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Britannicus

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ité, l’inquiétude et la colère de Néron : « Elle s’en est vantée assez publiquement ». Ensuite Narcisse use du discours rapporté, qu’il est toujours facile de déformer : Néron devant sa mère aurait eu une attitude modeste et soumise. Ici Néron apparaît comme un fils faible devant sa mère, ce qui est humiliant pour lui. A cette faiblesse supposée répond l’image d’un personnage irrésolu que Néron donne de lui-même dans cet extrait : il demande à Narcisse ce qu’il doit faire, montrant par là qu’il lui fait confiance aveuglément : « que voulez-vous dire ? ; que veux-tu que je fasse ? » (vv.1406 et 1413). Ici le passage du vouvoiement au tutoiement marque la vulnérabilité de Néron. Dans sa longue réplique (vv.1422-1426), Narcisse use également de l’interrogation, mais cette fois pour faire peser une pression sur Néron : ce sont des interrogations rhétoriques qui ne demandent pas de réponse, car ce sont des injonctions déguisées. L’empereur par ses questions demande conseil à Narcisse ; celui- par les siennes lui donne des ordres déguisés.

II. Les rôles inversés

On observe en effet une inversion des rôles entre le monarque gouvernant et le conseiller gouverné (cela, d’autant plus que Narcisse est « gouverneur » de Britannicus). Les questions que pose Néron à Narcisse, son besoin de soutien et de conseils montrent bien à quel point il est incapable de régner.

Au contraire, Narcisse, l’ancien esclave affranchi par le père de celui dont il souhaite l’assassinat, use de phrases dont les verbes sont à l’impératif (type de texte injonctif) : « Faites périr le frère, abandonnez la soeur » (v.1440). Par ce vers qui propose d’assassiner Britannicus et de répudier Octavie, le spectateur assiste aux préparatifs d’un coup d’Etat qui laissera le champ libre à Néron.

Ainsi, Néron apparaît comme la victime d’une manipulation. Par son caractère faible, par sa relation inégale avec Narcisse, RACINE le présente comme indigne du trône qu’il a reçu des mains de sa mère Agrippine et hors de toute filiation légitime. Grâce à son âge, Narcisse dispose de l’expérience du pouvoir, de la connaissance des affaires politiques, de la connaissance du peuple romain et de ses réactions prévisibles, cf. ses références à sa « gloire passée » (v.1437) ; à Tibère (v.1434), à Claude (v.1436). Au contraire, Néron est inexpérimenté parce qu’il est jeune, aussi Narcisse joue-t-il auprès de lui le rôle d’un initiateur : « Les Romains ne vous sont pas connus » (v.1427). Mais ses faiblesses sont également liées à sa soumission à sa mère (cf. l’expression redondante qui montre que le vrai maître n‘est pas Néron mais sa mère : « son souverain empire » (v.1405)), à son esprit indécis : « Mais, Narcisse, dis-moi, que veux-tu que je fasse ? » (v.1413), à son caractère emporté : « « Je n’ai que trop de pente à punir son audace » (v.1414). Ainsi Néron est dominé à la fois par sa mère, par Narcisse, et par lui-même. Ainsi RACINE donne de Néron l’image d’un mauvais roi, illégitime du point de vue dynastique et inapte à régner du point de vue psychologique.

III. De la monarchie à la tyrannie

1. Limites du pouvoir absolu

Dans sa Préface, RACINE emploie l’expression de « monstre naissant » à propos de Néron. Ici, il ne l’est pas encore, il ne le sera vraiment qu’à l’acte V, après l’assassinat de son demi-frère.

Au stade de cet extrait, Néron est encore sensible à sa réputation auprès du peuple romain : « Mais de tout l’univers quel sera le langage ? (v.1417) / « Rome » (v.1419) / Ils mettront ma vengeance au rang des parricides » (v.1421) / « effaçant tant de titres d’honneur » (v.1419), « honneur » ici rimant avec « empoisonneur » (v.1420). On voit ici que l’opinion publique constitue un garde-fou à la dérive tyrannique du règne. Ces vers présentent plusieurs figures de style : l’hyperbole « tout l’univers » désigne, par métonymie, l’Empire romain. « Rome » est personnifiée par les verbes effacer et laisser. Le « ils » du vers 1421 constitue une ellipse. Tous ces procédés trahissent les craintes que Néron éprouve devant le jugement d’autrui, en particulier celui de la postérité, cf. le futur dans « Ils mettront » (v.1421). Dans ces vers, RACINE livre une analyse de l’état d’esprit de Néron : s’il se soucie encore de morale, c’est une préoccupation superficielle, due à la vanité, et qui s’oppose à une véritable vertu et à l’attachement au bien. C’est pourquoi Néron profite de cette situation en faisant croire à Néron que l’opinion publique n’est pas aussi regardante qu’il le suppose. Narcisse dévalorise l’opinion dans sa longue tirade : « leurs caprices » (v.1422) ; « leurs discours » (v.1424 et 1428) ; « ils sont plus retenus » (v.1428). Narcisse tente de persuader Néron que non seulement le peuple fermera les yeux à ses actes et demeurera passif, mais pourrait également se faire son complice : « Rome, sur ses autels, prodiguant les victimes, / Fussent-ils innocents, leur trouvera des crimes ; / Vous verrez mettre au rang des jours infortunés / Ceux où jadis la sœur et le frère sont nés. » (vv.1441-1444). Ainsi, au terme du dialogue, Narcisse est parvenu à vaincre les résistances de Néron liées à la peur de sa mère et à la peur de l’opinion publique.

2. Apologie de la tyrannie

Le débat qui oppose les deux hommes est bien lié à deux choix politiques : le régime monarchique ou la tyrannie. C’est pourquoi le discours de Narcisse apparaît comme une apologie de la tyrannie. Néron lui-même emploie le terme : « Sur les pas des tyrans veux-tu que je m’engage ? » (v.1418), ce dont s’abstient Narcisse qui, prudent, ne veut pas froisser l’amour-propre de l’empereur. Cependant, Narcisse propose un programme d’essence tyrannique à Néron, par l’éloge qu’il fait de l’autocratie et de l’arbitraire. Il engage Néron à ne suivre que la seule loi de sa propre volonté égoïste : « De vos propres désirs perdrez-vous la mémoire ? » (v.1425).Ici, l’ironie du passage consiste en ce que Narcisse reproche à Néron de se laisser influencer par sa mère ou par Rome, alors qu’il est lui-même en train de le manipuler.

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