DissertationsEnLigne.com - Dissertations gratuites, mémoires, discours et notes de recherche
Recherche

Fontaine - Marcel Duchamp

Recherche de Documents : Fontaine - Marcel Duchamp. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires
Page 1 sur 7

i, tu en serais capable toi ? » Pour l’historien de l’art Janis Mink, « cette déclaration illustre le dilemme de l’artiste visuel confronté aux réalisations d’une ère industrielle en plein essor ».

Duchamp quitte alors en 1913 les limites de l’art pour s’aventurer dans un domaine inconnu à l’époque, avec des interrogations nouvelles. La « roue de bicyclette », fixée sur un tabouret de cuisine et réalisée pour la décoration de son atelier le conduit à développer le concept de « ready-made ». Ceux-ci sont des œuvres d’art qui n’ont pas été créées par l’artiste, ce dernier n’intervenant en effet que pour les sélectionner et changer leur contexte. Ainsi, « l’égouttoir », en 1914 et exposé comme une œuvre d’art est un ready-made. Il n’y a pas de la part de Duchamp de jeu sur les significations par le biais d’une nouvelle dénomination, mais déjà l’œuvre est signalée et finalement constituée par sa seule présentation.

Cette attitude, tout autant ludique que radicale met en évidence les conséquences ultimes de la remise en question de la nature et des fonctions de l’art. Dans cette perspective, outre le fait de bousculer les traditions connues comme celles de la peinture ou de la sculpture, le ready-made ouvre une nouvelle tradition, celle des objets déjà faits, du « prêt à exposer ». Il permet de s’interroger sur les notions de virtuosité et de savoir-faire et permet d’affirmer que c’est souvent l’exposition qui fait l’œuvre.

« L’urinoir » (ready-made dans lequel Marcel Duchamp est intervenu en modifiant le nom de l’objet et en le baptisant « Fontaine ») fait partie de ces objets que l’artiste présentait comme étant des œuvres d’art parce qu’il l’avait décidé. Cette œuvre a ouvert un champ artistique jusque là inexploré.

« Fontaine », l’œuvre phare de Marcel Duchamp a une histoire qu’il importe de relater car elle est révélatrice de la démarche de l’artiste. Ce dernier est à New-York depuis deux ans lorsqu'il est sollicité pour faire partie du comité fondateur d'une Society of Independant Artists, fondée sur le modèle du Salon des Indépendants à Paris. Il accepte et est promu Directeur du Comité d'Accrochage pour l'exposition inaugurale qui doit se tenir au Grand Central Palace le 10 avril 1917. Pourtant, Marcel Duchamp n'a pas oublié sa vexation lors du salon des Indépendants de 1912, à Paris, lorsque ses propres frères vinrent lui demander de retirer son Nu descendant un escalier, parce qu'il n'était pas conforme à leur notion du cubisme. Alors, c'est délibérément, et pour s'amuser qu'il va mettre à l'épreuve les principes de la toute jeune Society of Independants Artists. Quelques jours avant l'inauguration, il se rend chez un grand fournisseur d'articles de plomberie de New York et achète un urinoir. Il retourne l'objet, le baptise Fountain, le signe d'un pseudonyme, R. Mutt, le date, 1917, et l'envoie anonymement au Grand Central Palace, accompagné des 6 dollars de cotisation requis pour participer à l'exposition. Évidemment, l'arrivée de « Fountain » provoque des remous et bientôt, deux clans s'affrontent : les pro-Fountain (en vertu des principes de la société, et parce que c'est à l'artiste de décider ce qui est de l'art) et les anti-Fountain (c'est obscène, indécent, ce n'est pas une oeuvre originale, ce n'est pas de l'art). À quelques heures de l'ouverture au public, une dizaine des membres du comité directeur se réunit pour voter, et Fountain est refusée. Marcel Duchamp, satisfait, démissionne du comité.

La «Fontaine » va marquer les esprits : un simple bidet renversé et baptisé ainsi. Le "ready- made" est donc lancé, qui hisse un objet manufacturé au rang d'oeuvre d'art par le seul choix de l'artiste et qui donne la primauté à une réflexion permettant de considérer la formulation d’idée à propos de l’art comme un acte artistique à part entière. Marcel Duchamp enchaînera avec « La mariée mise à nu par ses célibataires, même » par exemple, et il comptera parmi les premiers à accorder le statut d’œuvre à ses notes de travail, publiées sous forme de fac-similés dans trois boîtes (« la boite de 1914 », « la boite blanche » et « la boite verte »).

Ainsi, avec Marcel Duchamp, l'artiste du passé qui se livrait à une quête de lui-même et qui exprimait sa sensibilité riche de conflits internes dans l'action de peindre ou de sculpter, commençait à s'effacer progressivement devant des attitudes où l'oeuvre se faisait l'objet d'investigations dépassionnées et systématiques, portant à la fois sur sa propre définition et sur le contexte de sa présentation. Cette conception constitue une révolution dans l’histoire de l’art, ce qui explique pourquoi cette œuvre fut et est (aujourd’hui encore) au centre de nombreuses polémiques.

En 1917, « Fontaine » fit donc scandale. Les deux chefs d'accusation récurrents concernaient, dans l'esprit des détracteurs de l’oeuvre :

• le caractère impudique de l'objet

• et l'absence d'élaboration de la part de l'artiste.

Marcel Duchamp objectera que l'objet n'a rien en soi d'immoral, pas plus qu'une baignoire n'est immorale " C'est un objet comme on en voit tous les jours dans la vitrine du plombier."... "Le fait que M. Mutt ait modelé ou non la « Fontaine » de ses mains n'a aucune importance. Il l'a CHOISIE. Il a pris un article courant de la vie et fait disparaître sa signification utilitaire sous un nouveau titre. De ce point de vue, il lui a donné un sens nouveau". La sélection relève d'une intention. La nouvelle dénomination est un travail de création puisque il en ressort un jeu symbolique (... ici évocateur du cycle des flux de liquides de l'organismes : Je bois - j'urine : l'urinoir est une fontaine dont l'homme est la source etc...) Ainsi est né un nouveau discours à propos du regard que l'on porte sur les oeuvres d'art : Duchamp ne croit pas que l'on puisse les dissocier de leur contexte de présentation et de l'état d'esprit avec lequel on les appréhende. L'artiste crée mais au bout du compte "ce sont les regardeurs qui font les tableaux", s'amuse-t-il à déclarer.

Cette nouvelle conception de l’art a influencé l’ « art conceptuel » qui a connu un grand retentissement et a inspiré de nombreux artistes

...

Télécharger au format  txt (10.5 Kb)   pdf (104.4 Kb)   docx (9.7 Kb)  
Voir 6 pages de plus »
Uniquement disponible sur DissertationsEnLigne.com