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Résumé Du Desert Des Tartares

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à la lisière d'une frontière morte, de l'autre côté de laquelle il y avait un désert nommé le désert des Tartares. Puis le fort leur était apparu, silencieux, noyé dans le plein soleil de midi, sans un seul coin d'ombre. Tout le long du chemin de ronde du bâtiment central, on apercevait des dizaines de factionnaires, le fusil sur l'épaule, qui marchaient méthodiquement de long en large, chacun ne parcourant que quelques pas. Tel le mouvement d'un pendule, ils scandaient le cours du temps, sans rompre l'enchantement de cette solitude qui semblait infinie.

Les montagnes, à droite et à gauche, se prolongeaient à perte de vue en chaînes escarpées, apparemment inaccessibles.

Instinctivement, Giovanni Drogo arrêta son cheval. Il considérait d'un air fixe les sombres murailles, les parcourant lentement des yeux, sans parvenir à en déchiffrer le sens. Il pensa à une prison, il pensa à un château abandonné. Tout stagnait dans une mystérieuse torpeur.

Comme la veille au soir, du fond de la gorge, Drogo le regardait hypnotisé, et une inexplicable émotion s'emparait de son cœur. Tout ici était un renoncement, mais au profit de qui, au profit de quel bien mystérieux ?

Déjà, Drogo avait hâte de partir, mais un départ immédiat pouvait équivaloir à un aveu d'infériorité. De la sorte l'amour-propre luttait contre le désir de retrouver la vieille existence familière.

Le soir même le lieutenant Morel conduisit en cachette Drogo sur le chemin de ronde pour lui permettre de voir le désert. Et Drogo pu contempler le monde du septentrion, la lande inhabitée à travers laquelle, disait-on, les hommes n'étaient jamais passés. Jamais, de par-là, n'était venu l'ennemi, jamais on n'y avait combattu, jamais rien n'y était arrivé.

Plus tard, seul dans sa chambre, Drogo comprenait ce qu'était la solitude et il pensait aux factionnaires qui, à quelques mètres de lui, marchaient de long en large, tels des automates, sans s'arrêter jamais pour reprendre haleine. Ils étaient des dizaines et des dizaines à être réveillés, ces hommes, tandis que lui était étendu sur son lit, tandis que tout semblait plongé dans le sommeil. Des dizaines et des dizaines, se disait Drogo, mais pour qui, pour quoi ? Dans ce fort, le formalisme militaire semblait avoir crée un chef-d'œuvre insensé. Des centaines d'hommes pour garder un col par lequel ne passerait personne.

S'en aller, s'en aller au plus vite, se disait Giovanni, sortir de cette atmosphère, de ce brumeux mystère. Pourtant il sentait qu'une force inconnue s'opposait à son retour à la ville et peut-être cette force jaillissait-elle de son propre esprit, sans qu'il s'en aperçut.

Un jour dans l'atelier du maître tailleur Prosdocimo un petit vieillard lui dit

-faites attention de vous en aller dès que vous le pourrez, attention de ne pas attraper leur folie.

- Je ne suis ici que pour quatre mois, dit Drogo, je n'ai pas la moindre intention de rester.

-Faites tout de même attention, mon lieutenant, dit le petit vieux. C'est le colonel Filimore qui a commencé. De grands événements se préparent, a-t-il commencé par dire, je me le rappelle très bien, il y a de cela dix-huit ans. Oui " des événements ", disait-il. C'est là le mot qu'il a employé. Il s'est mis en tête que le fort est très important et que quelque chose doit arriver. Du côté du désert, probablement. Personne ne viendra, bien entendu, mais le colonel dit que les Tartares sont toujours là. Faites attention, ajouta-t-il presque suppliant, c'est moi qui vous le dis, vous vous laisserez suggestionner, et vous finirez, vous aussi par rester : il n'y a qu'à regarder vos yeux.

Maintenant Drogo comprenait, finalement. C'est du désert du Nord que devait leur venir leur chance, l'aventure, l'heure miraculeuse qui sonne une fois au moins pour chacun. A cause de cette vague éventualité qui, avec le temps, semblait se faire toujours plus incertaine, des hommes faits consumaient ici la meilleure part de leur vie. Ils ne s'étaient pas adaptés à l'existence commune, aux joies de tout le monde, au destin moyen ; côte à côte, ils vivaient avec la même espérance, sans jamais parler de celle-ci, parce qu'ils n'en étaient pas conscients, ou tout simplement, parce qu'ils étaient des soldats, avec la jalouse pudeur de leur âme.

" Il faudra bien qu'advienne quelque chose de différent, se disaient-ils, quelque chose de vraiment digne, qui permette de dire : maintenant, même si c'est fini, tant pis. "

Drogo avait compris leur facile secret et il pensa avec soulagement qu'il était en dehors, spectateur non contaminé.

Ni vite, ni lentement, trois autres mois avaient passé. Bientôt Drogo pourrait s'en aller. Il continuait de se répéter que c'était là un événement faste, qu'une vie facile l'attendait en ville, une vie amusante et peut-être heureuse, et pourtant il n'était pas content. Le souvenir de sa ville passa dans l'esprit de Drogo, une image pâle, rues bruyantes sous la pluie, statues de plâtre, humidité des casernes, lugubres cloches, visages las et défaits, après-midi sans fin, plafonds gris de poussière.

Ici, en revanche, s'avançait la grande nuit des montagnes, avec ses nuages en fuite au-dessus du fort, miraculeux présages. Et du nord, du septentrion invisible derrière les remparts, Drogo sentait peser son destin.

Les trompettes auraient pu sonner, on aurait pu entendre des chants guerriers, d'inquiétants messages auraient pu venir du nord, s'il n'y avait eu que cela, Drogo serait parti quand même ; mais il y avait déjà en lui la torpeur des habitudes, la vanité militaire, l'amour domestique pour les murs quotidiens. Au rythme monotone du service, quatre mois avaient suffi pour l'engluer. Ainsi, se déroulait à son insu la fuite du temps.

Un pressentiment de choses nobles et grandes l'avait fait rester là et il se disait que rien au fond n'était perdu. Il avait tellement de temps devant lui. Quel besoin avait-il de se hâter ? Illusion tenace, la vie lui semblait inépuisable, bien que sa jeunesse eût déjà commence de se faner.

Une nuit, presque deux ans plus tard, Giovanni Drogo dormait dans sa chambre du fort. Vingt-deux mois avaient passé sans rien apporter de neuf et il était resté fermé dans son attente, comme si la vie eût dû avoir pour lui une indulgence particulière. La même journée, avec ses événements identiques, s'était répétée des centaines de fois sans faire un pas en avant. Le fleuve du temps passait sur le fort, lézardait les murs, charriait de la poussière et des fragments de pierre, limait les marches et les chaînes, mais sur Drogo il passait en vain ; il n'avait pas encore réussi à l'entraîner dans sa fuite.

Quatre années s'étaient écoulées, une respectable fraction de vie, et rien, absolument rien n'était arrivé qui pût justifier tant d'espoirs. Les jours s'étaient enfouis l'un après l'autre ; des soldats, qui pouvaient être des ennemis, étaient apparus un matin aux confins de la plaine étrangère, puis ils s'étaient retirés après avoir effectué d'inoffensives opérations de cadastre. La paix régnait sur le monde, les sentinelles ne donnaient pas d'alarme, rien ne laissait présager que l'existence pût changer. Comme au cours des années passées, avec les mêmes formalités, l'hiver s'avançait maintenant et le souffle de la tramontane contre les baïonnettes faisait un léger sifflement.

Puis la belle saison était revenue. Un ultime salut à la plaine du Nord, maintenant vide d'illusions. Adieu fort Bastiani, s'attarder encore serait dangereux, ton facile mystère est tombé, la plaine du Nord continuera de rester déserte, jamais plus ne viendront les ennemis, jamais personne ne viendra donner l'assaut à tes pauvres remparts.

Rien ne le retient plus au fort. Giovanni Drogo retourne en plaine, il rentre dans la société des hommes, il obtiendra facilement un poste quelconque, peut-être même une mission à l'étranger, dans la suite d'un général.

La porte de la maison s'ouvrit et Drogo sentit tout de suite la vieille odeur familière. Sa mère arriva tout de suite ; toujours la même, grâce à Dieu. Tandis que, assis au salon, il essayait de répondre à toutes les questions qu'on lui posait, il sentait sa joie se transformer en une tristesse désabusée. Et maintenant, se demanda-t-il ? Tel un étranger il erra par la ville, à la recherche de ses anciens amis, et il apprit qu'ils étaient tous très occupés, dans les affaires, dans la politique. Ils lui parlèrent de choses sérieuses et importantes, d'usines, de voies ferrées, d'hôpitaux. Ils avaient tous pris des routes différentes et, en quatre ans, ils étaient déjà loin. Puis il alla voir Maria, la sœur de son ami Francesco Vescovi. Drogo avait pensé que ç'allait être pour lui une grande émotion, que son cœur allait battre. Au lieu de cela, il put mesurer le temps qui s'était écoulé. Quelque chose s'était glissé entre eux, un voile

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