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Lecture Analytique : Electre, Sophocle - Vème Siècle Avant J-C

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pée d’Ulysse. Exemples :

- Electre confirme au chef du chœur (coryphée) la réussite du stratagème : Clytemnestre croit son fils mort et ses cendres enfermées dans une urne qu’on lui apporte. Cela permet à Oreste d’agir en toute tranquillité, puisque c’est lui même qui apporte l’urne, en se faisant passer pour un messager.

- Ce stratagème a aussi une valeur symbolique. Il lui permet d’apparaître à sa mère comme un revenant agissant sous l’influence d’un père mort criant vengeance : « As-tu eu pitié de lui, toi, et du père de qui tu l’avais conçu ? » (ligne 32). C’est le même symbole macabre qui fait coïncider le moment où Clytemnestre reçoit les cendres et le moment où elle est assassinée, un peu comme si Oreste, en lui apportant l’urne, lui apportait son propre tombeau. On remarque un emploi du présent de l’indicatif : « ils sont vivants, les morts couchés sous terre » (lignes 39-40) ; « le champion des morts » (ligne 9), désigne Oreste. On remarque également une importance du cri : « On crie là-dedans » (ligne 25) ; « j’entends des cris » (ligne 27) ; « encore un cri ! » (ligne 30) ; « Hélas ! » (ligne 35). En somme, le cri fonctionne ici comme le signe de la terreur provoqué par l’apparition « fantomatique » d’Oreste, et comme l’indice sonore du moment tragique.

C] Une forte tension tragique

Ce passage se situe au dénouement de la pièce : le spectateur comprend qu’une série d’évènements funestes vont se précipités.

Exemples :

- Le crescendo est d’abord souligné par les didascalies (indications scéniques) : « Agité » et « Vif », indiquant que le chant du chœur est de plus en plus intense, que l’on passe de l’inquiétude à la précipitation, de l’attente à l’action.

- De même, les premiers mots du chœur évoque un mouvement progressif, le dieu de la guerre qui s’avance.

- L’importance des phrases exclamatives, surtout dans la seconde moitié du texte.

- Le champ lexical de l’imminence dans les paroles du chœur : « déjà » (ligne 2) ; « à l’instant même » (ligne 4) ; « plus longtemps » (ligne 7) ; « en suspens » (ligne 7) ; « Le voilà » (ligne 9)… Egalement, l’emploi du présent d’énonciation : « il rentre » (ligne 11), comme si l’action des personnages était doublée par les paroles du chœur (tension).

Cette tension dramatique est accentuée par l’impression que tout est accompli d’avance, que tout est joué. En cela, ce passage appartient au registre tragique : c’est le champ lexical du destin, « implacable » (ligne 2) ; « sur la piste » (ligne 5) ; « on n’échappe pas » (lignes 5-6) ; « avoir achevé » (ligne 15) ; « le destin » (ligne 33) ; « infortunée » (ligne 33) ; représailles » (ligne 40)…

Ainsi, l’évocation du destin a une importance dramaturgique dans ce passage : elle accompagne le dénouement. Cependant, elle ne se limite pas à cela : elle accompagne également l’évocation des rapports entre les hommes et les dieux. Nous allons donc analyser la dimension sacrée de ce passage.

II - La dimension sacrée de ce moment tragique

A] Les hommes et les dieux

Le chœur identifie Oreste à trois figures divines :

- (ligne 2), Ares, dieu du carnage et du combat, dieu des larmes, mais aussi dieu de la vengeance. Ici, Oreste est l’instrument de la vengeance divine, il est donc comparé à Ares.

- (ligne 4), « Elles » ; ce pronom désigne ici les Erynies ou Furies, déesses infernales chargées de punir ceux qui transgressent la norme. Elles étaient particulièrement redoutées, au point que les grecs ne les nommaient pas, ou bien de manière antiphrastique : « les Bienveillantes ». C’est pourquoi elles sont désignées ici par le pronom personnel « Elles », et la périphrase « les chiennes à qui l’on n’échappe pas ». On note qu’elles châtiaient spécialement l’homicide contre la famille. Oreste est ici identifié à elles, mais dans la légende, il sera ensuite poursuivi pour avoir accompli un acte qui leur était réservé.

- (ligne 12), « c’est Hermès qui le mène au but », dieu du commerce, dieu des voyageurs, gardien des carrefours et des routes…mais surtout conducteur des âmes aux Enfers et messager des dieux. Ce sont ces deux dernières fonctions qu’actualise Oreste. On note d’autre part qu’Hermès était aussi la perfection de la ruse (mêtis), dont use ici Oreste à travers le stratagème de l’urne. Hermès était enfin aussi le dieu des voleurs : Oreste ne vole t-il pas ici aux Erynies leur mission, ce qui lui vaudra ainsi leur colère ?

B] La fonction poétique et sacrée du chœur

A travers son chant, et en désignant Oreste comme l’instrument des dieux, le chœur accompli ici le cérémonial de la tragédie (à l’origine, une cérémonie en l’honneur de Dionysos). Il chante l’union des hommes avec les dieux, et leur offre la représentation du sacrifice de Clytemnestre (voir les dernières lignes de l’extrait : temps du présent qui accentue la leçon donnée par les dieux). Mais cette fonction sacrée est aussi poétique puisqu’il revient au chœur de chanter et de danser dans l’orchestra, et donc de souligner le caractère extraordinaire de l’action représentée devant la skêné : l’italique a ici pour fonction de représenter ces parties chantées, qui supposaient ainsi une certaine mise en scène, un certain phrasé, et une musique particulière (lignes 1 à 13, lignes 27 - 28, lignes 39 - 41). On remarque d’ailleurs à quel point le ton et le registre de langue sont différent entre la partie chantée du chœur et le reste du dialogue entre personnages : l’une est solennelle, poétique et très soutenue, l’autre est plus informelle et chaotique (beaucoup d’exclamations, d’interrogations et de points de suspension). Enfin, comme le montre les lignes 27 - 28 et les didascalies, l’autre fonction du chœur est de commenter l’action et donc de permettre un transfert entre la scène et le spectateur (catharsis) : le chœur lui permet ici d’éprouver la terreur et la pitié, les deux émotions nécessaires à la réception de la tragédie.

C] Des actes et des paroles conformes aux oracles

Une autre fonction sacrée du chœur est de rappeler à la mémoire des hommes les oracles et les dieux. En ce sens, son chant est possédé par eux, il parle dans l’inverse et le transport des sens (Dionysos, qui préside à la tragédie, est le dieu du vin), voir les interjections « Ah » (ligne 6), « Ô » (ligne 33) et la modalité exclamative.

Le temps du présent accentue aussi le fait que le chœur rapporte l’action comme s’il la voyait en rêve. Les oracles ne peuvent être contournés, ils fixent la part du destin dans l’action de l’homme, et le chœur est là pour le rappeler : « le songe entrevu par mon chœur » (ligne7), « les imprécations s’accomplissent » (ligne 39), et le champ lexical de la fatalité. On rappelle que l’acte d’Oreste avait été prophétisé par Apollon, Oreste ayant toujours su que le meurtre de sa mère était son lot… Enfin, il faudrait commenter la mise en scène qui amène Electre à dialoguer avec le coryphée et à commenter de l’extérieur une action qui a lieu à l’intérieur (didascalies lignes 13 - 23) : Electre est dans un entre deux, et commente elle aussi l’action comme en rêve (temps au présent), comme s’il s’agissait d’une vision inspirée par les dieux. Elle est aussi leur instrument comme l’atteste la ligne 36 où elle semble diriger l’action d’Oreste, à la manière d’un metteur en scène.

III - Le double langage tragique

A] Une tragédie familiale qui a valeur de symbole et d’enseignement pour la Cité

Cette scène relève du tragique en ce que l’homme y est représenté comme le jouet de forces qui le dépassent. Rappeler la présence de ces forces dans la nature est le rôle de la tragédie, qui soude la communauté et renforce la cohésion de la Cité grecque. En ce sens, la représentation du meurtre de Clytemnestre a aussi une fonction politique : il s’agit de rappeler au public que toute démesure est châtiée par les dieux (Clytemnestre a assassiné

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