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L'identite pofessionnelle

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l cria « garde-à-vous ». Je me suis alors demandé où j’étais arrivé. Les jeunes étaient classés par âge et par symptômes. Certains vivaient dans des bâtiments neufs avec des chambres individuelles qu’on fermait la nuit. Mais d’autres étaient hébergés encore dans les antiques chambrettes grillagées qu’on appelait « cages à poules », celles dont les portes, héritage de l’administration pénitentiaire, se fermaient toutes en même temps. Ils étaient donc là pour être « observés ». C’est progressivement qu’on s’est orienté vers l’individualisation des prises en charge. À l’époque la prégnance de la structure collective avait un poids important. C’est le groupe qui primait. Tout le monde était pris dans un rapport de violence. Les relations avec les jeunes étaient basées sur la vision d’un éducateur modèle. L’adulte était la référence absolue : il savait tout, pouvait tout et devait être le plus fort. C’est si on ne se plaçait pas dans cette toute-puissance qu’on se trouvait en difficulté. Certains éducateurs arrivaient à s’imposer du fait de leur seule personnalité. Le rapport de force induit par l’organisation de la structure elle-même, poussait, le cas échéant, à s’imposer physiquement. La violence était aussi un rite incontournable quand les jeunes rentraient de fugue : ils étaient systématiquement passés à tabac, avant d’être mis au mitard.

Ma deuxième affectation a été dans un centre d’observation pour les 8/14 ans à Bures-sur-Yvette, dans la vallée de Chevreuse. Là, changement complet de décors : c’était une toute petite unité de 36 enfants répartis sur trois groupes dans deux pavillons. Je me suis retrouvé avec les 12-14 ans. J’en garde un souvenir très fort. Mais, là aussi, mon absence de formation m’a pesé. Je me souviens de mon désarroi pour adopter la bonne attitude quand, un jour, je me suis retrouvé à essayer de consoler un enfant de 10 ans qui avait fondu en larmes dans mes bras. Mais quelle vitalité ! On les voyait revivre et progresser pendant leur séjour. On en était malade d’avoir à les orienter vers les grands IPES, où l’on savait très bien ce qui les attendait. Ce n’était pas des enfants de chœur. Mais placés dans un cadre différent, plus familial, ils évoluaient bien plus positivement. J’ai ensuite effectué deux ans de formation. Puis, j’ai été affecté à Belle-Île.

L’IPES était divisé en deux centres qui n’étaient pas situés au même endroit : ce qu’on appelait alors Brute qui comportait quatre ateliers (maçonnerie, forge, mécanique générale et la ferme) et Haute Boulogne qui formait au métier de matelot. Il faut se rappeler qu’à l’époque, tout était centralisé : c’était le ministère de la Justice qui affectait les jeunes dans les établissements. Les internats avaient épisodiquement des contacts avec les magistrats du jeune ou ses éducateurs. Les délégués à la liberté surveillée avaient bien leurs filières et pouvaient proposer des préaffectations, mais c’était l’administration centrale qui décidait. Si un jeune disait vouloir faire du cheval, il pouvait être orienté vers Belle-Île… parce qu’il y avait à « la ferme » deux chevaux de trait ! Les personnels étaient de grande qualité et avaient une perception très fine. On pouvait faire du bon travail. On (re) donnait des réflexes élémentaires : se lever et se coucher à des heures précises, se laver, se tenir à des consignes etc. Le problème, c’est que vouloir transformer ces jeunes à l’intérieur du microcosme qu’on formait atteint très vite ses limites. Le jeune était isolé de son milieu familial ou relationnel d’origine et vivait pendant deux ou trois ans, sans beaucoup de contacts avec l’extérieur. Cette mise à l’écart n’était pas toujours très efficace. Tout au long des années, on a pu constater que ceux qui réussissaient le mieux, en sortant de Belle-Ile, n’étaient pas ceux qui avaient réussi à s’y adapter : tant que l’encadrement était assuré, ça marchait. Mais dès que le cadre disparaissait, ils se trouvaient rapidement en difficulté. Ceux qui résistaient le mieux à la confrontation au monde extérieur, étaient ceux qui avaient réussi à se forger un caractère et qui avaient été souvent des opposants au cours de leur séjour. Belle-Île était une petite structure. Il n’y avait pas le poids institutionnel des gros internats. On arrivait à faire beaucoup de choses. On organisait des soirées ciné-club avec les jeunes, des clubs de lecture, beaucoup de sport. J’ai même réussi à faire des veillées basées sur la musique classique. Je m’attendais à me faire jeter. J’ai été finalement très étonné de constater que bien mené, cela passait très bien. Les jeunes que nous avions avaient vécu des souffrances très lourdes. C’était logique qu’ils renvoient de l’agressivité ou de la violence, de l’instabilité ou au contraire du repli sur soi. Mais, si on partait de ces réactions pour ne pas essayer de les stimuler malgré tout, on était sûr de laisser en friche beaucoup de richesses. Les activités que nous proposions étaient je crois assez sophistiquées : l’accent était mis sur le vivre avec. Cela s’est beaucoup perdu aujourd’hui. Le cadre de Belle-Île nous permettait de proposer beaucoup de choses à l’extérieur. Là aussi, demeurait sous-jacent le rapport de force : l’adulte devait faire le poids, c’était lui ou le jeune. Quand un môme rentrait de fugue, il se faisait tabasser en passant successivement dans le bureau du directeur, du sous-directeur et du chef de service. L’IPES de Belle-Île a fermé en 1976, comme beaucoup d’autres établissements de ce type à même époque. Il ne correspondait plus à ce qu’on pensait devoir faire et comportait des défauts qui le condamnaient : concentration toujours problématique, dimension de la réinsertion non prise en compte, violence perçue de plus en plus comme inacceptable… Aux IPES ont succédé les Institut spéciaux d’éducation spécialisée (ISES) qui réunissaient à la fois la fonction observation et la prestation formation. Un élément majeur est intervenu qui a contribué à modifier les pratiques : l’introduction de la mixité. Cela a d’abord été le cas dans les équipes éducatives : les relations entre l’adulte et le jeune ont commencé à changer. La présence des femmes a fait sortir du seul registre de la violence et de la domination physique. Quand le groupe de jeunes s’est trouvé constitué de filles et de garçons, cela a fait diminuer aussi la violence chez les garçons (et les comportements plus hystériques chez les filles !).

C’est aussi dans les années 70, qu’a été ouverte la structure de Juvisy : c’était un centre éducatif entouré de hauts murs avec un terrain de sport au milieu et quelques ateliers. Tout était prévu pour la sécurité dans les chambres. Les jeunes y étaient placés pour de courtes durées par des juges d’instruction. L’expérience n’a pas fonctionné tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Le côté soi-disant éducatif a été largement envahi par l’enfermement. Les adolescents y ont très vite développé les réflexes qu’on retrouve en maison d’arrêt. Et puis, ces séjours étaient très stigmatisant : les jeunes étaient marqués d’une étiquette. À leur sortie, aucun établissement n’en voulait : ils ne trouvaient pas de solutions. En plus, le passage par le centre n’étant pas considéré comme du carcéral, cela ne venait pas en décompte des éventuelles peines d’incarcération qu’ils avaient prises : tant qu’à être enfermés, les jeunes préféraient encore aller en prison ! Chalandon a tenté de renouveler ce type de mesure en 1986/1987. Il a renoncé à solliciter la PJJ, alors très hostile, et a engagé des projets avec le secteur associatif. Les mêmes effets pervers se sont reproduits et menacent aujourd’hui ceux qui projettent de créer des centres fermés. En fait, le vrai défi, ce n’est pas ceux des jeunes qui commettent des délits suffisamment graves pour risquer l’incarcération, mais tous ceux qui, caractériels ou petits délinquants, empoisonnent la vie de tous les jours et qu’on n’arrive pas à maîtriser. Il faut trouver des réponses susceptibles de se confronter à eux, de leur apporter les limites qu’ils recherchent. Les expériences des centres éducatifs renforcés ou des centres de placement immédiat sont intéressantes à condition qu’on ne leur demande pas de tout faire et qu’on aménage des solutions de sortie. Un réseau doit pouvoir relayer le travail qui y est entrepris, sinon, ce qui a été gagné sera très vite perdu. Avant de se lancer dans des mesures spectaculaires, mieux vaudrait se rappeler des expériences passées, sinon on risque de rencontrer les mêmes échecs. »

Propos recueillis par Jacques Trémintin

Parcours d’un éducateur émerveillé

Francis Alföldi s’enthousiasme pour son travail auprès des enfants et des familles. Il s’adonne avec la même exaltation à la formation et à l’écriture puisqu’il vient de publier Les milles et un jour d’un éducateur. « Faire cetravail ça soigne » affirme-t-il

« Le plaisir au travail est une condition indispensable à la réussite de l’action éducative. Pourquoi ? Peut-être justement parce que les familles que nous rencontrons au quotidien sont déplorablement habituées à susciter la consternation, l’horreur, le mépris, le dégoût, et non pas le plaisir. Il est vrai que ces familles en difficulté commettent parfois des choses abominables : quoi de pire en effet qu’un parent faisant violence à son enfant

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