Ces allusions pouvaient être perçues comme blasphématoires par la Sorbonne. L’édition propose des passages présents dans les premières éditions et supprimées ensuite par Rabelais : on voit que l’auteur a bien enlevé les plaisanteries sur la religion les plus visibles, par mesure de sécurité.

2.2 ) Le rejet de la Sorbonne

Rabelais rejette la fidélité oppressive à la doctrine religieuse : la volonté de tout rapporter à la vérité sainte et de rejeter toute chose comme blasphématoire ou hérétique si elle ne semble pas se rapporter à cette vérité : p.89-90 : « Est-ce contraire à notre loi et à notre foi, contraire à la Raison et aux Saintes Ecritures ? Pour ma part, je ne trouve rien d’écrit dans la sainte Bible qui s’oppose à cela ».

Rabelais oppose l’oppression doctrinale de la Sorbonne au véritable acte de foi. L’acte de foi doit être une bonne crédulité. La foi est la confiance en Dieu : dans le pouvoir de Dieu de tenir ses promesses : « à Dieu rien n’est impossible » (p.91).

Cela implique une confiance dans la lecture directe du texte. C’est bien une lecture directe et une compréhension heureuse que demande le narrateur : « un homme de bon sens croit tousjours ce qu’on luy dict et qu’il trouve par escript » (p.88-89) ; « Je ne trouve rien dans la Sainte Bible » (p.91).

En comparant la naissance de Gargantua à celle du Christ, Rabelais va à l’encontre de l’autorité doctrinale de la Sorbonne. Par là, il montre son rejet de l’asservissement à la pensée doctrinale, et demande une lecture directe de la Bible, et une foi en la toute-puissance divine.

On voit là une autre fonction du rire et de l’obscénité : il peut s’agir de camoufler sous la plaisanterie grossière des vérités difficiles à dire, et donc pour l’auteur d’éviter le bûcher.

III – Un usage libre de la culture

Dans le dernier temps du texte, Rabelais propose à son lecteur un véritable cheminement de pensée. On quitte en effet la scène de la naissance de Gargantua pour s’intéresser à des exemples livresques. Rabelais s’amuse à détourner l’attention de son lecteur de la scène triviale de la naissance pour mieux allumer sa curiosité. Peut se mettre en place l’aventure intellectuelle qu’il réclame de ses lecteurs.

3.1 ) Une culture livresque ?

- Références grecques antiques, dans celle à Pline (p.93), et à la Bible.

- Bacchus (p.91), Minerve, Adonis, Léda, Castor et Pollux viennent de la mythologie antique romaine.

- Rochetaillée et Croquemuche appartiennent à des légendes populaires.

On voit aussi l’éloge de la médecine : la naissance de Gargantua donne lieu à une description en termes médicaux du corps : p. 89 « cotylédons de la matrice », « veine creuse », « diaphragme ».

3.2 ) La parodie de la « justification »

Parodie de la justification : Rabelais accumule des références livresques pour justifier la naissance grotesque de Gargantua, comme dans un discours relevant de la rhétorique. Toutefois, ces références sont trop nombreuses pour être vraiment chacune efficace, elles sont tout aussi grotesques que la naissance du héros, et en plus le narrateur mêle des références à la mythologie antique à Rochetaillée et Croquemouche ! Le narrateur tourne donc en dérision ce savoir livresque farci de références irréalistes, comme peut l’être le savoir enseigné par la scolastique.

Parodie de l’argument d’autorité : la référence finale à Pline est tout d’abord invoquée comme un argument d’autorité puis tournée en plaisanterie : cette référence n’est pas plus sérieuse que les autres et Pline est qualifié de « menteur ». Rabelais, comme les autres humanistes, rejette les langages empruntés ou falsifiés qui opacifient la pensée. La liste d’exemples littéraires est en même temps une négation de leur valeur (cf. la modalité interrogative : ces questions rhétoriques jettent un doute sur le sérieux et la validité même du discours).

3.3 ) La réalité de la vie

Contre ce faux savoir ridicule, rabelais nous parle au contraire crûment de la réalité de la vie, en prenant en compte, le corps, jouissant ou souffrant, la matérialité de la naissance, l’aspiration aux plaisirs. On voit là une autre fonction à la grossièreté et à l’obscénité

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