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Arrêt Manoukian

Commentaire d'arrêt : Arrêt Manoukian. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  25 Mars 2022  •  Commentaire d'arrêt  •  1 663 Mots (7 Pages)  •  660 Vues

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Le 3 août 1915, la Chambre des requêtes de la Cour de Cassation a consacré le principe fondateur

d’abus de droit. La question centrale ici de la rupture abusive des négociations en droit des contrats

est intrinsèquement liée à cette idée d’abus de droit. Sans cet arrêt Clément-Bayard qui reste l’un

des plus célèbres de la juridiction de la Cour de Cassation, l’affaire Manoukian n’aurait pas existé.

Cet arrêt a été rendu par la Chambre commerciale de la Cour de Cassation le 26 novembre 2003. La

société Manoukian avait engagé en tandem avec des actionnaires de la société Stuck des

négociations dans le but d’acquérir auprès de ces actionnaires des fractions du capital de la sus-dite

société Stuck. Après six mois de négociations, les parties étaient arrivés à dressé un projet de

cession. Mais les actionnaires de la Société Stuck ont décidé de vendre le capital qu’ils possédaient

chez Stuck à la société les Complices.

La société Alain Manoukian a considéré qu’elle avait subi un préjudice de la rupture abusive des

négociations, la menant ainsi à assigner l’autre partie et la société qui avait finalement bénéficié de

la vente des actions en responsabilité. La Cour d’appel de Paris a condamné les actionnaires à payer

400 000 francs à la société Manoukian, somme correspondant seulement aux frais occasionnés par

les négociations et les études préalables qu’elle avait engagé, excluant donc la perte de chance

qu’aurait pu constituer la rupture de contrat, et a débouté cette dernière sur sa demande de

réparation à la société les Complices. Les actionnaires et la société Manoukian forment chacun un

pourvoi, les deux parties estimant qu’on ne leur avaient pas rendu justice.

Les actionnaires reprochaient a la Cour d’Appel de Paris de n’avoir relevé aucun élément fautif de

leur part qui se serait notamment caractérisé par un abus dans la rupture des pourparlers, et par

conséquent lui reproche de ne pas avoir fondé sa décision. La société Manoukian considérait elle

qu’elle avait été lésée par une perte de chance de réaliser les gains qu’elle pouvait espérer tirer de la

conclusion du contrat, et que cette dimension avait été rejetée par les juges du fond. Elle contestait

également le fait que la société les Complices ait été dispensée de payer des dommages-intérêts en

l’absence de faute de sa part qui eussent été de nature à engager sa responsabilité.

L’arrêt pose deux problèmes de droit distincts. Lors d’une rupture abusive des pourparlers, la perte

de chance d’obtenir des bénéfices liés au contrat peut-elle être considérée comme un préjudice ? Et

le fait de contracter avec un individu actuellement en tractations avec un tiers constitue-t-il une

faute ?

La Cour de Cassation rejette les pourvois de toutes les parties. Elle justifie la décision de la CA

concernant la rupture abusive des pourparlers, considérant que les actionnaires avaient commis une

faute en mettant fin de manière unilatérale, avec mauvaise foi, sans raisons suffisantes les

pourparlers, et en plus sans le notifier à l’avance à la société Manoukian. La Cour de Cassation

soutient d’autre part la CA en ce qu’elle considère que la perte de chance ne constitue pas ici un

préjudice indemnisable. Enfin, elle affirme que « le simple fait de contracter, même en

connaissance de cause, avec une personne ayant engagé des pourparlers avec un tiers ne constitue

pas, en lui-même et sauf s’il est dicté par l’intention de nuire ou s’accompagne de manœuvres

frauduleuses, une faute de nature à engager la responsabilité de son auteur », déliant par là la

société les Complices de toutes obligations d’indemnisation.

Cet arrêt vient donc tempérer la règle reconnue pour ce qui est de la liberté de rompre en consacrant

la rupture abusive des pourparlers (I), et vient préciser la responsabilité des protagonistes dans la

rupture de négociations (II).

I) La rupture abusive des pourparlers.

Ce thème est central dans cet arrêt. Ici la Cour de Cassation impose une jurisprudence qui provoque

une véritable cassure dans la continuité du droit. Il existe en effet une liberté quasiment absolue en

matière de cessation de pourparlers (A), mais la théorie de l’abus de droit vient limiter cette liberté

(B).

A) Une liberté assez large en matière de pourparlers.

Cette liberté attachée aux négociations est mentionnée dans le code civil. En effet, l’ouvrage fait

référence dans le chapitre sur la formation du contrat, en son article 1112 alinéa premier, d’une

liberté ainsi décrite : « l’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles

sont libres ». Elle implique donc que les futurs contractants peuvent se retirer d’une négociation liée

à un futur contrat. Il est aisément compréhensible que l’on accorde une telle liberté aux négociants.

En effet, seul le contrat a en lui-même la capacité de lier les parties. Dès lors il n’est pas justifiable

d’accorder aux négociations et même aux projets d’accord un statut d’obligation.

En l’espèce, les actionnaires ont pris la décision de lier contrat avec la société tierce les Complices.

Il revendique pour justifier leur action la liberté dans les négociations contractuelles.

B) La théorie de l’abus de droit comme solution des excès en la matière

Le droit tel qu’il était avant l’affaire Manoukian ne donnait pas une liberté absolue en ce qui

concerne les négociations.

En effet, l’abus de droit était déjà connu de la jurisprudence pour ce sujet. En fait, l’arrêt fait

mention du fait que les actionnaires plaignants indique que « la liberté contractuelle […] n’est

limité que par l’abus du droit de rompre ». Cependant le présent arrêt, sans renouveler à proprement

parler le droit, vient affirmer l’idée d’abus de droit en matière de rupture de négociation. Cette

notion était en fait assez indispensable. En effet, dès lors que l’on s’engage dans une négociation, il

peut arriver qu’il y ait des malversations, des dissimulations ou tout simplement de la corruption.

Dès lors le droit doit répondre à la question cruciale de l’abus de droit dans la liberté de rompre les

négociations. Basé sur la très célèbre jurisprudence Clément-Bayard, cette théorie permet de limiter

l’usage d’un droit dès lors qu’il porte préjudice à autrui.

En l’espèce, la Cour de Cassation, fidèle à sa jurisprudence, considère qu’il y a eu un abus de droit

de la part des actionnaires, car de leur décision incompréhensible découle un dommage pécunier

voire moral évident pour la société Manoukian. En effet, les dépenses liées à la négociations étant

assez importantes, la cour de Cassation reconnaît à bon droit que la rupture inconsidérée du contrat

est de nature à engager la responsabilité des actionnaires.

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