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Analyse De Zadig, Voltaire

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, l'histoire authentique au romanesque le plus fou, donna aux chemins les plus directs l'apparence de flâneries et de digressions plaisantesé Il nous amuse, nous fait rire, nous surprend, nous étourdit ; car nous trouvons un mélange tout à fait rare, tout à fait original, infiniment mieux réussi que dans les ‘’Lettres persanes’’, de fantaisie et de bon sens, de libre invention et de rigueur logique : une démonstration impitoyable de la sottise humaine joliment enveloppée dans une œuvre d'art aux proportions libres et harmonieuses.

‘’Zadig’’ est une nouvelle haute en couleur et en rebondissements, composée de plusieurs contes réunis les uns aux autres de manière à former une histoire suivie. Les aventures se succèdent, sans être enchaînées logiquement. Conscient du danger, Voltaire s'employa, d'une édition à l'autre, à resserrer la trame qui réunit entre eux les différents épisodes. L’édition de 1748 comptait quelques chapitres de plus que celle de 1747 : “Le souper”, “Les rendez-vous”, “Le pêcheur” ; celle qui parut en 1756 dans la “Collection complète des oeuvres de M. de Voltaire” était augmentée d'un nouveau chapitre : “Les disputes et les audiences” (dédoublement d’un chapitre) ; enfin deux chapitres : “La danse” et “Les yeux bleus”, rédigés à Berlin, que Voltaire n’a jamais intégrés à son livre, et qui ne virent le jour que dans les éditions posthumes de “Zadig”.

De plus, au cours de la narration, il fait souvent le point de l'action (dont les trois étapes sont : rencontrer Astarté, la perdre, la retrouver), renvoie d'un chapitre à l'autre, laisse attendre la suite. Rapidement, l'intrigue qui se noue entre Zadig et Astarté fournit un fil conducteur : l’amour naissant est contrarié par des obstacles insurmontables ; les deux amants doivent se séparer ; ils se retrouvent enfin, et leur union donne au roman une heureuse conclusion, trois récits venant, à la fin, renseigner, éclairer, redonner foi : celui du brigand, celui du pêcheur, celui d’Astarté. Les divers médaillons sont ainsi réunis en un solide collier. On peut voir en Zadig un nouvel Ulysse qui, cherchant le bonheur, finit par le trouver après de multiples et dures épreuves, retrouve sa Pénélope.

On constate que le livre est, d’un bout à l’autre, sous le signe d’une constante binarité, d’un continuel jeu d’oppositions qui doivent se contrebalancer pour finalement s’équilibrer. Car les chapitres vont généralement par deux, ce qui permet d’excitantes confrontations (“Le borgne” / “Le nez” - “L’envieux” / “Les généreux” - “Le ministre” / “Les disputes et les audiences” - “Le bûcher” / “Le souper” - “Le brigand” / “Le pêcheur” -”Le combat” / “Les énigmes”). Mais les oppositions fonctionnent à l’intérieur des chapitres eux-mêmes (“Le chien et le cheval”). Sans compter les interférences d’un texte à l’autre. Si quatre chapitres se détachent dans leur unicité (“La jalousie”, “Les rendez-vous”, “Le basilic”, “L’ermite”), c’est qu’ils sont les temps forts de l’action. Un passionnant travail consisterait à reprendre l’itinéraire de l’auteur en suivant ces «poteaux indicateurs» que sont les titres, pour réagencer les plans, et s’amuser au jeu des parallélismes qui fondent la structure du conte.

Cependant, Voltaire ne prétendait pas nous intéresser par l'agencement habile d'une intrigue, mais par la diversité et la bizarrerie des anecdotes. Il exposait des faits, déroulait une intrigue compliquée, s’efforçait de dire l'essentiel sans ennuyer, de tout faire comprendre sans vaine insistance. Nul mieux que lui ne sait se faufiler à travers un enchevêtrement d'aventures d'apparence inextricable pour aboutir, sans fatigue et sans défaut, au dénouement logique et naturel. Il est obtenu grâce à Cador qui joue dans la nouvelle le rôle de « deus ex machina », Voltaire ayant recours à lui quand il s’agit de régler une situation embarrassante.

L'amour est le ressort qui déclenche les événements, et les événements à leur tour déclenchent des réflexions. Mais Voltaire ne retint que les épisodes principaux d'un roman d'amour et d'aventures qui eût pu être long ; il laissa dans l'ombre ce sur quoi s'attardent les romans traditionnels. On voit pourtant Zadig perdant ses sens devant la preuve de son amour que lui donne Astarté (chapitre VIII), Voltaire s’égayant à montrer ses héros fort tendres.

Le conte traditionnel est, par essence, merveilleux : il n'atteint sa pleine efficacité que si le lecteur abandonne le monde dans lequel il vit, pour entrer dans un autre univers où l'incroyable est naturel. Mais l'ironie de Voltaire est un dissolvant du merveilleux. S’il multiplie les invraisemblances, ce n'est pas pour procurer au lecteur un moment d'évasion, ni parce qu'il cède lui-même à l'entraînement d'une fantaisie parodique. Il respecte le conte en tant que genre, mais en détruit la finalité habituelle. Loin de nous entraîner hors de la réalité, le conte voltairien nous oblige à la regarder de plus près : la perspective est changée. Ce n'est pas l'incroyable qui est donné pour vrai, mais le vrai qui apparaît incroyable.

En fait, l'unité de ‘’Zadig’’ est beaucoup plus profonde : plus qu'à l'intrigue, elle tient à l'intention philosophique de Voltaire. Le roman, livre d’action, est aussi livre d’instruction. Racontant l’éducation d'un jeune homme par la Providence, il s'apparente aux récits initiatiques, puisque le bonheur n'est atteint qu'après une révélation. L'intérêt du roman réside précisément dans le double mouvement de Zadig et de la Providence qui, en décrivant des cercles de plus en plus larges qui vont du particulier à l'universel, aboutit à leur rencontre, tend tout entier vers l'ajustement de l'intelligence humaine sur la raison divine.

Pour rendre compte de la structure de ‘’Zadig’’, le plus simple est de recourir à une figure géométrique représentant deux spirales en forme de cône, opposées par le sommet. En s'ouvrant de plus en plus, la spirale du bas symbolise l'ouverture de Zadig au monde des humains en même temps que son évolution spirituelle à mesure qu'il découvre mieux le scandale du mal. Symétriquement opposée, la spirale du haut décrit la manifestation progressive de la Providence, et fait sentir la présence d'un ordre supérieur qui contraste avec le désordre terrestre. Ce qui se passe après l'entretien de Zadig et de l'ermite, c'est un renversement total de cette structure : au lieu de s'opposer, les deux cônes s'emboîtent l'un dans l'autre. Sur la terre des humains, l'absurde s'estompe et cède la place à la promesse d'un ordre.

Bien qu'une force mystérieuse poursuive Zadig, on ne peut parler ni de tragédie, ni de fatalisme.

Intérêt littéraire

La langue de Voltaire est simple, mais elle est marquée par des usages classiques :

- «acception» : «avoir acception de» (chapitre VII) : «avoir préférence pour» ;

- «affecter» : «il n’affectait rien» (chapitre I) : «il n’avait pas d’ambition» ;

- «almanachs» (chapitre XII) : «calendriers» ;

- «amphithéâtres» (chapitre XVII) : avec ce mot au pluriel Voltaire désignait les gradins réservés aux spectateurs, par distinction avec la «lice» ;

- «balancer» (chapitre XIX) : «hésiter» ;

- «brave homme» (chapitre XIV) : «homme courageux» ;

- «cependant» (chapitre IX) : «pendant ce temps» ;

- «cires» (chapitre XI) : «chandelles» ;

- «citoyenne» (chapitre I) : «citadine» ;

- «conseil» (chapitres X, XIII) : «conseiller» ;

- «convaincu» (chapitre X) : «reconnu coupable» ;

- «couchée» (chapitre XVIII) : «étape», «endroit où l’on couche en voyage» ;

- «courir quatre lances» (chapitre XVII) : «combattre quatre adversaires pour être admis à disputer la finale» ;

- «course» (chapitre XIV) : «acte d’hostilité que l’on fait en courant les mers ou en entrant dans le pays ennemi» (Dictionnaire de l’Académie) ; le mot propre serait «razzia» ;

- «denier» : «argent à onze deniers» (chapitre III) : «presque pur» ;

- «devise» (chapitre XVII) : «figure emblématique peinte sur un bouclier, accompagnée d’une sentence qui l’explique» ;

- «dispute» (chapitre IV) : «débat», «discussion» ;

- «donner à laver» (chapitre XVIII) : «donner de quoi se laver» ;

- «effet» (chapitre XII) : «bien réel» ;

- «entendu» : «un repas bien entendu» (chapitre XVIII) : «dont le menu était composé avec intelligence et bon goût» ;

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