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Montesquieu, Lettres persannes 37

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* Comme dans une lettre, il y a un émetteur et un récepteur. Ici, l’émetteur est Usbek, le récepteur est Ibben ; en réalité ils sont doubles : l’émetteur est Montesquieu et le récepteur est le lecteur français.

* Des pronoms personnels de la première personne sont utilisés : « je » aux lignes 12 et 23 et « nous » ligne 3, ils désignent le destinataire ; ce sont des indices de l’énonciation, cependant, la deuxième personne est absente. Le pronom « il » désigne l’objet de l’énoncé, le roi Louis XIV mais celui-ci n’est jamais nommément mentionné. Le pronom « on » (lignes 5, 7 et 37) est un pronom indéfini neutre ; le sujet est inconnu, il équivaut à « quelqu’un » et exprime la rumeur.

* Les temps du discours sont employés : le présent, comme aux lignes 3, 5, 6, 14, … et le passé composé, comme à la ligne 12… mais il n’y a pas de futur car l’émetteur n’anticipe pas.

* On retrouve également la formule d’introduction « Le roi de France est vieux » à la ligne 3, qui annonce le sujet de la lettre.

2. Les éléments de la réalité/fiction

Montesquieu a publié anonymement Les Lettres Persanes et a pu se présenter comme un traducteur, ce qui lui a permis de déjouer la censure. Certains éléments, purement fictifs, sont là pour masquer la réalité tout en donnant une impression d’authenticité :

* L’auteur a inventé un calendrier. Ce qui semble être un calendrier lunaire musulman est en réalité notre calendrier où les noms de nos mois sont substitués à des noms musulmans (démonstration de Robert Shackleton en 1954).

* Il a choisi des noms perses : à la première ligne les noms de l’émetteur et du destinataire fictifs : " Ibben " et " Usbek » ; Usbek est un haut-dignitaire en disgrâce à la Cour d'Ispahan. Il est parti pour éviter la mort mais aussi pour chercher la sagesse. Il est en quête de valeurs universelles, et celles qu'il défend le plus souvent sont la Vertu et la Raison. A la recherche d'un équilibre politique, il reste tout de même profondément oriental et se montre despotique quand il est question de son harem. Lui et Rica sont les porte-paroles de Montesquieu. C'est un personnage contradictoire, il critique et apprécie en même temps les valeurs occidentales. Ibben est négociant à Smyrne, c'est un ami d'Usbek très curieux de connaître les mœurs des Français. A la ligne 2, la ville de « Smyrne " est une ville Perse, qui s’appelle aujourd’hui Izmir.

Par contre, ce que raconte Montesquieu sur le roi de France est assez réaliste (même si il y a quelques anachronismes) :

* Aux lignes 3 à 5, Usbek écrit « Le roi de France est vieux. Nous n'avons point d'exemple dans nos histoires d'un monarque qui ait si longtemps régné. » Le ‘’nos histoires’’ fait référence à l’histoire perse et à l’histoire de France ; pour ce qui est de l’histoire perse, sachant que cette partie de l’œuvre est fictive, on ne peut pas vérifier ces dires ; pour l’histoire de la France, ce que dit Usbek est véridique. Louis XIV est un roi qui est particulièrement résistant ; il a survécu à de nombreuses guerres et maladies (petite vérole à 9 ans, tumeurs aux seins à 15, blennorragie à 17, fièvre typhoïde à 19, dysenterie à 22, rougeole à 24, fistule anale à 47, paludisme à 48, puis, à partir de la cinquantaine, crises de goutte, rhumatismes et coliques néphrétiques. Sans compter le ver solitaire, les migraines, les indigestions et les maladies de peau, dont le roi souffrait de façon chronique...). En 1713, année de rédaction de cette lettre, Louis XIV à 75 ans et règne depuis 70 ans. Dans la suite du texte, il n’y a pas d’autres références à l’âge du roi, cet élément reste implicite.

* Aux lignes 7 à 11, l’auteur exprime l’admiration du roi pour les gouvernements orientaux. Il est vrai que même Louis XIV est d’abord dans de mauvaises dispositions à l’égard de l’Empire ottoman, cela est dû à son engagement auprès des Habsbourg à cause de son mariage. Mais par la suite, il est resté neutre lors de la lutte entre les ottomans et la Ligue (formée par les pays européens). Au début du XVIIIe siècle, la mode est à l’orientale et la littérature française est également influencée, c’est aussi pour cette raison que Montesquieu a choisi des personnages perses, pour attirer le lecteur.

* Aux lignes 14 et 15, on peut cependant relever un anachronisme : Usbek écrit que le roi « a un ministre qui n'a que dix-huit ans, et une maîtresse qui en a quatre-vingts » ; En 1713, Madame de Maintenon (Françoise d’Aubigné) à 78 ans (mais elle est l’épouse du roi depuis 30 ans et non plus sa maitresse) ; en ce qui concerne le ministre de 18 ans, deux cas se sont produits : deux ministres ont été nommés à l’âge de 17 ou 18 ans, il s’agit du marquis de Barbézieux, fils de Louvois, mais il a été nommé secrétaire d’Etat en 1685 et du marquis de Cany, fils de Chamillart, nommé en 1708.

Ainsi, ces éléments fictifs permettent à Montesquieu de masquer par l’intrigue une critique sérieuse du souverain.

2. Les formes de la critique

1. L'ironie

Montesquieu exprime ses pensées sous le couvert de l’étonnement d’Usbek ; l’auteur utilise l’ironie pour critiquer le roi :

* Il fait un éloge ironique de Louis XIV, notamment en employant le champ lexical du talent : « talent » ligne 6, « génie » ligne 7, et le mot « magnifique » à la ligne 40. La juxtaposition des termes « sa famille, sa cour, son état » à la ligne 7 fait référence au caractère absolu de la monarchie du Roi Soleil, que le roi a mis en place après avoir décidé de régner seul et sans Premier Ministre vers 1660, mais sous entend cependant que le roi mélange tous les domaines ; c’est le cas avec la « capitation », impôt crée par Louis XIV, payés par la noblesse et même par la famille royale.

* L’écrivain ironise également sur la personnalité du roi aux lignes 30 à 33 : « souvent il préfère un homme qui le déshabille, ou qui lui donne la serviette lorsqu'il se met à table, à un autre qui lui prend des villes ou lui gagne des batailles ». Victor Hugo prend également cet exemple dans L’Homme qui rit (p.375) lorsqu’il écrit : « Etant donné Louis XIV, Bontemps qui lui fait son lit est plus puissant que Louvois qui lui fait ses armées et que Turenne qui lui fait ses victoires ». Bontemps était le valet et le confident du roi (Premier Valet de la Chambre dès 1652) et avait donc un rôle important à la cour ; il était tellement proche de son maitre qu’il était craint des ministres et des hommes publics comme Turenne (maréchal de France) ou Louvois (ministre d’Etat à la guerre). (Turennne : Maréchal de France en 1643 et maréchal général des camps et armées du roi en 1660, il fut l'un des meilleurs généraux de Louis XIII puis Louis XIV. Louis XIV accordera à Turenne l'honneur posthume d'être enseveli à la basilique Saint-Denis, avec les rois de France. Louvois : secrétaire d’Etat à la guerre puis ministre d’Etat siégeant au conseil d’en haut, prend la place de Colbert après sa mort, plus estimé qu’aimé du roi).

* Aux lignes 40 à 42 : « il y a plus de statues dans les jardins de son palais que de citoyens dans une grande ville ». Ici, Montesquieu utilise le procédé de l’hyperbole pour exagérer sur la magnificence du palais. Usbek compare Versailles à un Etat, et les français à des statues, pour mentionner le fait que le roi n’a plus d’autorité et ne gouverne que dans son château, ou que le peuple est asservi et aussi amorphe que des statues ?

* C’est dans la dernière phrase que l’on peut déceler le plus d’ironie : « Sa garde est aussi forte que celle du prince devant qui tous les trônes se renversent; ses armées sont aussi nombreuses, ses ressources aussi grandes, et ses finances aussi inépuisables. », Montesquieu met en parallèle Louis XIV et le sultan, l’absolutisme français et la tyrannie perse. Cette comparaison est renforcée par le rythme ternaire et la répétition anaphorique de l’adverbe « aussi ».

Cet excès de compliments contredit l’apparent désordre dans lequel semble se trouver le royaume, désordre formulé implicitement et dû aux incohérences dont semble faire preuve le roi de France.

2. Les contradictions

Le cœur du texte (lignes 12 à 39) est centré sur ces oppositions. Cette partie est construite en parataxe, ce qui produit un effet d’accumulation des contradictions :

* Aux lignes 14 et 15, « il a un ministre qui n'a que dix-huit ans, et une maîtresse qui en a quatre-vingts » : les termes « dix-huit ans » et « quatre-vingts », j’ai déjà expliqué ce point.

* aux lignes 15 et 16 « il aime sa religion, et il ne peut souffrir ceux qui disent qu'il la faut observer à la rigueur » : « il aime » et « il ne peut souffrir » ; en effet, Louis XIV est un partisan du gallicanisme, c'est-à-dire qu’il veut une France catholique unifiée sous ses ordres mais indépendante du pape.

* Aux lignes 17 à 20 « quoiqu'il fuie le tumulte des villes, et qu'il se communique peu, il n'est occupé depuis le matin jusqu'au soir qu'à faire parler de lui » : le verbe «

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