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Théâtre, Culture Et Sémiotique

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notamment du théâtre. Si nous nous fondons sur l'observation de l'homme-individu, le besoin vital de connaissance qu'il manifeste nous conduit à concevoir la culture dans laquelle il se trouve comme un système et un processus de réception, d'organisation, de régulation et de transmission de l'information à l'intérieur d'une collectivité donnée 1 . En tant que système, la culture apparaît alors comme un ensemble complexe de relations informationnelles entre ses sous-systèmes qui donne naissance à une axiologie spécifique. En tant que processus, elle se présente comme le lieu privilégié de l'élaboration de l'idéologie. Si notre observation se porte sur la dimension sociale de l'homme, celle à l'intérieur de laquelle il lui est permis de communiquer avec l'homme, la culture devient alors la condition essentielle de l'échange d'information. Elle est, de ce fait, le lieu d'enracinement de l'homme social. Dans la perspective qui sera développée au cours de cette étude,

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l'échange d'information que permet la culture sera considéré comme un ACTE de communication qui s'accomplit de toute nécessité au moyen de SIGNES. On ne s'étonnera pas, alors, de constater que la sémiotique traite le système culturel et tous les sous-systèmes qu'il intègre comme un domaine de recherche fondamental. En effet, le dramaturge, par exemple, ne voue-t-il pas sa vie à l'élaboration de systèmes sémiotiques souvent fort complexes représentant les amours, les rêves, le destin tragique, les conflits moraux ou sociaux de l'homme pour apprendre à les connaître et pour en informer les spectateurs éventuels? Il en va du théâtre d'un peuple comme de sa culture. Il est lui aussi système et processus de réception, d'organisation et de transmission de l'information. Il est, à l'intérieur d'une culture donnée, un ACTE de communication, un acte de langage secondaire, dirons-nous plus loin.

1.2 Nécessité d'un langage de description Placé devant les manifestations protéiformes de la culture d'un peuple, le chercheur doit se doter d'un langage unitaire de description qui lui permette à la fois de saisir chaque phénomène particulier et d'appréhender l'ensemble culturel où celui-ci s'inscrit. Puisque nous avons déjà considéré la culture dans une perspective d'échange d'information et puisque, d'autre part, le matériau premier dont est composé le texte dramatique est la communication humaine elle-même, nous tiendrons la théorie générale de la communication comme langage de base de description. Ce choix nous permet d'entrevoir la possibilité de comparaisons du théâtre avec d'autres ensembles culturels qui, eux aussi, peuvent être envisagés comme des moyens d'échange d'information telles la peinture, la musique ou la littérature orale. Le recours à la théorie générale de la communication pour définir le modèle dramatique n'est pas étranger à la démarche de la linguistique structurale, par exemple, dans l'usage qu'elle fait des modèles et des méthodes mathématiques. Dans les deux cas, on recherche un champ théorique assez général qui autorise l'étude de chaque objet non pas dans sa spécificité ou dans son univocité mais dans sa structure commune ou générale. La simplification à laquelle donne lieu cette démarche, et que

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les détracteurs de toute approche méthodologique rigoureuse ne manquent jamais de souligner, est réelle, consciente mais provisoire. Il est, en effet, reconnu que toute description scientifique opère, dans un premier temps, une simplification de son objet. En conséquence, cette réduction volontaire laisse de côté des dimensions souvent précieuses, considérées d'un autre point de vue. Mais en faire grief serait oublier que le cheminement scientifique va du simple au complexe. Si, au départ, l'objet de notre recherche s'est vu réduit à sa plus grande simplicité, c'est-à-dire à être purement un système de communication, il faut affirmer que cette simplification pourra céder progressivement la place à des dimensions de plus en plus complexes jusqu'au point où l'objet de notre analyse correspondra adéquatement avec toute la réalité que le dramaturge voulait représenter. Pour y parvenir, on pourra faire appel à d'autres modèles puisqu'on peut concevoir qu'il puisse exister plusieurs modèles du même système, selon que l'on se propose de rendre compte de telle ou telle propriété de ce même système2. 2. L'œuvre théâtrale comme représentation d'une communication. 2.1 Une définition Dans la perspective théorique que nous venons d'esquisser, nous définirons l'œuvre théâtrale comme un modèle de communication culturelle qui représente un système de communication humaine au moyen de la communication des personnages. 2.2 L'œuvre théâtrale, un modèle de communication Rendre présente par la création d'un modèle une réalité non présente hic et nunc, c'est ce qu'accomplit, par exemple, Françoise Loranger créant Médium saignant pour communiquer à un auditoire éventuel cette situation pour le moins particulière d'un peuple majoritairement francophone dont l'existence linguistique est mise en péril par sa propre minorité anglophone. Modèle de communication humaine (ou d'absence de communication!), la pièce de Loranger met en présence

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francophones et anglophones, conseillers municipaux et contribuables impuissants, jeunes et adultes. Aliénation des uns, superbe conquérante des autres, la dure réalité est progressivement dévoilée au gré des échanges tantôt vindicatifs, tantôt rageurs, des personnages-acteurs. Fait encore plus significatif, l'échange d'information entre ces derniers donne naissance à un second modèle de communication créé par le groupe des jeunes animateurs à l'intention de leurs aînés dans la scène du carrousel :

Prenez place, mesdames et messieurs, prenez place! Venez voir se dérouler sous vos yeux la malheureuse histoire d'un peuple condamné à disparaître de la face du monde. VenezI Venez! L'entrée est gratuite!

Ce qui peut sembler d'une certaine évidence quand il s'agit d'une communication entre plusieurs personnages-acteurs pourrait, à première vue, n'être pas pertinent dans la forme bien particulière et fort répandue de communication culturelle que représente le monologue intérieur dans le théâtre contemporain au Québec. Et pourtant, quand Michel Tremblay donne la parole à la Duchesse de Langeais, il pose son personnage à la fois comme locuteur et auditeur de son propre discours :

Tu seule, la tite-fille... Y'a ben rien que toé pour rester sur la terrasse en plein soleil de même! Mais une femme du monde c'est une femme du monde! Y faut tenir son « standing » ! Je viens de me lever, mol, mon petit, vous ne me ferez pas coucher comme ça, en plein cœur d'après-midi ! C'est barbare! Mon Dieu qu'chus niaiseuse! Une vraie folle!

Le personnage instaure ainsi une forme de dialogue entre les différentes phases de son ego, comme le fait remarquer C.S. Peirce qui poursuit : « that thinking always proceeds in the form of a dialogue, so that, being dialogical, it is essentially composed of signs3.» Au théâtre, même dans le cas du monologue intérieur, les signes dont il est fait état sont de nature linguistique et non linguistique. Les pronoms et antonymes je, me, moi et tu, te, toi, bien que réunis dans le même personnage, n'en constituent pas moins deux entités bien définies par leur opposition linguistique. En réalité, à ce niveau d'analyse, nous n'observons pas de différence significative entre la structure de la communication interpersonnelle et celle de la communication intrapersonnelle qu'est le monologue intérieur4. L'instance qui dit je à toi dans l'extrait

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cité, non seulement rend possible un processus de communication et par le fait même une nouvelle expérience humaine représentée sur la scène, mais en dévoile le fondement linguistique. Je juge, interpelle, invective même toi, qui dans sa réponse reconnaît explicitement je comme un interlocuteur à qui il peut, à son tour, s'adresser en disant je :

C't effrayant, c't soleil-là, c't effrayantl M'a mourir! Mais ça fait rien, Tu vas v'nir brune pis belle! [indication de régie] Ça, c'est pas vrai pantoute, parce que tout c'que/'arrive à être, c'est rouge comme un homard... Un homard! Seigneur Dieu ! ./'commencerais-tu à parler de mol au masculin ?

Tour à tour les deux phases de l'ego formulent l'antonyme moi qui dans le procès d'allocution identifie celui qui parle en tant que parlant et désigne, de ce fait, toi comme autre en face de moi. Ainsi, dans l'instance de discours du monologue intérieur dramatique, les deux moi révèlent leur identité en tant que responsables de l'échange d'information

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