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Celine

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rapporte ses réactions et le résultat de ses pensées. Il se met à distance et prend le temps de la réflexion, il souligne en même temps la solitude extrême de l'homme isolé qui réfléchit et qui, n'étant pas emporté par la folie meurtrière ambiante, se sent profondément différent, voir l'unique dans cette incompréhension « Etais-je donc le seul à avoir l'imagination de la mort dans ce régiment ? ». Il sort du contexte de la guerre pour essayer de la décrypter. Les verbes utilisés par le narrateur, à la première personne, ne sont pas des verbes d'action mais de pensée « je me souvenais », « je repensais » « voilà ce que je pensais » « je voyais », ce qui souligne le moment de l'analyse. Il rapporte ce qui lui vient à l'esprit au fur et à mesure de sa critique : « en allant devant moi, je me souvenais de la cérémonie de la veille », « et je repensais encore au colonel ».

Bardamu tente de répondre à ses propres incertitudes, « étais-je donc le seul », « Mais alors ou aller ? », « Alors ? », il est sujet à de nombreux points d'interrogation, et les réponses sont inexistantes.

Face à son incompréhension, il tisse son propre jugement à partir de l'expérience de la guerre qu'il fait et défait celui du colonel : « Haut les cœurs ! Qu'il avait dit…Haut les cœurs ! Et vive la France », il s'oppose à ce discours et en fait un jugement direct en dénaturant la formule usuelle : « Bas les cœurs ! que je pensais moi. »

S'il ne comprend ce qu'il fait là, il forge sa position face à la guerre « quand on a pas d'imagination, mourir c'est peu de chose, quand on en a, mourir c'est trop. Voilà mon avis. Jamais je n'avais compris tant de choses à la fois ». Il en ressort une vérité définitive. C'est cette idée de la mort qu'il questionne, refusant celle que la guerre lui impose pour y préférer celle qu'il, comme tout homme, s'imaginait, « je préfèrerais la mienne de mort, tardive… Dans vingt ans…Trente ans…Peut-être davantage, à celle qu'on me voulait de suite, à bouffer de la boue des Flandres, à pleine bouche, plus que la bouche même, fendue jusqu'aux oreilles, par un éclat. On a bien le droit d'avoir une opinion sur sa propre mort. » S'il prétend pouvoir aspirer à une certaine mort, c'est une toute autre mort ici imposée qui l'entoure, omniprésente. Les blessures ne deviennent alors plus que secondaires, il regarde son sang là aussi avec détachement, distance, « je m'aperçus en fuyant que je saignais du bras, mais un peu seulement, pas une blessure suffisante du tout, une écorchure. C'était à recommencer. ». Cette blessure est minimisée et même méprisée face au décès qu'on leur promet puisque, l'écorchure n'étant pas suffisante, il devra y repasser, il n'en a donc pas encore fini. Cette entaille fait également échos à la peur de la mort lente dans l'attente de la déchéance finale.

La guerre ne peut s'arrêter, il cherche alors à fuir ce destin pour son idéal de mort et dans un excès de lâcheté expliqué par son pacifisme, il pense à fuir, « le dos à l'ennemi », mais là encore le risque d'une autre mort : « on m'aurait fusillé : douze balles, plus une. »

Ecœuré, découragé il rejoins les soldats pour qui l'annonce du drame n'est d'aucun effet, la phrase « Le colonel est mort ! » est aussitôt coupée, « C'est pas les colonels qui manquent ! », aucune bonne nouvelle ne subsiste ici, cette mort n'a aucune résonnance dans le champs de dévastation et d'horreur de la guerre, un autre viendra mourir à sa place, Bardamu fait l'apprentissage du pessimisme, l'homme qu'il soit simple soldat ou colonel est remplaçable, il n'y a pas de hiérarchie dans le décès, c'est un objet dont on use et abuse, et pour souligner ce manque d'humanité, l'unique réaction que l'accident provoque est d'envoyer Bardamu à la distribution de nourriture, comme si rien de ce que qu'il avait vu, avait vécu, ne comptait, il en conclue alors « c'était pas la peine de leur rien raconter à ces gens-là, qu'un drame comme j'en avais vu un, c'était perdu tout simplement pour des dégueulasses pareil ! ». Il y a une frontière entre Bardamu et les soldats, il ne les comprends pas.

Ce n'est que plus épris de dégout qu'il découvre la « prairie d'aout » ou la viande était distribuée et qui sous ses yeux se révèle être un nouveau champ de bataille, l'affrontement se fait ici avec des bêtes, « il y en avait pour des kilos et des kilos de tripes étalées, de gras en flocon jaune et pâles, des moutons éventrés avec leurs organes en pagaie, suintant en ruisselets ingénieux dans la verdure d'alentour, un bœuf entier sectionnés en deux, pendu à l'arbre, et sur lequel s'escrimaient encore en jurant les quatre bouchers du régiment pour lui tirer des morceaux d'abattis », dans ce carnage, l'homme est animalisé, il devient lui aussi une bête qui se bat pour se nourrir, il est ramené à ses plus bas instincts, « on s'engueulait ferme entre escouades à propos de graisses, et de rognons surtout, au milieu des mouches », « on tuait le dernier cochon quelques pas plus loin. Déjà quatre hommes et un boucher se disputaient certaines tripes à venir ».

Dans ce sacrifice infecte et soulevant, cette barbarie, cette boucherie insoutenable rappelle la citation « c'est des hommes et d'eux seuls qu'il faut avoir peur, toujours », la comédie lève le rideau pour laisser découvrir l'envers du décor, Bardamu réalise enfin, il ne tient plus une distance mais prend part à la scène, forcé d'en être acteur, cette nouvelle vérité définitive vient se confronter directement au narrateur,« j'ai eu le temps encore de jeter deux ou trois regards sur ce différend alimentaire, tout en m'appuyant contre un arbre et j'ai dû céder à une immense envie de vomir, et pas qu'un peu, jusqu'à l'évanouissement », ce vomissement apparait comme le paroxysme de son écœurement, Ferdinand prend conscience de la guerre, sa naïveté lui est arrachée, partout l'homme est capable du pire, partout on ne voit que le terrible et l'insupportable, on voit ce que la guerre fait des hommes, si peu qu'ils en soient encore, comme une maladie qui affecte l'humain et s'étend. Finalement, « la guerre ne passait pas », comme un mal incurable, Bardamu est malade de la guerre, il n'a pas pu s'en remettre. Lorsqu'il commence à réfléchir, il est déjà trop tard

Dans la réalisation de ce massacre et de la bassesse de l'homme, Bardamu génère un dégout répulsif qui l'amène à ne pas vouloir de cette guerre.

II/ L'expression du refus de la guerre : épopée de la révolte :

Si cette guerre est celle des français, elle n'est pas la sienne, et d'ailleurs il ne la comprend même pas, « lui, notre colonel, savait peut-être pourquoi ces deux gens-là tiraient, les Allemands aussi peut-être qu'ils savaient, mais moi, vraiment, je ne savais pas », « je ne leur avais rien fait aux Allemands ».

Son monologue intérieur dénonce son individualisme.

Il donne de la guerre une image de plus en plus violente, la tonalité critique de cette évocation vient du choix d'un vocabulaire de connotation dépréciative.

Le colonel « n'imaginait pas son trépas », c'est donc un monstre de part sa folle bravoure qui se traduit en folie meurtrière, il ne mettra pas fin à la guerre mais au contraire finira victime de celle-ci, non épargné de son horreur, « c'est qu'il avait été déporté sur le talus, allongé sur le flanc par l'explosion et projeté jusque dans les bras du cavalier à pied », « le colonel avait son ventre ouvert, il en faisait une sale grimace », mais face à la catastrophe, Bardamu ne se comporte qu'en spectateur indifférent, il y a une distance du narrateur qui assiste aux événements qu'il décrit , il marque son refus de participer et n'étant pas touché il conclue l'évènement avec un « Tant pis pour lui ! », comme une vengeance, prétendant que par son engagement dans cette guerre il l'avait bien cherché, et faisant de la non participation de Bardamu un moyen d'échapper à une mort absurde. « il y a bien des façons d'être condamné à mort », « de la prison on en sort vivant, pas de la guerre », et c'est pour

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