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Phase de latence

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ualisation des relations d’objet et des processus de pensée par le travail du refoulement et du déplacement pulsionnel, la transformation des relations avec les parents dans lesquelles primeraient la quête identificatoire et la tendresse alors que s’apaiserait l’œdipe. Nous rencontrons dans notre travail de plus en plus d’enfants excités, agités, dont les adultes qui les entourent parlent avec appréhension et découragement. Ils se disent débordés face à une « sexualité » mise sur le devant de la scène. C’est par le corps en partie que s’exprime la souffrance de ces enfants, corps que certains d’entre eux vont jusqu’à mettre à mal : ainsi Sébastien qui se précipite sur les barrières à la sortie de l’école, se tape la tête contre les murs, bloque sa respiration, se

Adresse e-mail : f.fradin@free.fr. 0222-9617/$ – see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.neurenf.2009.05.004

met un stylo dans la gorge. . . à la recherche de sensations autoprovoquées comme autant de « limites » corporelles. Une mère me dira, alors qu’elle s’interroge sur ses difficultés à assumer une « autorité légitime » (ce sont ses mots) envers son fils de treize ans : « je ne sais pas comment. . . le border ». S’agirait-il alors de « border » ces enfants comme on borde un bébé et donc d’adapter notre mode thérapeutique pour laisser à ces « corps parlants » la possibilité d’aller au plus loin de leur expression ? Il nous semble que ces corps d’enfants « sans latence » nous invitent à nous interroger sur un désaveu, par des parents isolés et en perte de sens, des différences de sexe et de génération (essentielles pour l’entrée en latence). Ceux de Jérémie, dont je vais vous parler ici, ont été confrontés à des traumatismes « en creux » [1] –défaut de holding, défaillance de l’enveloppe– à une incapacité parentale (partagée par les deux familles) à contenir affects et conflits internes durant leur enfance, et se présentent à nous dans une forme d’errance narcissique. Jérémie, du haut de ses cinq ans et demi, se dresse devant moi : œillades et sourires séducteurs, me voici face à un Don

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Juan d’un mètre dix. Très vite les mots fusent, empreints de sexualité, déroutants dans la bouche d’un enfant si jeune. Jérémie cherche le contact corporel, m’envoie des « baisers » et me dit : « tu es mon amour, je vais faire l’amour avec toi. . . » tout en mimant une scène sexuelle. Comme j’interviens pour calmer son effervescence, il cherche à me donner des coups, me lance des insultes à connotation sexuelle. La rage narcissique est terrible : ce que je semble lui refuser à cet instant, ne serait autre que la reconnaissance de son existence. La nécessaire distance qui devrait se mettre en place entre l’objet et le sujet à cet âge de la latence semble être vécue par Jérémie comme un risque d’abandon violent et impensable. Jérémie est englué dans un clivage qui en fait à la fois un tout petit envahi de fantasmes archaïques de dévoration qui émergent en séance et fantasmatiquement « objet » de mon désir d’adulte : la différence de génération n’existe pas et le jeu n’est pas encore possible. Dans son article sur la confusion des langues, Ferenczi [2] évoque, à partir de l’analyse de certains patients, l’interprétation déformée par l’adulte du langage de tendresse de l’enfant en termes érotiques et sexuels. Interprétation qui crée une confusion chez ce dernier qui, ne sachant que faire de cette sexualité « implantée » en lui, effractante et dépourvue de sens, se soumet à ce qu’il vit comme une agression. Pour conserver la part de tendresse venant de cet adulte, l’enfant est contraint d’identifier ce que veut son agresseur et de s’y conformer. Il s’opère alors un clivage de la personnalité qui, d’une part, maintient son besoin de tendresse antérieur et d’autre part, acquiert la langue de l’adulte et sa culpabilité. Effraction « traumatique » –ce dernier terme étant défini du point de vue économique par un afflux d’excitations et un débordement des défenses du Moi– que Ferenczi décrit « comme une greffe prématurée de forces d’amour passionnel et truffé de sentiments de culpabilité » [2], non suffisamment psychisées, en ouvrant sa réflexion sur des formes de confusion de langues sans passage à l’acte génital. À la suite de Denis [3], on peut évoquer, dans certaines configurations familiales, une forme de « séduction » – étymologiquement, « se ducere, conduire vers soi », s’opposant ainsi à l’éducation, « ex ducere, conduire vers l’extérieur » –de l’enfant, par un adulte qui l’attire à lui pour sa propre satisfaction quelle qu’elle soit, l’empêchant durablement de trouver d’autres investissements. C’est sans doute cela que nous montre Jérémie, triomphant quelques minutes lorsqu’il tente de me « séduire » pour me « conduire » à lui. Dans la famille de Jérémie, pas de passage à l’acte génital, mais cet « équivalent d’inceste » tel que le décrit Racamier lorsqu’il évoque le matériel incestueux chez les schizophrènes : « C’est la relation incestueuse qui compte, et l’équivalent d’inceste qui prédomine. Il s’agit . . . d’équivalents ou de substituts, et non point de déplacements : point d’élaboration psychique, et point de compromis véritable » [4]. Madame X. embrasse son fils sur la bouche, rit à ses débordements. Et quand elle ne peut plus le calmer, elle s’affole et le regarde comme un objet persécuteur.

Elle ne réalisera qu’après intervention de ma part qu’elle utilise les mêmes mots « amoureux » avec son fils et son mari. Dans la salle d’attente, alors que je viens chercher Jérémie, ce dernier exige de sa mère des bonbons (comme un bébé exige le sein). Si elle refuse, il cherche à la taper et la menace. Elle est vite débordée, le menace à son tour, et l’excitation monte entre eux. Ils sont l’un et l’autre dans le même « état ». Avant de la quitter, et après avoir obtenu d’elle ce qu’il désirait, il lui envoie quelques paroles de triomphe accompagnées de mots tendres adultomorphes. Les parents de Jérémie sont en deuil d’une grand-mère maternelle « pilier » qu’ils pleurent comme frère et sœur (incestuel). Cette dernière a été très présente auprès de l’enfant pendant ses premiers mois, puis elle déclare un cancer, et la mère de Jérémie une dépression qui va durer dans sa forme la plus aiguë pendant deux années (Jérémie a deux ans). Le père a rompu les liens avec les siens qu’il qualifie de « très peu affectueux ». Les deux parents se présentent en errance, très isolés, en prise directe avec leurs fantasmes œdipiens, sans images parentales assez intégrées pour leur permettre de répondre aux attentes anxieuses de leurs enfants. Fonction maternelle et fonction paternelle sont confondues, le « père » ne peut être séparateur. Qu’exprime Jérémie lorsqu’il traite sa mère (ou sa thérapeute lors des séances) de « putain » si ce n’est la culpabilité inconsciente de cette dernière qui reproduit à travers sa relation avec lui le désir incestueux et son cortège de culpabilité. Le père semble interpréter en permanence les propos de son fils en fonction de ses propres tourments ; ainsi Jérémie lui dit un jour qu’il va faire comme Batman et sauter par la fenêtre pour voler : son père, déprimé, interprète en projection identificatoire les propos de son fils, en termes de pulsion suicidaire. Il en est profondément affecté et répond à son fils en conséquence, évoquant sa mort et ce qu’elle signifierait pour eux. De même, lorsque Jérémie (cinq ans) lui dit un jour de colère qu’il veut quitter la maison, son père lui prépare un sac et le dépose sur le palier en lui disant : « vas-y, pars ! » Lors d’un entretien conjoint parents–enfant, Jérémie, ressentant le désarroi de son père qui vit très difficilement ses difficultés scolaires, grimpe sur ses genoux. Le contact corporel provoque immédiatement une grande excitation : Jérémie asticote son père et cela suscite en retour une confusion dans laquelle les gestes paternels se situent sur le même plan que ceux du fils. « Bagarre » très érotisée que ni l’un ni l’autre ne peuvent interrompre sans intervention extérieure. Lorsqu’il évoque la naissance de son fils, le père raconte son « angoisse » débordante, qu’il agissait en étant en permanence « sur son fils », lui interdisant tout élan vers l’extérieur considéré comme dangereux. Jérémie, on le concoit, est « effracté » par ces réponses ¸ paternelles issues de ses conflits internes non élaborés, qui lui interdisent ce faisant l’accès à des investissements extérieurs psychiquement structurants. La parole de Jérémie est interprétée comme une parole d’adulte, la différence de génération n’est jamais marquée. Et cela vaut aussi pour les fantasmes incestueux très présents encore à cet âge. L’enfant est ainsi enfermé dans un cercle fantasmatique dans lequel semblent circuler « librement » les confusions des uns et des autres et dont il ne peut s’extraire. La rencontre entre les fantasmes de l’enfant et ceux de ses parents

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produirait cet effet de séduction

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