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Poisson Soluble - André Breton

Dissertation : Poisson Soluble - André Breton. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  6 Février 2021  •  Dissertation  •  3 465 Mots (14 Pages)  •  861 Vues

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Le poème en prose

Contrôle Continu n°1 : Proposez un commentaire composé du texte 22, extrait de Poisson Soluble d’André Breton (1924).

Organisez vos idées (pas d’analyse linéaire) et appuyez-vous toujours sur le texte que vous analyserez et que vous citerez.

Indiquez à chaque fois les lignes..

N’oubliez pas de faire une introduction et une conclusion.

          Héritier du dadaïsme, le surréalisme se forme au début du XXème siècle, autour de la figure d’André Breton (1896-1966), théoricien et initiateur de ce mouvement qui s’inspire des traditions occultistes, de la littérature fantastique ainsi que des poètes comme Gérard de Nerval, Lautréamont et Arthur Rimbaud. Le nom du mouvement trouve son origine dans la préface d'un drame de Guillaume Apollinaire, Les Mamelles de Tirésias : « Quand l’homme a voulu imiter la marche, il a créé la roue qui ne ressemble pas à une jambe. Il a fait ainsi du surréalisme sans le savoir. » Après les expérimentations formelles engagées par la pratique constante de l’écriture automatique dans Les Champs magnétiques avec Philippe Soupault, publié en 1919, le Manifeste du surréalisme paraît en 1924. Dans cet essai novateur, André Breton édifie les bases de ce mouvement artistique fédérant aussi bien la littérature (Robert Desnos, Louis Aragon, Paul Éluard), la peinture (Salvador Dali, René Magritte), la photographie (Man Ray) que le cinéma (Luis Buñuel). Il y donne une définition précise de ce mot : « Surréalisme, n.m. : automatisme psychique pur par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de tout autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. » Il se fonde sur le l’attrait de insolite et de la folie ainsi que la transgressions des tabous. Poisson Soluble est un recueil de poèmes en prose initialement conçu pour être édité avec le Manifeste du surréalisme qui devait en constituer la préface.  Elle se veut un exemple représentatif de la réalisation de la parole poétique surréaliste appliquée à la poésie en prose, genre créé par Aloysius Bertrand avec son recueil Gaspard de la nuit en 1842. Dans sa dédicace à Arsène Houssaye dans Petits Poèmes en prose en 1869, le poète Charles Baudelaire définit ce genre inédit aux contours indécis comme « une prose poétique, musicale, sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s’adapter aux mouvements lyriques de l’âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience. ». En quoi ce poème 22 extrait de Poisson Soluble est-il représentatif du poème en prose surréaliste ? Quelles en sont ses caractéristiques ? Dans un premier mouvement, les qualités éminemment poétiques seront étudiées, puis nous verrons, dans un second mouvement, que le poème en prose demeure le genre oxymorique par excellence. Enfin, nous nous attarderons sur la réalité prosaïque sous-jacente dans ce poème imprégné d’une empreinte surréaliste.

          Ce poème en prose envoûte par sa musicalité parsemé d'assonances et d'allitérations. Nous décelons la présence d’une anaphore : « cette femme » est répété en début de phrase à plusieurs reprises (l.1 ; l.24) ; d’une assonance en [ɑ̃] dans la première phrase du premier paragraphe : « dans

» ; « immense » ; « avant » ; « couvent » ou encore en [oi] aux lignes 42 et 43 : « moi » ; « voile » ; « mémoire » ainsi qu’une allitération en [u] : « parfumée », « attendu » ; « tunique » ; « voluptés » ; « durables » ; « but » de la ligne 39 à la ligne 42. Ces figures de style aux sonorités arrondies et douces renforcent l’aspect mélodieux et poétique. Elles soulignent la délicatesse qui se dégage des pensées du narrateur, qui est le double d’André Breton. Son langage châtié se retrouve dans l’emploi de termes soutenus tels que « l'éclair de son visage » (l.5) ; « l'ascension » (l.7) ; « brimbalaient » (l.8) ; « cimes » (l.18) ; « les merveilles » (l.22) ; « funeste » (l.29) ; « voluptés » (l.40) ; « enveloppe » (l.45) : « auroral » (l.77) ; « soubresauts » (l.81). L’adjectif se retrouve antéposé comme dans « grand deuil »  (l.4), « brusque luisant » (l.12) et « troublantes propriétés » (l.42). Notons également la présence d’une apostrophe exclamative : « Délices ! » (l.53) typique d’un élan lyrique ainsi que le recours aux figures hyperboliques et adjectifs mélioratifs qui confèrent un pouvoir suggestif et procurent un entêtement envoûtant : « vigne immense » (l.2) ; « mille fois plus belle » (l.58).

           La place accordée à la nature accentue la poéticité du texte. L’évocation d’un monde végétal foisonnant émerge par le biais du champ lexical relié à la faune et à la flore qui émaille le texte : « vigne » (l.1 ; l.9 ; l.47) ; « vendange » (l.2) ; « nid de corbeaux » (l.5) ; « feuilles rouges » (l.7) ; « les oiseaux » (l.16) ; « l’hermine » (l.31) ; « plantes de forêts » (l.56) ; « feuilles » (l.56) ; « une rivière » (l.64) ; « de fleurs » (l.67) ; « un arc-en-ciel » (l.70). Il s’agit d’ une femme porteuse d’une nature intérieure au beau milieu d'un paysage urbain : « D’où venait-elle et que me rappelait cette vigne s’élevant au centre d’une ville, à l’emplacement du théâtre, pensais-je ? » (l.10-11). La femme est ainsi étroitement reliée au monde naturel et porte en elle les promesses d’un paradis terrestre, d’un Éden imaginaire : « C’était comme si une femme eût jeté sur moi un regard empreint de toutes les promesses » (l. 52-53). Un parallèle s’établit entre cette femme et l’oiseau ; ses mouvements ondulatoires qui rappellent l’envol  d’un oiseau : « Cette femme, qui ressemblait à s’y méprendre à l’oiseau qu’on appelle veuve, décrivit alors dans l’air une courbe splendide, son voile traînant à terre tandis qu’elle s’élevait. » (l.24-27) et qui se retrouvent plus loin dans l’évocation du « voile [qui] se mouvait un peu avec des ondulations pareilles à celles d’une rivière dans la nuit » (l.62-64).

           La vision de cette femme est associée à une image ascensionnelle où la vue lumineuse de cette apparition aveugle le narrateur. : « l'ascension » (l.7) ; « s'élevant » (l.9) ; « cimes inconnues » (l.19) ; « l'éblouissement de cet instant » (l.20) ; « courbe splendide » (l.26) ; « qu'elle s'élevait » (l.27) ; « miracle » (l.47). Cette symbolique évocatrice de l’élévation est associée à la symbolique de l’oiseau : il incarnerait l’âme, et le passage de la terre aux cieux, d’une réalité terrestre à une réalité céleste. Cette métaphore filée signifie que la dimension charnelle est inséparable de la dimension spirituelle. Cependant, le passage suivant montre un aveu d’impuissance de la part du narrateur extasié, incapable d’atteindre cette dimension supérieure, de s’élever au-delà de cette existence matérialiste : « Elle s’était arrêtée et m’éloignait de la main, comme s’il se fût agi pour moi de gagner des cimes inconnues, des neiges trop hautes. Je ne sus d’ailleurs pas mettre à profit l’éblouissement de cet instant et n’arrivai qu’à articuler les mots qu’entendent les merveilles lorsqu’on attente à sa propre vie ou encore lorsqu’on juge qu’il est temps de ne plus s’attendre soi-même. » (l.17-24) Les élans poétiques comblent le vide et cet absence d’accomplissement constitue la matière même du poème. L’opacité du texte est renforcée par l’emploi de figures de style – la comparaison, la métaphore, la métonymie -, dont le sens reste pour le moins énigmatique : « J’assistais à un concert donné par des instruments semblables pour la forme à beaucoup d’autres mais dont la corde eût été noire, comme filée dans du verre à éclipses. » (l.59-62). Ce poème abonde donc en images riches aux résonances multiples.

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