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Hegel, l'Acquisition De La Conscience De Soi

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qu’ils sont doués d’une certaine spontanéité (les animaux plus encore que les végétaux), c’est que nous confondons la vie et la conscience. Un tournesol est altéré par la lumière du soleil : elle produit en elles des changements sans lesquels il ne pourrait se tourner vers l’astre du jour. Mais le tournesol n’est la cause ni de ces altérations ni des effets qu’elle produit sur lui : il ne peut faire autrement que se tourner vers le soleil. De même que le tournesol n’a aucune spontanéité, un animal, qui ne fait qu’obéir à son instinct, c'est-à-dire à ce que la nature lui commande, ne veut pas ce qu’il fait et même ne sait pas ce qu’il fait. Il répète inlassablement les mêmes gestes et ne se projette pas dans l’avenir. Il ne délibère pas avant d’agir, n’hésite pas car il sait tout de suite ce qu’il doit faire : il existe « immédiatement ». Pour la même raison l’animal, comme le végétal, n’existe que « d’une seule façon » : on sait dès sa naissance ce que sera un girafeau même si l’on ignore quelles seront les circonstances exactes de sa vie.

Il apparaît donc que le point commun à toutes « les choses de la nature », c’est qu’elles existent sans savoir qu’elles existent.

On comprend alors la différence avec l’homme : on sait sans doute qu’un nourrisson sera un adulte, mais on ne sait pas s’il sera ébéniste, banquier, musicien ou charcutier. L’homme est capable de projet, et il doit en faire, car sa vie n’est pas déterminée. Nous pouvons exister d’une multitude de façons parce que nous ne sommes faits pour rien de particulier, si bien que nous avons à choisir, à déterminer ce que nous devrons être ; et si nous le faisons pas, ce sont les circonstances qui choisiront pour nous. Entre notre existence et nous, il y a toujours la distance de notre délibération, de nos hésitations ; nous ne cessons de nous arrêter pour nous regarder agir ; nous n’agissons pas automatiquement, nous ne réagissons pas comme les animaux ou les végétaux. Nous sommes toujours à distance de nous-mêmes, nous ne coïncidons pas avec nous-mêmes.

Le second mode d’existence dont parle Hegel peut alors se comprendre. Comme les « choses de la nature » l’homme existe sans distance aux actes qu’il effectue, ce qui quelquefois nous fait croire qu’il a un instinct. Cette existence est consciente, mais pas consciente d’elle-même. Et c’est lorsque nous faisons retour sur nous-mêmes, lorsque nous prenons conscience de ce premier mode d’existence que nous atteignons le stade de la conscience de soi. Cette notion demande toutefois à être clairement comprise : avoir conscience de soi, signifie que le soi devient un objet pour la conscience. Or, soi ou moi n’indique rien d’autre que la conscience en tant qu’elle constitue mon identité. Si je suis le même malgré les changements qui m’affectent et constituent ma vie, si je reste le même je, c’est que j’ai en moi un pouvoir de rester identique à moi à travers le changement. Ce pouvoir, qui constitue mon identité, et dont on pourrait ainsi donner la formule : je=je ou moi=moi, est proprement ce qu’on nomme la conscience. Il faudrait alors considérer que la conscience de soi apparaît lorsque ma conscience se prend elle-même pour objet, plus exactement lorsque j’ai conscience que je suis une conscience.

Ainsi, si je perçois un arbre au loin, je sais que cet arbre n’est pas moi, je sais que je me distingue de lui, on dira que j’ai conscience de la présence de cet arbre. Mais ce faisant, je n’ai pas pour autant conscience de moi : je ne sais pas que j’ai une conscience. Cette conscience immédiate, cette conscience dont paradoxalement je n’ai pas conscience pourrait être considérée comme le premier degré de la conscience et de mon existence. Par là, même si je n’existe pas du tout sur le même mode que les animaux, je suis comme eux : je ne sais pas quelle est ma spécificité ; je peux la pressentir, en avoir vaguement l’idée, mais je ne la sais pas à proprement parler, je n’en ai pas pris conscience, je ne me connais pas en tant que conscience.

On comprend alors la nécessité d’acquérir la conscience de soi : il faut en effet que je sache que je suis une conscience pour me connaître moi-même ; surtout, si je suis une conscience, si je n’existe pas sur le même mode que les animaux, cela signifie que le propre de mon existence est de se retourner sur soi, de se réfléchir. J’existerai donc d’autant plus et d’autant mieux que j’atteindrai à la conscience de soi. De même qu’un lion en cage ne mène pas une vie de lion, une vie humaine sans conscience de soi ne serait pas humaine. Nous cherchons donc à déterminer comment acquérir la conscience de soi pour que notre existence ait plus de réalité et soit meilleure. Tels semblent être les enjeux de notre réflexion.

Comprendre comment nous devenons-nous conscients d’être une conscience est donc pour nous décisif. Comment ce retournement sur soi se fait-il ? Comment prenons-nous conscience de notre nature d’homme, de notre spécificité humaine ?

Hegel expose deux modes d’acquisition de cette conscience de soi : le premier est théorique, le second est pratique. Entre les deux, notons tout de suite un déséquilibre apparent : l’explication de la seconde sorte d’acquisition est plus longuement étudiée que la première, comme si elle était moins facile à comprendre. Mieux, Hegel ne se contente pour le premier que d’exposer un besoin de l’homme (« il doit », l.5), tandis que pour le second, s’il expose de même ce besoin (« il est poussé », l.10, qui sera explicité pour introduire l’exemple l. 15 : « Ce besoin… »), il explique comment les action auxquelles l’homme est poussé permettent l’acquisition de la conscience de soi. Tout se passe comme si le premier mode était tellement évident qu’il n’était pas nécessaire de l’expliquer ; l’indication de ce que l’homme doit faire devant suffire. Inversement, le second mode d’acquisition doit manquer d’évidence, pour que Hegel l’explicite. Est-ce que cela signifie qu’il est plus facile d’acquérir théoriquement la conscience de soi ? ce qui pourrait sembler paradoxal.

S’il est question d’un besoin, c’est que l’homme ne peut pas faire autrement ; nous sommes poussés, pressés par une certaine réalité. Quelle est-elle ? Examinons successivement les trois nécessités de cette prise de conscience.

Nous sommes porteurs de sentiments, de désirs, de passions, que nous ne choisissons pas, que nous découvrons en nous. Ainsi un homme heureux ou même amoureux sera enclin à une plus grande indulgence s’il a à juger quelqu’un , un homme déçu sera plus sévère, etc. En chacune de ces situations, ce n’est pas ce qu’il a sous les yeux que l’homme juge ; il ne le voit même pas. Son jugement en dit plus sur lui que sur la réalité objective. Notre cœur, considéré métaphoriquement comme le siège de nos sentiments ou de nos passions nous pousse à agir d’une façon qui peut quelquefois nous surprendre. Mais même si nous ne sommes pas surpris, si ce sont nos sentiments qui agissent ou décident à notre place, ne pas les connaître, c’est rester extérieur à soi. Nous devons donc nous regarder avoir ces sentiments. La découverte de la vie affective est un moment important de sa propre vie : nous sommes au spectacle de nous-mêmes, nous assistons à nos émois, nos emportements, nos réactions. Notre vie affective qui nous surprend ou nous invite à nous interroger, à calculer nos actions, à anticiper, nous pousse à nous tenir à distance de nous-mêmes, à nous contempler ou plus précisément, à contempler non pas le soi, mais celui qui en moi est affecté par mes sentiments. Ainsi, en découvrant ma vie affective, en voyant la façon dont je puis être affecté par des sentiments, je prends par là même conscience que je ne suis pas complètement affecté, puisque je peux ne pas me confondre avec mes sentiments, mes emportements et même quelquefois me juger, et assez sévèrement s’il le faut. Je prends conscience que tout ce qui m’arrive n’est pas moi.

Toutefois, ce n’est pas à proprement parler de moi que je prends alors conscience mais de la distinction entre mes sentiments et moi ; il faut que le mouvement s’approfondisse pour que j’atteigne véritablement à la conscience de soi.

Moi qui me dédouble ainsi, sous l’impulsion de mes sentiments, ou de ce que Hegel appelle les « mouvements de mon cœur », je dois donc me distinguer de ces mouvements. Or, je ne suis pas seulement mon corps ; donc il faut que je sois un quelque chose qui pense, que j’aie une existence aussi spirituelle. Je suis capable de rendre présentes des choses qui sont absentes, de les faire exister pour moi, en ma pensée, en mon esprit. Je suis donc d’une autre nature que ces choses. Mais allons plus loin. Puisque je peux me le représenter, je dois pouvoir me représenter toutes choses et par conséquent moi-même en tant que je suis une faculté de représentation. Nous atteignons là au plus intime de la conscience de soi : la conscience qui prend conscience d’elle en tant qu’elle est une conscience. Si nous pensons, si nous savons que nous sommes une activité spirituelle, alors nous devons en même temps savoir que notre nature, ou notre essence, c'est-à-dire ce que nous sommes (esse en latin est l’infinitif du verbe être) nous distingue radicalement des « choses de la nature » et nous donne certains devoirs, ou du moins une certaine dignité à laquelle nous ne pouvons pas manquer. Ainsi, savoir que nous sommes capables

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