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La Société Et Les Échanges

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ec autrui ne va pas sans difficultés en tous genres, notamment à cause de la rivalité pour les richesses ou le pouvoir : d’où les conflits et la nécessité d’institutions – étatiques ou autres – afin de les réguler et peut-être d’établir une justice, ou au moins une loi commune.

L’échange et l’Etat seront les deux angles sous lesquels nous aborderons le concept extrêmement riche de société. Ce premier cours sera donc centré sur les rapports entre la société et les échanges. Nous verrons d’abord en quoi l’échange est la condition de l’existence humaine et de toute société. La prise en compte de types d’échanges extrêmement divers nous amènera à nous demander si tout acte social ne constitue pas, au fond, une forme d’échange. Enfin, nous étudierons l’échange du point de vue de la valeur et de la justice, afin de déterminer les conditions d’un échange équitable.

I. L’échange est le fondement de la société

A. L’échange permet de satisfaire les besoins individuels (Platon)

L’échange est le fondement de la société car il permet de satisfaire les besoins individuels. L’homme ne peut survivre isolément, car seul il serait incapable de satisfaire ses besoins vitaux. En s’associant à d’autres, l’homme parvient à satisfaire ses besoins grâce à la division du travail et à l’échange. On peut donc dire que la société est la condition de l’existence individuelle, grâce aux échanges qu’elle permet. Il semble donc que l’essence de la société, c’est-à-dire ce qu’il y a de plus nécessaire et fondamental dans toute société, ce soit l’échange. Platon pensait ainsi que l’échange est la première raison d’être de toute société :

Ce qui donne naissance à une cité, c’est, je crois, l’impuissance où se trouve chaque individu de se suffire à lui-même, et le besoin qu’il éprouve d’une foule de choses ; ou bien penses-tu qu’il y ait quelque autre cause à l’origine d’une cité ?

– Aucune, répondit-il.

– Ainsi donc, une homme prend avec lui un autre homme pour tel emploi, un autre encore pour tel autre emploi, et la multiplicité des besoins assemble en une même résidence un grand nombre d’associés et d’auxiliaires ; à cet établissement commun nous avons donné le nom de cité, n’est-ce pas ?

– Parfaitement.

– Mais quand un homme donne et reçoit, il agit dans la pensée que l’échange se fait à son avantage.

– Sans doute.

– Eh bien donc ! repris-je, jetons par la pensée les fondements d’une cité ; ces fondements seront, apparemment, nos besoins.

– Sans contredit.

– Le premier et le plus important de tous est celui de la nourriture, d’où dépend la conservation de notre être et de notre vie.

– Assurément.

– Le second est celui du logement ; le troisième celui du vêtement et de tout ce qui s’y rapporte.

– C’est cela.

– Mais voyons ! dis-je, comment une cité suffira-t-elle à fournir tant de choses ? Ne faudra-t-il pas que l’un soit agriculteur, l’autre maçon, l’autre tisserand ? Ajouterons-nous encore un cordonnier ou quelque autre artisan pour les besoins du corps ?

– Certainement.

– Donc, dans sa plus stricte nécessité, la cité sera composée de quatre ou cinq hommes.

Platon, République, livre II, 369b-370a

Remarquons bien que cette division fondamentale du travail n’est pas celle dont parlera Adam Smith au XVIIIe siècle. Ici il s’agit de la division « primitive » du travail, c’est-à-dire que le travail nécessaire à la survie des individus est divisé en plusieurs métiers. La division du travail dont on commencera à parler à la fin du XVIIIe siècle est une division du travail plus poussée, qui se produit au sein de chaque métier particulier grâce à la mécanisation . (Par exemple, dans une usine fabriquant des épingles, il s’agit de diviser le processus de fabrication en tâches élémentaires, chacune étant réalisée par un seul homme, voire par une machine.)

Deuxième remarque : si l’échange est la condition de toute association, pour les Grecs il ne saurait suffire à constituer une cité. Aristote, notamment, exprime l’idée qu’une cité ne consiste pas seulement en relations marchandes entre des individus : elle vise avant tout à accomplir de « belles actions », c’est-à-dire qu’elle vise un idéal plus élevé que la simple survie matérielle . Nous serions peut-être sceptiques, aujourd’hui, envers cette idée que la cité vise aux « belles actions », mais nous reconnaîtrions tout de même que la mondialisation ne suffit pas à créer une société unique : il existe une différence entre la France et l’Angleterre, même si ces pays ont des relations commerciales intenses. Les échanges économiques ne suffisent pas à constituer une société, il faut leur ajouter toute une dimension culturelle, symbolique et politique.

B. Communauté et société (Durkheim)

Les sociologues distinguent classiquement communauté et société. Le fondateur de la sociologie française, Emile Durkheim, a repris cette distinction du sociologue allemand Tönnies. La communauté se caractérise par des relations étroites entre les individus, un lien social fort, et une division du travail limitée. Dans la société, par opposition, les relations sociales sont plus distendues, le lien social est moins fort. En réalité, il est d’une nature différente : la communauté est caractérisée par une solidarité mécanique : le lien social existe tout simplement parce que les membres de la communauté, vivant à proximité les uns des autres, se ressemblent. C’est le cas du village traditionnel, qu’il soit africain, européen ou autre. La société est caractérisée au contraire par une solidarité organique : la cohésion résulte de la différenciation, comme pour les organes d’un être vivant. Bref, dans la communauté les individus sont liés parce qu’ils sont semblables, dans la société ils sont liés parce qu’ils sont différents. On parle aussi de société segmentaire pour la communauté. Un segment est un groupe social où l’individu est étroitement intégré ; c’est un groupe relativement isolé des autres, ayant peu de communication avec le dehors.

La vie sociale dérive d’un double source, la similitude des consciences et la division du travail social. (…) Parce que l’individu ne se suffit pas, c’est de la société qu’il reçoit tout ce qui lui est nécessaire, comme c’est pour elle qu’il travaille. Ainsi se forme un sentiment très fort de l’état de dépendance où il se trouve : il s’habitue à s’estimer à sa juste valeur, c’est-à-dire à se regarder comme la partie d’un tout, l’organe d’un organisme. De tels sentiments sont de nature à inspirer non seulement ces sacrifices journaliers qui assurent le développement régulier de la vie sociale quotidienne, mais encore, à l’occasion, des actes de renoncement complet et d’abnégation sans partage. De son côté la société apprend à regarder les membres qui la composent, non plus comme des choses sur lesquelles elle a des droits, mais comme des coopérateurs dont elle ne peut se passer et vis-à-vis desquels elle a des devoirs.

Emile Durkheim, De la Division du travail social, 1893

La question qui se pose est de savoir comment on a pu passer de la communauté à la société, qu’est-ce qui a permis l’essor de la division du travail et donc de l’échange. Selon Durkheim, ce n’est ni l’intérêt individuel, ni l’ennui, ni la recherche du bonheur, mais l’augmentation du nombre d’individus, de la densité matérielle (géographique) et morale (intensité des échanges). C’est cette augmentation du volume des communautés originelles qui a permis de rompre le lien social et de laisser libre cours à la division du travail. Pour Durkheim, la division du travail et l’échange sont donc aussi le fondement de la société – c’est-à-dire du passage de la communauté à la société.

On trouve chez Rousseau une idée similaire : la propriété privée et l’échange sont à la source du développement de l’humanité (notamment technique) et de l’inégalité (cf. texte en annexe : Rousseau, Discours sur l’origine de l’inégalité, II).

C. L’économie est imbriquée dans la société (Polanyi)

Le passage de la communauté à la société moderne est donc marqué par un développement de la division du travail et des échanges. Alors que chaque communauté traditionnelle (ex : village) était quasi autarcique, dans la société moderne il n’existe plus de segment économiquement indépendant.

Le sociologue et philosophe Karl Polanyi, en analysant cette transition (qui se produit, en Europe, autour des XVIIIe et XIXe siècles), remarque que le libre marché a dû être imposé par l’Etat : il a fallu imposer le « laissez-faire ». C’est particulièrement visible dans les tentatives d’exportation de ce modèle aux pays colonisés : tant que les hommes vivent dans la solidarité mécanique de leur communauté, on ne peut les

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