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Espace Et Spatialisation

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vier Garnier, qui ouvre l’ouvrage, est sans doute celui qui répond le plus rigoureusement à la question formulée dans le titre en s’attachant à définir la nature et les frontières de l’espace littéraire. Pour Garnier, l’espace littéraire se distingue de l’espace textuel en ce qu’il n’est pas donné d’emblée. Pour qu’apparaisse un espace littéraire, quelque chose doit advenir, un événement doit avoir lieu; le texte doit s’ouvrir au dehors et, selon une dynamique analogue à celle du dialogisme bakhtinien, enregistrer la rumeur ambiante. Autrement dit, l’espace textuel doit se laisser « féconder par la vie » (p. 24) afin de constituer un espace littéraire. Pierre Piret ajoute sa voix à la tentative de définition ouverte par Garnier. À travers l’analyse d’une partie du Soulier de satin de Claudel, il montre que l’espace littéraire s’institue en position d’exception — et donc, d’extériorité — par rapport au monde. Pour Piret, affirmer l’existence d’un espace littéraire, c’est postuler du même coup que la littérature possède un espace qui lui est propre et qui agit de manière distinctive. Ce caractère d’exception de la littérature est également la notion clé de l’article de Pascale Hellégouarc’h, qui aborde la question sous l’angle de l’intertextualité, procédé qui, par un jeu complexe de renvois et d’autoréférence, construit un espace littéraire dont les contours sont sans cesse mouvants. À partir d’une étude de la parodie et du pastiche, l’auteure montre que l’écriture mimétique pose la littérature comme un espace transversal constitué de croisements, un espace sans cesse construit et reconstruit selon la logique d’épaisseur temporelle qui est celle de l’intertextualité. Paul Allan Miller, pour sa part, aborde l’espace littéraire de manière contournée par une tentative de définition de la nature du littéraire. L’espace littéraire et la littérature sont ainsi, sous sa plume, une seule et même chose. Si l’on peut déplorer ce flou conceptuel, on retiendra tout de même de sa réflexion l’idée que si le littéraire et, par extension, l’espace littéraire, est construit par la « vie sociale », il ne représente pas moins l’atteinte d’un au-delà, la production d’un « surplus de sens ».

4Après cette tentative de définition intrinsèque de l’espace littéraire, la deuxième partie de l’ouvrage explore les liens que l’espace littéraire entretient avec l’espace social. L’espace littéraire apparaît comme une sphère médiatrice à l’intérieur de laquelle les diverses entités du monde se livrent à un dialogue permanent.

5Pierre Zoberman interroge les relations que l’espace littéraire entretient avec l’espace social de même que la possibilité — ou l’impossibilité — de concevoir un espace qui soit purement littéraire. En questionnant la notion de canon littéraire dans une perspective institutionnelle fortement inspirée de la sociologie bourdieusienne du champ, Zoberman montre que l’espace fonctionne comme une structure à l’intérieur de laquelle s’exercent des rapports de force qui président à l’inclusion ou à l’exclusion de certaines œuvres. Pour sa part, William J. Spurlin cherche moins à théoriser l’espace littéraire au sens large qu’à étudier le cas spécifique de l’Afrique du Sud après l’apartheid. Il met en lumière l’héritage paradoxal de la colonisation et de l’impérialisme en montrant que le traitement littéraire de l’orientation sexuelle a comme arrière-plan le clivage racial hérité de l’ère coloniale : le littéraire et le social se trouvent ainsi étroitement imbriqués. Enfin, Jean-Baptiste Voisin analyse le traitement de l’espace provençal dans l’œuvre de Giono. Plus précisément, il s’attache à cerner les enjeux éthiques impliqués dans le passage de l’utopie (imagination de liens entre l’espace réel et l’espace symbolique) à l’atopie (suspension du lien géographique au profit d’un symbolisme éthique). Cette notion d’atopie, où le lieu physique cède la place au lieu symbolique, serait selon l’auteur la plus à même de définir l’espace littéraire.

6Enfin, dans la troisième partie, il est encore question des liens que l’espace littéraire entretient avec d’autres espaces, mais cette fois, c’est l’espace référentiel qui est mis en cause. La littérature est conçue comme une zone frontière, un espace de cohabitation, opérant une série de raccordements entre les différents espaces. Selon ce schéma, « la littérature serait l’opération par laquelle les espaces parviennent à entrer en contact les uns avec les autres sans chercher à s’absorber mutuellement » (p. 12).

7Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo, en s’attachant au cas particulier de la littérature mauricienne, tente de différencier les notions de champ et d’espace littéraire. Si le champ littéraire opère un quadrillage à l’intérieur duquel agissent diverses forces, l’espace, lui, a une extension illimitée, permettant ainsi d’accueillir une parole littéraire irréductible au seul territoire national. Le concept d’espace littéraire aurait ainsi plus de souplesse que celui de champ, car il serait ouvert à l’échange des langues et des imaginaires de même qu’à l’interaction avec les espaces social, anthropologique et politique. Autre lieu de contacts interculturels, l’espace littéraire japonais tel que décrit par Marc Kober subit la « contamination » d’autres espaces et d’autres identités. Selon Kober, dans le contexte actuel de mondialisation, les romans japonais traduits en français reflètent non seulement la diminution de l’appartenance culturelle au profit d’une neutralité spatiale plus facilement exportable, mais également la diminution de l’appartenance à la littérature « pure » par la greffe, voire l’envahissement d’autres espaces (cinématographique, musical, médiatique, technologique). Enfin, Maarten van Delden ferme la marche en abordant l’espace littéraire sous l’angle de la délimitation territoriale. Il se penche sur deux récits mexicains qui problématisent la question de la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Si la notion de confins permet de dépasser le clivage géopolitique traditionnel et d’envisager un espace de mélange et de chevauchement, les deux récits étudiés ne montrent pas moins que la proximité de la frontière renforce plus qu’elle n’atténue la conscience d’une différence culturelle.

8Le principal reproche que l’on peut faire à cet ouvrage est sans doute son manque d’homogénéité, surtout en ce qui a trait à la notion thème. L’érudition déployée et la finesse générale des analyses ne parviennent pas à faire oublier ce point essentiel : au bout de ces 206 pages, on ne sait pas plus ce qu’est un espace littéraire. Voilà un détail gênant pour un ouvrage dont le titre nous fait espérer une réponse, ne serait-ce que partielle. Si les responsables de l’ouvrage dénoncent en introduction le flou conceptuel entourant la notion d’espace littéraire, force est de constater qu’ils tombent eux-mêmes dans le piège de cette polysémie. Tout se passe comme si, dans la pratique, le concept d’espace littéraire était d’autant plus opératoire qu’il était défini de manière imprécise.

9Mais le plus dérangeant n’est pas cette multiplicité de définitions : c’est le flou épistémologique entourant la compréhension même de l’espace littéraire et de son champ d’action. Trois tendances diamétralement opposées se côtoient au sein du collectif. La première tendance est, à nos yeux, la plus pertinente et, surtout, la plus rigoureuse sur le plan conceptuel. Elle part du principe que l’espace littéraire n’est assimilable ni à l’espace référentiel ni à l’espace textuel. Sans s’y limiter, elle invite à réfléchir sur la nature du littéraire afin de mieux comprendre quel est le « lieu » de la littérature, quel est cet « espace surnuméraire » (p. 8) ouvert par les œuvres.

10Une deuxième tendance épistémologique s’inscrit dans la lignée des études postcoloniales. Les auteurs qui conçoivent l’espace littéraire de cette manière s’intéressent à la production littéraire d’un pays ou d’un territoire donné; leur objet d’étude porte sur les relations (d’adhésion ou d’opposition) que cette production entretient avec la culture hégémonique, qu’elle soit celle de l’ancien colonisateur, du nouveau pouvoir en place ou, plus globalement, d’une normalisation issue de la mondialisation. Le point faible de cette tendance est de confondre le concept d’espace littéraire avec l’espace géographique. Si, comme il est énoncé en quatrième de couverture, la notion d’espace littéraire « ouvre des perspectives nouvelles aux études postcoloniales », elle ne s’y limite pas. Ce qui pose problème dans cette approche est que la notion

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