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Commentaire De "Nox", Extrait Des Châtiments, Parties 1 Et 2

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tions : louvoyante, suspecte (“viens d’un pas oblique”), de même que le geste, dissimulé (“mets la main sur ta lampe”) - dans l’intention de ne pas être trahi par la lumière. Accessoire des cambrioleurs, la lampe est une allusion aux circonstances nocturnes du coup d’État, et suggère des manœuvres secrètes, clandestines. Quant au couteau, c’est un instrument infâmant : c’est l’arme des voleurs et des assassins, c’est l’instrument des criminels. Par cet accessoire, le Prince Président est assimilé à un coupe-jarret s’apprêtant à poignarder la République. La métaphore du voleur embusqué trouve son aboutissement dans une périphrase désignant Louis Napoléon Bonaparte qui combine deux champs lexicaux, celui de la surprise et celui de l’attaque : “brusque assaillant”.

Les autres images sont bien peu flatteuses, associant le prince-président à un malfaiteur en maraude. C’est ainsi que Louis Napoléon Bonaparte est désigné par deux formules assez paradoxales, d’abord une comparaison oxymorique “comme un baron voleur”, puis une méta- phore doublée d’une antithèse, “n’attendant qu’un bandit pour faire un empereur”. Ces images insistent sur la duplicité du personnage, censé incarner la loyauté (Louis Napoléon est prince, donc noble, d’où le qualificatif de baron), mais qui se conduit en malfaiteur ; il est aussi censé garantir les institutions, ce que rappelle l’allusion au “serment”, alors qu’il en est le fossoyeur.

Enfin le mot de “proie” va encore plus loin, puisqu’il déshumanise le prince, le transformant en une bête fauve, un prédateur guettant la république. La métaphore est d’ailleurs filée par l’allusion au regard du prince : “voir tes yeux sombres briller”. Par ces deux métaphores, s’opère un glissement subtil qui nous fait passer du registre satirique au registre fantastique : le prince président atteint, par ces attributs monstrueux, une dimension proprement effrayante.

2.Les autres personnages.

Nous avons parlé de l’instigateur, Louis Napoléon. Les autres personnages se répartissent en deux groupes : les victimes du coup d’État, et les comparses du Prince, ses complices.

Les victimes sont d’abord les élus du peuple, désignés par des termes génériques : “les tribuns”, “l’assemblée”. Divers procédés insistent sur le traitement infamant qui leur est réservé: l’antithèse met en évidence l’iniquité des mutins qui traitent les officiers légalistes comme des criminels : “Liez de cordes vos généraux jetés dans la cave aux forçats”. Par les compléments circonstanciels de manière, est suggérée la violence des mutins : “la crosse aux reins”, “à coups de plat de sabre”. Ces compléments insistent sur la violence des mutins, violence d’autant plus scandaleuse qu’elle s’exerce contre les représentants de la légitimité démocratique.

Parmi les élus, quelques-uns sont cités, héros et martyrs : Baudin ou Dussoubs. Toutes les autres victimes sont des anonymes : “ce vieux”, “cet enfant”, “cette femme”, ou des groupes de civils désignés par des termes collectifs méprisants : “ce peuple” ; “cette canaille”.

Dernières victimes du coup d’État, les valeurs républicaines : l’honneur, le droit, la loi.

Une de ces valeurs fait l’objet d’une allégorie : la liberté, assimilée à un chien enchaîné. Cette image file la métaphore du guet-apens, car, si Louis Napoléon Bonaparte est le brigand, la liberté devient le chien de garde qui veillait sur la République. Cette métaphore se double d’une harmonie imitative, suggérant le grognement menaçant de l’animal “Le dogue Liberté gronde et montre les crocs”, avec une allitération en gutturales et fricatives : [gR]; [kR]; [tR].

Venons-en maintenant aux complices du Prince. Parmi ceux qui ont trempé dans la prépa-ration du coup d’État, on compte d’abord une institution : l’armée. La troupe a, en effet, joué un rôle-clef lors du coup d’État, à preuve l’importance de ce champ lexical, systématiquement décliné tout au long du texte, avec les mots “régiments”, “casernes”, “cavaliers”, “fantassins”, “soldats”, “généraux”, “crosse”, “plat de sabre”, “preux de France”, “soldats”, etc. À quoi on peut ajouter les termes empruntés au lexique de la bataille : “assaillant”, “ennemi”, “cernes”, “mitraillez”, “feu”, “sabrez”, “fusillez”, “canons”, “boulets”. Or ces mots, fréquemment associés au registre épique, sont ici nettement dévalorisés.

Dévalorisés d’abord par une série de termes synonymes. On constate ainsi une contamination du lexique du soldat par le lexique du mercenaire, avec des mots associés à l’idée de cupidité, et de reniement : “routiers, condottieri, vendus, prostitués”. On notera au passage la gradation qui, de la notion de mercenaire, nous amène à celle de prostitution. Les soldats du coup d’État sont donc à la fois des aventuriers sans scrupule, pillards, et des renégats. Pourquoi renégats ? Parce qu’ils ont trahi la République et se sont vendus à Louis-Napoléon Bonaparte.

Mais ces termes sont aussi dévalorisés par une série de procédés : tantôt une épithète qui vient, à contretemps, déprécier le substantif qu’elle qualifiait : “les régiments sont là dans les casernes, sac au dos, abrutis de vin et de fureur” ; tantôt un rejet souligne le caractère scanda-leux d’une mutinerie qui bafoue à la fois la morale et la hiérarchie militaire : “soldats, liez de cordes / vos généraux jetés dans la cave aux forçats !”; tantôt un parallélisme associe les hom-mes de troupe à des envahisseurs barbares : “Cavaliers, fantassins, sortez ! dehors les hordes !” (notez le bégaiement féroce) ; tantôt une antithèse suggère la décadence pathétique de l’armée française, en opposant le passé mythique du chevalier idéaliste au soldat actuel, caractérisé par la cupidité et la férocité : “changez-vous, preux de France, en brigands de Calabre !”.

Car là est le principal paradoxe : ce champ lexical guerrier, tellement développé qu’il en est redondant, au point qu’il accumule non seulement les synonymes (“frappez ! Tuez…”), mais même les répétitions ou les anaphores (“Tuez Baudin ! Tuez Dussoubs ! Tuez !” ; “feu ! feu !” ; “sabrez l’honneur, sabrez le droit, sabrez la loi !”), est ici déplacé, puisque le texte ne décrit pas un combat héroïque, mais un ignoble massacre de civils. Malgré la redondance des termes, ce ne sont pas des soldats qui sont ici à l’œuvre, mais des assassins, mobilisés dans le cadre d’une opération de maintien de l’ordre, en d’autres termes, pour la répression politique.

3.L’énonciation : un choix militant.

Ce récit, Hugo le dramatise par une série de procédés qui lui confèrent une intensité dramatique extraordinaire. L’énonciation est le premier de ces procédés : Hugo renonce à une narration classique et opte pour le discours. Ainsi, au lieu d’un récit au passé et à la troisième personne, le coup d’État est relaté par le biais d’un discours, d’une espèce de long monologue. Plus précisément, ce monologue s’apparente au genre de la harangue, genre antique illustré en particulier par César dans la Guerre des Gaules. Une harangue est un discours par lequel un général exhorte ses troupes à la veille d’une bataille décisive. Ce genre relève donc du récit historique : en cela, il est parfaitement à sa place dans le contexte du récit du coup d’État.

Mais cette harangue, de qui est-elle la voix ? C’est la voix d’un témoin anonyme, qui s’adresse au Prince-Président, puis à ses complices, pour les encourager à passer à l’action. Au début, cette voix ressemble au mauvais génie du Prince-Président. C’est la voix d’un génie du mal, ou, si l’on veut, celle de son ambition.

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