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ggéré de louer avant tout le poète), que trouve-t-il à dire d'entrée de jeu? « Il me serait plus facile qu'on ne pourrait croire de démontrer la vérité de cette proposition par l'exemple de Balzac lui-même. » Or, déjà plus haut, il avait inscrit le nom de Balzac à la première place, escorté par ceux de G.Sand, Alexandre Dumas, Michelet. Juste derrière cette haute phalange, il avait demandé qu'on n'oubliât point de ranger « les Frédéric Soulié, les Achard et surtout les deux plus grands, Eugène Sue et Paul Féval. Et comme si la hardiesse de ce palmarès inattendu ne suffisait pas, il articule devant le cercle des officiels désarçonnés la plainte que voici : « Il est lamentable (…) de les voir sacrifiés » - les ouvrages de Frédéric Soulié, Eugène Sue et Paul Féval – « à des productions à mon avis bien insipides, bien sottes et

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bien mesquines comme les disquisitions pharmaceutiques de Stendhal et de l'Education sentimentale ». Reste maintenant à expliquer d'une part les affligeants anathèmes lancés contre Stendhal et Flaubert - ceux dont il use envers Hugo poète lyrique sont pires ! – d'autre part et plus encore la si constante admiration portée par bonheur à « notre » Balzac. Sachons d'abord garder en mémoire l'incoërcible penchant de Claudel vers la joyeuse outrance, « Rions, car ceci est bon, chantait-il vers 1907 dans la quatrième de ses Cinq grandes Odes. En ce jour de mai 1935 où il est enfin déchargé du fardeau professionnel, de ses intolérables engoncements, il se laisse emporter sur les ailes de la plus folle gaminerie. La part du diable étant faite, il est clair que Claudel l'incorrigible met à profit cette circonstance libératrice pour régler plus ouvertement que jamais ses comptes, dans l'ordre aussi bien du passif que de l'actif.

Deux mots seulement, en forme de citations, sur le passif qui n'est point à notre ordre du jour. Voici sur Stendhal (Journal, II, 69) :

« Le succès de Stendhal auprès des pions vient de ce qu'ils sont des refoulés et des besogneux. Les succès de Sorel auprès des belles dames ils s'y identifient (...) apologie du Raté. » Et voici pour Hugo (ibid., 11, 664) « La poésie de Victor Hugo sonne le vide et le caverneux ». C'est encore une citation qui va nous permettre de franchir la distance entre le passif et l'actif. A l'instar « d'ingénieux penseurs qui se sont amusés à ranger tous les caractères humains sous le signe des quatre éléments », Claudel distribue de même sorte en quatre familles les « tempéraments poétiques ». Ainsi place-t-il sous le signe de l'Eau Lamartine; du Feu Juvénal et Tacite; du Vent Victor Hugo; il réunit enfin sous le signe de la Terre deux écrivains depuis toujours révérés : Bossuet et ... « ce grand entrepreneur de points de vue, Balzac » (Œuvres en prose, p.474).

La formule « grand entrepreneur de points de vue » a de quoi intriguer. Elle est par le fait la première clef de l'unisson entre deux génies. En Balzac Claudel salue d'abord le créateur assez puissant pour embrasser tous les types d'individus dont la société se compose, assez perspicace pour faire jouer tous les ressorts de la comédie humaine.

L'auteur de Tête d'Or, de Christophe Colomb, ces deux conquérants habités par "le désir de la possession de la terre de Dieu (Théâtre, II, 1145), découvre une sorte de grand frère dans le peintre de toutes les scènes de la vie des hommes, y compris l'homme de génie à la recherche de l'Absolu. Car cela aussi les réunit au plus profond de leur inspiration et de leur art.

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La deuxième clef est presque un double de la précédente : Claudel situe Balzac - là encore avec Bossuet (auquel il joint Rabelais, Pascal, Saint-Simon, Chateaubriand et Michelet) – parmi « les grands poètes français, les grands créateurs », plus vraiment « poètes » que ceux que l'on appelle ainsi d'ordinaire. Vous pourrez lire là-dessus une page de Positions et propositions sur laquelle je reviendrai pour conclure. Moins connue, mais plus révélatrice encore m'apparaît une lettre de décembre 1910 à Jacques Rivière, admirateur de Baudelaire : « c'est bien de lire les Fleurs du mal », mais il faut lire aussi certains « passages des Curiosités esthétiques , qui donnent l'idée que Baudelaire se faisait d'une grande poésie moderne à la Balzac ». C'est, on l'a bien compris : cette poésie-là que Claudel aime et recherche - celle qui jaillit de la prose dès l'instant où elle remplit deux conditions : atteindre un certain degré de plénitude sémantique et sonore, traiter le sujet ou l'objet qu'elle peint, si humble soit-il, comme le symbole d'une Réalité surnaturelle. Les références aux oeuvres de Balzac, prises sous cet angle, ne vous manquent pas. Voici, en regard, du Claudel : « Le mot prosaïque n’a jamais eu aucun sens pour moi. Je trouve la poésie partout. » (Cah. Claudel, XI, 87). « L'artiste (...) ne puise ses moyens d'expression que dans la réalité. Si, sous prétexte de vulgarité ou de bassesse, vous lui interdisez l'utilisation dans toute son étendue de cette vie quotidienne (…) vous l'appauvrissez, vous lui ôtez ce plaisir qu'ont les êtres naïfs à barboter en pleine matière... (Œuvres en prose, p.1232) Ou encore ces trois simples mots qui disent tout, détachés sur une ligne du Journal (11, 423) : « La Sainte Réalité ». Une troisième clef enfin nous fera pénétrer dans le sanctuaire des thèmes que l'un et l'autre se sont également plu à orchestrer . Par manque de temps il faut m'en tenir à quatre exemples. L'un est à mettre à part : plusieurs critiques ont relevé une assez frappante similitude de sujet entre Une ténébreuse affaire et L'Otage. Claudel lui-même a reconnu « leur parenté indéniable ». Ici comme là il s'agit de l'enlèvement d'un personnage important, soustrait aux griffes du pouvoir en place, et le rôle principal revient à une jeune fille nommée dans le roman Cinq-Cygnes et dans le drame Sygne de Coufontaine. Or, Claudel note dans son Journal (et comment ne pas l'en croire?) : « ... j'ai bien lu Une ténébreuse affaire, mais quand j'étais tout jeune, 14 ans, et je n'y avais rien compris, De tous les romans de Balzac c'est certainement celui qui m'a fait le moins d'impression. L'Otage a été écrit vingt ans plus tard, je me rappelle que c'est par une série d'approximations que je suis arrivé au nom de Sygne. C'est le premier cas que je constate clairement en moi de mémoire subconsciente, mais certainement je pourrais en trouver d'autres » (I, 814). Avec les deux exemples suivants nous quittons le terrain de l'anecdote pour celui de l'essentiel. - Le thème du désir, de la passion invincibles, éprouvés comme fondement et

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moteur de la vie et de l'art, fût-ce au prix de la Damnation, est au cœur du credo, aussi bien esthétique que mystique, chez Balzac comme chez Claudel. Rappelons-nous seulement, entre tant de passages, celui-ci dans La Peau de chagrin (IX, 130 et suiv.) : « L'artiste fatigué demande, soit comme Dieu le repos du dimanche, soit comme le diable les voluptés de l'enfer (...) la débauche est sans doute au corps ce que sont à l'âme les plaisirs mystiques La débauche n'est-elle pas une sorte d'impôt que le génie paie au mal ? » Ou cet autre, dans La Recherche de l'Absolu (IX, 489) : « trop souvent le vice et le génie produisent des effets semblables (…) Le génie n'est-il pas un constant excès qui dévore le temps, l'argent, le corps? » Claudel ne cesse de redire la même vérité, en jouant sur tous les registres d'expression. Le Journal nous offre le plus familier (1, 209) : « Pour être un artiste, il ne sert à rien d'avoir Dieu au cœur si l'on n’a pas le diable au corps. » Que la corde lyrique vienne à vibrer, cela produit cette explosion stupéfiante sous la plume d'un poète qu'on croyait catholique de rigoureuse observance C'est Fausta qui parle dans La Cantate à trois voix : « Et si le désir devait cesser avec Dieu, Ah, je l'envierais à l'Enfer ! » Dois-je enfin vous rappeler le mot de Saint Augustin mis en épigraphe du Soulier de satin et qui s'applique, encore mieux à Partage de midi : « Etiam peccata » - Le péché aussi sert : il sert au génie du poète par les voies de l'exaltation créatrice, comme au salut du croyant, par celles de la souffrance expiatrice. Un second thème majeur qui se retrouve de Balzac à Claudel est celui de la puissance du Nom, à bien des égards mystique elle aussi. Pour l'un comme pour l'autre, nommer c'est faire exister. Le nom incarne l'être; il lui donne figure; il peut même influer sur sa destinée. Balzac a très curieusement formulé cette conviction au début de Z. Marcas, avant de l'appliquer avec détail et insistance à son héros : « Entre les faits de la vie et le nom des hommes, il est de secrètes et d'inexplicables concordances (…) ; souvent des

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