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Ruy Blas Acte Ii, Scene 2

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eine est une femme" (Préface)

Le monologue de la Reine permet au spectateur d'entrer dans les pensées et sentiments intimes de la Reine. Il se trouve au coeur de son déchirement. Le choix de valoriser le lyrisme est un parti-pris de la part de Victor Hugo qui est annoncé dès la préface : "la reine est un ange, la reine est une femme". Cela signifie que la reine n'aura pas la grandeur d'une héroïne tragique (les termes de son déchirement n'affirment aucun dépassement de sa personne. Si elle évoque le destin, c'est pour donner plus d'ampleur poétique à sa douleur), mais le pathétique d'une femme dotée de qualités morales supérieures, placée dans l'incapacité de vivre pleinement sa vie de femme.

b. Le signe du pathétique : l'abandon

L'expression de la solitude de la reine est présente plusieurs fois dans ce monologue.

Déjà, dès le deuxième vers : "Où la fuir maintenant ? Seule ! Ils m'ont tous laissée." (vers 754). Nous observons dans ce vers que l'adjectif "seule" est d'une part placé à la césure et renforcé par le point d'exclamation, et d'autre part employé par anticipation (grammaticalement on a : ils m'ont tous laissée seule). Cette liberté prise avec l'ordre de la phrase est un effet poétique pour poser l'accent sur la solitude de la reine, avant les circonstances qui l'ont conduite à cette solitude. C'est l'émotion qui est première.

Cette solitude est ensuite soulignée au vers 769 : "Toi qui, me voyant seule et loin de ce qui m'aime". L'adjectif "seule" est également placé à la césure. Cela lui donne de l'importance et crée un effet d'écho avec la première occurrence.

Cette solitude est enfin le signe d'un abandon profond. La reine est "loin de ce qu'[elle] aime" (vers 769), elle est soumise à une "inflexible loi" (dont le spectateur a eu une démonstration dans la scène précédente avec les interventions sèches et autoritaires de la camera mayor), elle est sans appui face à la menace que représente don Salluste ("que c'est faible une reine et que c'est peu de chose !" vers 785), elle est dans un isolement affectif impossible à supporter ("quand l'âme a soif, il faut qu'elle se désaltère, / fût-ce dans du poison et je n'ai rien sur la terre. / Mais enfin il faut bien que j'aime quelqu'un, moi ! vers 801 à 803).

Le contexte de ce monologue est ainsi très pathétique et cela repose sur la solitude et l'abandon éprouvés par la reine. Face à cette solitude, elle cherche du réconfort dans sa propre parole, dans la plainte et dans le sentiment amoureux, même s'il n'est pas encore totalement assumé.

Pour répondre au pathétique de la situation, c'est un discours lyrique qui va se développer.

c. Les signes du lyrisme :

Le lyrisme est à l'origine un chant. Orphée en est la figure mythologique (mythologie grecque). Ses chants avaient la vertu d'émouvoir jusqu'à la nature (ils adoucissaient les bêtes féroces et donnaient vie aux rochers). Ils étaient l'expression d'une plainte profonde : abandon et perte de son aimée (Eurydice).

Le lyrisme a toujours habité l'expression littéraire. Ce n'est que le XVIIIème siècle qui lui a donné peu d'importance en face de l'engagement philosophique. Le XIXème siècle, en plein romantisme, revivifie le lyrisme qui devient même un signe distinctif de l'expression romantique. La reine, dans ce monologue prend la voix du lyrisme pour s'épancher et trouver ainsi un peu de réconfort. Elle exprime deux grands thèmes lyriques : la plainte et l'amour.

- L'épanchement du moi

S'épancher signifie donner libre cours à ses pensées, à ses sentiments, pour le seul bien de s'exprimer. L'épanchement est ainsi lyrique car il magnifie les ressentis personnels, en les rendant dignes d'une expression. Ici expression poétique.

Le premier signe de l'épanchement est celui d'un certain enfermement sur soi. La reine se retrouve seule dans sa chambre et fait alors un retour sur elle-même dans un discours au grè de sa rêverie : trois didascalies marquent la gradation de l'état de rêverie : "Rêvant", "s'effonçant dans sa rêverie" et "retombant dans sa rêverie".

Cette rêverie est accompagnée d'images qui traduisent poétiquement l'état d'âme de la reine :

"Pauvre esprit sans flambeau dans un chemin obscur" (vers 755)

"... ami dont l'ombre m'accompagne" (vers 774)

"... je sens s'agiter dans ma nuit" (vers 780)

"Helas, mon destin flotte à deux vents opposés" (vers 784)

L'obscurité est largement soulignée car la reine est perdue dans son état d'âme. Elle ne voit plus de raison d'espérer une vie meilleure.

En effet elle décrit sa vie comme une vie perdue : solitude, menace de Salluste, imagination du jeune homme risquant sa vie pour elle (elle accentue particulièrement l'intérêt du jeune inconnu pour elle : "Pourquoi vouloir franchir la muraille si haute ? / Pour m'apporter les fleurs qu'on me refuse ici" (vers 758 et 759), désir d'être aimée vouée à l'impossible.

- La plainte

Et c'est la plainte qui prend ainsi naturellement le dessus. La reine est malheureuse, elle est impuissante face à ce malheur : elle ne peut que s'en plaindre, en soupirer.

Elle s'apitoie sur son sort en se désignant comme un "pauvre esprit" (vers 755), elle ressent sur son coeur l'"inflexible" loi de l'étiquette de la cour d'Espagne, elle se sent ballotée entre deux destins ("mon destin flotte à deux vents opposés" vers 784), elle a conscience de sa misérable condition ("Que c'est faible une reine et que c'est peu de chose" vers 785), elle est remplie d'amour qu'elle ne peut pas exprimer ("Oh ! S'il l'avait voulu, j'aurais aimé le roi. / Mais il me laisse, - seule, - d'amour privée" vers 804 et 805).

Ces plaintes trouvent leur sublimation dans la prière adressée à la Vierge. La reine demande du secours : "Secourez-moi" (vers 786), "aidez-moi !" (vers 790).

Il faut toutefois noter que la prière adressée à la Vierge est une supplication pour ne pas céder à la tentation de l'amour. En effet ce monologue est celui d'un déchirement d'amour : la vertu de la reine livre combat à sa nature de femme en quête d'amour à recevoir et à donner.

- L'amour

"la reine est un ange et la reine est une femme" : en tant que femme, la reine a besoin de recevoir et de donner de l'amour.

Isolée de tous ses parents par son mariage avec Charles II, de tout contact chaleureux du fait de la rigidité de l'étiquette à la cour d'Espagne, elle souffre.

Cette souffrance est tellement intense qu'elle finit pas dépasser ses principes vertueux : "Quand l'âme a soif, il faut qu'elle se désaltère, / Fût-ce dans du poison" (vers 801 et 802)

Cela explique le débat qu'elle vient juste d'affronter : entre les prières à la Vierge et la tentation de la lettre. Cette lettre est une lettre d'amour, dans le pur style précieux :

"Madame, sous vos pieds, dans l'ombre, un homme est là

Qui vous aime, perdu dans la nuit qui le voile ;

Qui souffre, ver de terre amoureux d'une étoile ;

Qui pour vous donnera son âme, s'il le faut ;

Et qui se meurt en bas quand vous brillez en haut." (vers 796 à 800)

De tels propos ne peuvent que toucher la reine, déjà fortement émue par le don quotidien des fleurs. Les sentiments exprimés sont ceux d'un coeur chevaleresque qui place la dame dans une position idéale (métaphore de l'étoile qui brille au firmament) et qui s'humilie de façon exagérée : "sous vos pieds", "dans l'ombre", "ver de terre". Il est même prêt à mourir : "qui pour vous donnera son âme, s'il le faut".

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