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de la finance islamique qui connut une expansion remarquable durant la deuxième moitié du XXe siècle. Nous nous interrogeons sur les origines de cette interdiction, sur les problèmes que connaît actuellement la finance islamique et sur ses perspectives d’avenir. Mots clés : ribā, usure, finance islamique, développement économique

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Un choix présidentiel Lorsque le président d’une société savante comme la nôtre doit choisir le thème de la conférence qu’il fera à ses membres, il a essentiellement trois options devant lui : • lancer une idée nouvelle qu’il a testée ou qu’il suggère de tester; • faire une synthèse de l’état de l’art dans son domaine de spécialisation; • ou encore, présenter une problématique qui l’intéresse et qui, du moins l’espère-t-il, sera susceptible d’intéresser ses collègues. En décidant de vous parler aujourd’hui de la finance islamique, de ses fondements, de sa théorie et de sa réalité, j’ai clairement retenu la troisième option. Mon intérêt pour la finance islamique remonte à la fin des années 70, époque à laquelle j’avais créé, à l’Université de Montréal, le cours d’économie du monde arabe. Une partie du syllabus, qui fut ultérieurement publié sous forme d’ouvrage, était en effet consacrée à l’influence de l’Islam sur l’activité économique (Martens, 1983, chapitre 2). Depuis cette époque, le phénomène de la finance islamique a pris suffisamment d’ampleur pour que quiconque s’intéressant de nos jours à l’économie internationale et du développement ne puisse plus se permettre de l’ignorer. Finalement, l’histoire de la finance islamique, elle-même, ne manque pas de charme, puisqu’elle nous permettra, ce soir, de faire une brève incursion dans l’Arabie du Moyen Âge. À ces diverses raisons, qui dictèrent mon choix, s’en ajouta une autre, de nature plus anecdotique, que je ne peux m’empêcher de partager avec vous. En avril 1999, lorsque mes collègues, Marcel Boyer et Georges Dionne, m’offrirent, au nom du conseil d’administration de la Société canadienne de science économique, de prendre la présidence de cette dernière, j’étais en congé sabbatique au Moyen-Orient et reçus la nouvelle par télécopieur dans le petit appartement que mon épouse et moi occupions au Caire. Réticent à accepter de nouvelles responsabilités, je déclinai tout d’abord cet honneur. Mes collègues ne se laissèrent pas abattre par ce refus et Marcel Boyer, faisant preuve de son énergie proverbiale, me téléphona de Montréal pour me faire changer d’idée. Dans son effort pour me convaincre, il me dit deux choses. La première était que le congrès de la Société que je devrais organiser, en mai 2000, à Montréal, ne me demanderait que peu de travail. C’était évidemment une

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représentation tout à fait fausse de ce qui m’attendait, comme peuvent en témoigner deux de mes collègues ici présents, Jean-Marie Dufour, qui organisa le congrès de 1999, et Marc Van Audenrode, organisateur du congrès qui nous réunit aujourd’hui. La deuxième chose que me dit mon ami Marcel est que je serais aussi dans l’obligation de prononcer le discours présidentiel du congrès de 2001. Mais, qu’à cela ne tienne, ajouta-t-il, « ce que tu fais actuellement au Caire intéressera sûrement les participants ». Or, Marcel ne savait absolument pas ce que je faisais ce jour-là dans la capitale égyptienne. J’aurais très bien pu être occupé à lire les Quatrains du Persan Omar Khayyām ou à me régaler de quelque vers truculent du poète abasside Abou Nawās, ce qui vous aurait valu ce soir un discours aux effluves érotiques et même enivrantes. Mais pour votre malheur, j’étais tout simplement plongé dans la lecture d’un entretien, sur lequel nous reviendrons, qu’avait accordé un professeur d’université égyptien à un chercheur français, sur les motifs qui l’avaient poussé à placer une partie de son épargne dans une banque islamique du Caire… J’acceptai la présidence de notre Société.

LA FINANCE ISLAMIQUE À L’AUBE DU TROISIÈME MILLÉNAIRE Les indices de l’importance actuelle de la finance islamique (FI) sont nombreux. La valeur des actifs des institutions de financement islamique (IFI) était d’environ cinq milliards de dollars US en 1985 (Iqbal, 1997). Elle est estimée, à l’aube du troisième millénaire, à 100 milliards de dollars, ce qui, à titre de comparaison, représente près du quart de la dette extérieure à court terme des pays en développement (Banque mondiale, 2000, p. 79). Au début des années 80, deux pays ont introduit officiellement à grande échelle les pratiques de la FI : l’Iran, de manière presque draconienne, le Pakistan, d’une façon plus graduelle (Khan et Mirakhor, 1990; Anwar, 1992). Ces dernières années, les IFI se sont multipliées dans les pays majoritairement musulmans : en Arabie saoudite, au Bahreïn, au Bangladesh, au Brunei, en Égypte, aux Émirats arabes unis, en Jordanie, en Malaisie, au Sénégal, au Soudan et même en Turquie où l’attachement à la laïcité, du moins au plan officiel, est bien connu (tableau 1). L’Irak et la Syrie, où gouverne un parti farouchement laïc, le baia th , ou parti socialiste arabe, sont les exceptions qui confirment la règle.

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Tableau 1 : Quelques institutions de financement islamique privées et publiques

Arabie saoudite Banque islamique de développement (octroie des prêts aux pays musulmans en développement) Société de banque et d’investissement Al Rahji Bahreïn Banque islamique ABC Banque islamique Faysal Première banque islamique d’investissement Société Al Amin de Titres (securities) Bangladesh Banque islamique du Bangladesh Banque Al-Baraka du Bangladesh Banque islamique Al-Arafah Canada Islamic Co-operative Housing Corporation Ltd. Danemark Banque internationale islamique Émirats Arabes Unis Banque islamique de Dubai Égypte Banque internationale islamique pour l’investissement et le développement Banque islamique Faysal Banque sociale Nasser Etats-Unis d’Amérique American Finance House Laribā Grande-Bretagne Al Safa Investment Fund Iran Toutes Jersey (Îles Anglo-Normandes) Société financière Faysal Jordanie Banque islamique de Jordanie Koweit Société de crédit (Finance House) du Koweit Luxembourg Holding international du système de banque islamique Malaisie Holding BIMB Berhard Pakistan Toutes Soudan Banque islamique Faysal Banque agricole du Soudan Suisse Dar al Maal al-Islami Société financière Faysal Tunisie Beit Ettamwil Al-Tunisi Al-Saudi Turquie Société turque de crédit Albaraka Yémen Banque islamique du Yémen

Source : www.islamic-banking.com et divers documents.

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Les IFI ont aussi fait leur apparition dans des pays non musulmans, mais où vit une minorité musulmane relativement importante et en expansion : au Danemark, aux États-Unis, particulièrement dans la région de Détroit et en Californie, en GrandeBretagne, aux Philippines et aussi au Canada. À Montréal, une société islamique de financement hypothécaire fonctionne depuis 1991 (Vogel et Hayes, 1998, p. 22-23; Shepherd, 2000). Certaines des IFI ont en outre choisi d’installer leur siège ou d’effectuer une partie de leurs opérations dans des places financières internationales connues pour leur respect du secret bancaire et leurs avantages fiscaux, comme les Îles Anglo-Normandes, le Luxembourg et la Suisse. S’inspirant des modèles précurseurs de la banque Amanah aux Philippines, en 1973 (Ariff, 1988), et de la Citibank au Bahreïn, en 1996 (Iqbal, 1997), des banques occidentales n’ont pas hésité, ces dernières années, à ouvrir dans le monde musulman des succursales où coexistent deux guichets de dépôt et d’emprunt : l’un conventionnel, c’est-à-dire de type occidental, l’autre islamique. Plusieurs banques locales ont fait de même. Signe de respectabilité, la FI a ses propres revues scientifiques : depuis plusieurs années, le Journal of Islamic Banking and Finance, et depuis 1999, le International Journal of Islamic Financial Services, dont le contenu est disponible sur la toile. L’Université de Harvard a, de son côté, considéré le phénomène de la FI comme étant suffisamment important pour créer, à la fin des années 90, son Islamic Finance Information Program, qui promet la mise à la disposition de ses membres, dans les prochaines semaines, d’une base de données sur plus de 60 000 transactions qui furent effectuées selon les règles de la FI. Quatre raisons principales ont été proposées pour expliquer les progrès de la FI depuis le milieu du XXe siècle : • le regain de vitalité de la religion musulmane elle-même, comme en témoigne l’observance grandissante, ces cinquante dernières années, d’obligations islamiques, telles que le jeûne du mois du Ramadan et le pèlerinage à La Mecque;

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• la possibilité qu’a donnée la FI aux musulmans de se démarquer de l’époque coloniale du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle, période durant laquelle domina, dans les pays concernés, le système bancaire occidental; • les chocs pétroliers des années 70, source de fonds accrus pour certains pays musulmans1; • la possibilité pour les IFI de prendre, dans certains cas, le relais du secteur bancaire conventionnel lorsque celui-ci est soumis à des politiques officielles de répression financière, sous la forme de taux d’intérêt

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