DissertationsEnLigne.com - Dissertations gratuites, mémoires, discours et notes de recherche
Recherche

Les Médias Et l'Éthique Sportive

Rapports de Stage : Les Médias Et l'Éthique Sportive. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires
Page 1 sur 14

résultats ambivalents. Tantôt la focalisation des moyens d'information sur l'événement provoque des phénomènes de fission: les médias sont, dans ce sens, une source d'énergie - pour le meilleur ou pour le pire, selon les acteurs et les situations. Tantôt la concentration sur le même écran d'informations dispersées en gendre un effet de fusion, ou plutôt de confusion. A force de placer tous les faits sur le même plan, les médias favorisent un confusionnisme intellectuel et

Alain-Gérard Slama

Les médias et l'éthique du sport

195

moral qui inhibe le jugement et désarme l'esprit critique. Ce sont alors des facteurs, non d'énergie mais, tout au contraire, d'inertie, qui laissent l'opinion sans défense, exposée à tous les amalgames, à toutes les idéologies. Ce rappel de quelques notions-clés, rapide et, je l'espère, point trop abstrait, était nécessaire pour développer les analyses que je voudrais maintenant proposer pour éclairer les rapports entre les médias et le sport. Il est peu de domaines en effet où l'ambivalence des médias, sous ses deux modes d'action - transparence et effet de loupe apparaît de façon plus nette. La compétition sportive, il est banal de le dire, est devenue un spectacle dans lequel l'argent tient une place et a acquis une visibilité prépondérantes. Et pourtant, jamais le sport n'a été plus populaire, jamais l'athlète n'a réalisé de performances plus admirables, acquises au prix d'un entraînement sacrificiel. Tel est le premier constat sur lequel nous devons nous pencher: d'un côté, les médias diffusent la passion du sport tout en faisant pleuvoir les records; de l'autre, par ce qu'ils révèlent des opacités du sport, ils rabaissent ou du moins banalisent ce que ce dernier peut avoir de grand et de beau. Il faut, plus que jamais, réfléchir aux effets de la transparence sur la perception du spectacle sportif. Le sport occupe, en second lieu, une place centrale dans les enjeux idéo logiques de ce temps. Il est devenu, sur les ruines de la scène politique, le lieu où les aspirations et les ressentiments des peuples s'investissent avec le plus de force, voire le plus de violence. Comment expliquer ce processus? Si l'on espère le maîtriser, le second mode d'action des médias - l'accélération des processus sociaux - doit être également repensé et remis en cause... Le défi est de taille. Car jamais, à mon sens, le sport n'a été davantage menacé par une logique aveugle de devenir un assassin du rêve et un amplificateur de nos malaises sociaux, à l'opposé de l'idéal olympique et du projet de Coubertin. Je voudrais reprendre à présent ces deux termes, en déroulant le fil qui conduit de l'un à l'autre.

Transparence: le soupçon et la violence

Un écrivain que l'on ne cite plus guère pourrait ici nous servir de guide: Henry de Montherlant. En 1972, peu avant de se donner la mort, l'auteur des „Olympiques“ est revenu sur ce qui avait été la passion de sa jeunesse dans un très beau livre, „Mais aimons-nous ceux que nous aimons“? S'interrogeant sur ses motivations, il y bascule entre deux citations. L'une est de Bertrand de Jouvenel qui, rendant hommage à Montherlant, avait écrit ceci: „Les premiers livres de Montherlant portent témoignage de ce que fut l'effort athlétique pour les adolescents de 1920. Ils apprirent en s'entraînant la joie de se priver, de se contraindre, de se discipliner. C'est par le biais du sport que la notion de devoir rentra dans la société occidentale“. L'autre citation est une mise en garde de Coubertin contre les illusions dont le texte de Jouvenel porte témoignage. „Il ne faut pas confondre, notait l'illustre baron, le caractère et la vertu“. Fort avisé des tensions inhérentes à la culture du sport, Coubertin rappelait avec sagesse que les qualités du caractère ne relèvent pas de la morale. Elles ne sont pas, écrivait-il, du domaine de la conscience. Ces qualités, ce sont le courage, l'énergie, la volonté, la persévérance, l'endurance. De grands criminels, de franches canailles, de simples voyous les possèdent autant que des hommes vertueux. Voilà pourquoi la doctrine de la moralisation directe par le sport est fausse et inquiétante. Le sport n'est qu'un adjuvant indirect de la morale. Contrairement à un mythe apparu en Grande-Bretagne au début du XIXe siècle, on ne vient pas à bout de la violence urbaine en donnant simplement des cours de boxe, voire, aujourd'hui, de karaté! Telle est donc l'ambivalence du sport: d'un côté, une conquête sur soi-même; de l'autre, une domination. D'un côté, un travail de volonté, de maîtrise de soi; de l'autre, l'agressivité - et nous avons des pages admira bles de Montherlant sur l'agressivité du boxeur. D'un côté, la joie de la victoire pour elle-même, consacrée par les lauriers;

196

Coubertin et l’Olympisme. Questions pour l’avenir

de l'autre, l'appétit de l'argent et du pouvoir - de tout ce qui rend les gens fous. D'un côté la vertu, de l'autre le rapport de forces... Je n'insiste pas. Or cette ambivalence est mise en exergue par les médias d'une manière que ceux-ci ne contrôlent plus. Le sportspectacle a engendré sa professionnalisation de fait; plus il gagne en diffusion, plus il lui faut d'argent; plus il dépense d'argent, plus il a besoin de drainer des foules. Coubertin pensait avec raison qu'il n'est pas nécessaire de toucher des foules pour battre des records. L'athlète se situe d'abord par rapport à lui-même et c'est évidemment une des beautés du sport. Les foules du sport-spectacle ne sont pas ce qui fait tomber les records. Mais elles sont ce qui engendre l'anxiété, le dopage et la fraude. Elles sont ce qui, sous l'oeil des caméras, fait tomber les athlètes. On saisit en ce point en quoi les médias tendent à retourner contre le sport son ambivalence. Ils font oublier en effet qu'on triche plus difficilement avec le sport que dans aucun autre domaine. Quel que soit son degré de fraude, la compétition sportive ne peut se dispenser des qualités et des prouesses qui créent l'émotion. On peut falsifier les conditions de la compétition par le dopage ou l'accord préalable. On ne peut cependant montrer n'importe quoi. Le public, de même, s'avise rarement du fait que les médias finissent toujours par dévoiler ce qu'ils cachent, et que tous les grands fraudeurs du sport ont été pris „la main dans le sac“. Sa propension est de généraliser, d'estimer que la défaillance de quelques uns signifie nécessairement la corruption de tous. Je ne citerai à l'appui que l'exemple pathétique de Ben Johnson, dont la victoire sur Carl Lewis fut, à Séoul, en septembre 1988, un des moments les plus intenses de l'histoire de l'Olympisme. Faut-il oublier cet instant, parce que, trois jours plus tard, le malheureux athlète était convaincu de dopage? Faut-il ne retenir de ce dernier que l'image indigne laissée par le médecin qui se vantait de l'avoir „fabriqué gramme par gramme“? Ce type de révélation, bien entendu, n'est pas nouveau. On pense au boxeur Ray Famechon, ou à Jules Ladoumègue, cruellement sanctionné en 1932, ici même, au Havre, pour avoir touché un peu d'argent - sans que, notons-le, sa gloire n’ait cessé de demeurer intacte et pure, jusqu'à la fin. La nouveauté tient au caractère mécanique et global du rejet, dans lequel les médias ont une responsabilité certaine. De telle sorte que du sport ne reste plus que le spectacle et que, dans l'estime du public, la personnalité des champions s'efface derrière le montant de leurs gains et les données chiffrées de leurs performances... Quel athlète pourrait aujourd'hui comparer son prestige à celui d'un Marcel Cerdan, dont la disparition éclipsa celle de la violoniste Ginette Neveu morte en même temps que lui, dans le même avion? Ou à celui d'un Fausto Coppi, dont la mort, au début de 1960, donna lieu, dans la presse, à des manchettes sans commune mesure avec les titres qui, quelques jours plus tard, annoncèrent l'accident où périt Albert Camus? Le plus frappant est aujourd'hui la vitesse avec laquelle les vedettes se renouvellent, défilent. Comme si, dès qu'ils ne remportent plus de victoires, un soupçon d'affairisme, ou de technicité pure, justifiait que leur nom soit abandonné à l'oubli. Un autre facteur de désacralisation du héros sportif joue un rôle également non négligeable: c'est l'aspect technique des médias. La noblesse d'un sport n'est-elle pas entamée lorsque ses règles sont modifiées pour s'adapter aux exigences de la télévision? Je pense, entre autres, à la mort subite du tennis, destinée à satisfaire les besoins des programmateurs. Peut-on également accepter que, pour accroître les financements publicitaires, un sportif soit transformé en homme-sandwich sans y perdre une part de sa dignité, sinon de son prestige? Ou que tel autre associe son nom à une marque, selon les critères du plus offrant? Je ne suis pas irréa liste au point de récuser l'intrusion, dans le sport, des ressources de la publicité. Je suis même hostile aux lois

...

Télécharger au format  txt (21.4 Kb)   pdf (169.4 Kb)   docx (14.2 Kb)  
Voir 13 pages de plus »
Uniquement disponible sur DissertationsEnLigne.com