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Modulation Des Sanctions Fiscales Par Le Juge : Les Solutions Françaises Sont-Elles Conformes Au Droit Européen ?

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ans l’échelle des peines, de doser la sévérité de la sanction en fonction de la gravité de l’infraction ». Ce principe tire son origine en droit français de l’article 8 de la DDHC en vertu duquel « la Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ».

Le Conseil constitutionnel se fonde sur ce principe de proportionnalité lorsqu’il censure certaines lois qui lui sont soumises et dont l’incrimination et la peine ne sont pas proportionnées. En matière fiscale par exemple, il a censuré à deux reprises des dispositions de loi de finance traduisant des disproportions manifestes. Pour apprécier une éventuelle disproportion, le Conseil constitutionnel procède à une comparaison entre la gravité de l’infraction commise et l’avantage qu’en a retiré le contribuable. L’application du principe de proportionnalité doit être examinée au regard de l’automaticité de la sanction. Le Conseil constitutionnel est généralement hostile aux sanctions automatiques en tant qu’elles portent nécessairement atteinte aux libertés fondamentales. En matière fiscale, le Conseil constitutionnel a refusé de se prononcer en faveur de l’inconstitutionnalité du caractère automatique des sanctions.

Le deuxième principe qui trouve à s’appliquer en matière de sanctions fiscales est le principe d’individualisation des peines, principe « consistant à adapter une mesure de sanction à la personnalité propre et à la situation particulière d’un individu »

En tant que principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) le principe d’individualisation des peines s’impose à l’autorité administrative et au juge. La question s’est posée de l’application du principe de personnalité des peines aux sanctions fiscales. La consécration du principe d’individualisation des peines pourrait impliquer que le juge de l’impôt ne doit pas punir l’individu plus qu’il est nécessaire eu égard à sa personnalité, de sorte qu’une sanction automatique qui n’est pas modulable est contraire aux PFRLR. Mais le Conseil constitutionnel n’a pas expressément affirmé que l’articulation des principes de proportionnalité et d’individualisation de la peine confère au juge de l’impôt le pouvoir de modérer la pénalité infligée au contribuable. De sorte que le pouvoir de modération du juge n’a pas fait l’objet d’une consécration affirmative de la part du Conseil constitutionnel.

S’il n’est pas reconnu expressément en droit interne, le pouvoir du juge de modérer les sanctions fiscales pourrait résulter de l’interprétation par la CEDH de l’article 6§1 de la Convention EDH.

B) Le fondement du pouvoir de modulation des peines en droit européen

L’article 6§1 de la Convention EDH renvoie au principe de plénitude de juridiction (ou pouvoir de pleine juridiction) éventuellement reconnu au juge de l’impôt.

L’article 6§1 pose le principe d’un procès équitable, lequel impliquerait que le juge dispose d’une pleine juridiction. L’arrêt Bendenoun du 24 février 1994 a fait entrer dans le champ d’application du « droit à un procès équitable », au titre de la matière pénale, les pénalités fiscales.

Rappelons rapidement que la Cour EDH a recours dans l’arrêt Bendenoun à la technique dite du faisceau d’indices. Elle en relève quatre. S’agissant de la nature de l’infraction, elle note : que l’article 1729 §1 du CGI est une norme de caractère général concernant « tous les citoyens en leur qualité de contribuables » et vise donc à protéger les intérêts généraux de la société ; que les majorations d’impôts ne tendent pas à la réparation pécuniaire d’une préjudice mais ont un caractère punitif ; qu’elles se fondent sur « une norme de caractère général dont le but est à la fois préventif et répressif ».

Enfin, la cour relève la sévérité des sanctions pouvant aller jusqu’à la contrainte par corps. Aucun de ces aspects n’est en soit décisif, mais « additionnés et combinés », ils confèrent à l’affaire en cause une « coloration pénale » et ouvrent l’applicabilité de l’article 6§1. La technique du faisceau de critères utilisée par la cour en matière de pénalités fiscales apparaît source d’incertitudes. En effet comme le souligne Frédéric Sudre dans son commentaire de l’arrêt Ferreira si on considère que les majorations de l’article 1729 §1 peuvent être qualifiées de sanctions pénales au sens de la Convention EDH, « on peut hésiter à conclure, à l’issue de l’arrêt Bendenoun que toutes les amendes fiscales relèvent de la matière pénale ».

Investi d’un pouvoir de pleine juridiction conformément à l’article 6§1, le juge de l’impôt pourrait alors apprécier tous les éléments d’un même litige, et pourrait moduler la sanction appliquée en fonction de la gravité de l’infraction.

Mais la question de pose de savoir si l’article 6§1 permet au juge de l’impôt de se dire investi d’un pouvoir de pleine juridiction lequel lui permettrait de moduler les sanctions fiscales de caractère pénal.

C’est précisément cette question qui fait l’objet d’une grande divergence de points de vue entre la Cour de cassation et le Conseil d’État.

Les applications divergentes par les juges Français

A) Une application réservée du conseil d'état soutenu par le conseil constitutionnel

Dans son avis Fatell de 1998 le conseil d'état retient que les dispositions de l'article 1729 du CGI « proportionne les pénalités selon les agissements commis par le contribuable », en effet cet article prévoit une majoration de 40% pour manquement délibéré et 80% pour manœuvres frauduleuses.

Ainsi pour le conseil d'état, la loi existante est conforme aux dispositions de la Convention européenne puisque la plénitude de juridiction que celle-ci exige pour le juge pénal signifie un contrôle complet en droit et en fait et non pas un pouvoir de modulation.

Le juge ne peut dès lors considérer le taux prévu par la loi comme un taux maximum et le moduler à sa guise en fonction de la gravité du comportement.

Le conseil constitutionnel lors de deux QPC du 17 mars 2011 estime que le contrôle de pleine juridiction permet bien de considérer qu'une modulation de la sanction par le juge est en principe possible. L'étendue de ce pouvoir étant toutefois nécessairement limitée puisque le juge ne peut pas véritablement moduler le quantum lui même à l'instar de ce que fait par exemple le juge pénal lorsqu'il prononce une peine prévue par le code pénal, qui constitue alors la peine maximale encourue.

B) Une évolution de la jurisprudence de la cour de cassation pour se rapprocher de celle du conseil d'état

Dans l'arrêt Ferreira du 29 avril 1997 la chambre commerciale de la cour de cassation reconnaît aux juges le pouvoir de moduler le taux des pénalités. Ainsi, les stipulations de l’article 6 de la Convention EDH impliquent

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