Rhinocéros Eugène Ionesco

La pièce de théâtre Rhinocéros, représentée pour la première fois le 6 novembre 1959, écrite par Eugène Ionesco (1909-1994), écrivain et dramaturge franco-roumain du théâtre de l’absurde, s’inscrit dans le courant littéraire de l’absurde qui suit l’existentialisme et la Seconde Guerre mondiale. Ce courant littéraire traite surtout de l’absurdité de l’existence humaine. Ionesco, un des fondateurs de ce courant, dénonce les visions politiques et sociales de cette époque. Ce texte a pour but de démontrer que son œuvre, Rhinocéros, dénonce le dangereux phénomène de la massification. Selon le Larousse, la définition de la massification est : « l’adaptation d'un phénomène à la masse, au grand nombre, par la suppression des caractères différenciés qu'il présentait ». Les prochaines lignes cerneront ce phénomène tout en présentant ses effets néfastes.

Ionesco dénonce le dangereux phénomène de la massification par l’évolution des personnages de la pièce qui cessent d’être des individus distincts. Cette situation amène les personnages à se regrouper en masse représentant ainsi le Nazisme. Le personnage de Béranger est le seul qui résiste à cet effet de massification. Il est différent, «il se sent mal à l’aise dans l’existence, parmi les gens » (p.30). Un effet nocif de la massification est de se remettre en question et de se culpabiliser de ne pas être comme les autres (la masse). Dans l’acte III, il est le seul qui n’est pas devenu rhinocéros. Il se sent coupable de ne pas avoir changé et suivi les autres: « Comme j’ai mauvaise conscience, j’aurais dû les suivre à temps. Trop tard maintenant! Hélas, je suis un monstre […] » (p.162). Cette culpabilité et le mal de vivre que l’auteur démontre à travers le personnage de Béranger est le parfait exemple des dangers de la massification.

L’auteur dénonce le dangereux phénomène de la massification par le discours et le langage des personnages. Ceux-ci réagissent uniformément face à l’arrivé des rhinocéros : Jean : « Oh! Un rhinocéros! » ; La serveuse : « Oh! Un rhinocéros! » ; L’épicier : « Oh! Un rhinocéros! » (p.41-42). L’effet visé par l’auteur est la disparition de l’individu au profit de la masse. Au début de la pièce, le ton et le langage utilisé est comique et ensuite le langage se dramatise. Le personnage de Béranger devient victime parce qu’il se retrouve seul contre tous, mais aussi désemparé face aux forces de la « rhinocérite » : « À qui se fier, mon Dieu, à qui se fier! Le Logicien est rhinocéros! » (p.132). Tranquillement l’entourage de Béranger se réduit et il est de plus en plus seul. L’auteur dénonce aussi le caractère dangereux des rhinocéros en mutation. Jean se met à raisonner comme un animal violent. Son discours change et appel à la destruction de l’évolution des valeurs humaines : « Démolissons tout cela, on s’en portera mieux! (Les valeurs irremplaçables bâties par des siècles de civilisation humaine) » (p.105). Pourtant, ce personnage a été décrit comme le plus grand défenseur de l’humanisme (p.115). Il abandonne ses belles valeurs pour rejoindre les rhinocéros. L’auteur démontre au travers le langage des personnages que même les plus humains ne résistent pas aux effets négatifs de la massification.