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Dubé, Marcel. Un Simple Solda

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même à la mère Brochu qui a

perdu un chat. Autant de considérations ou d'événements reliés d'assez loin au drame intérieur que

vit Joseph, et qui montrent la vie réelle, dans toute sa trivialité et sa banalité.

D’ailleurs, Marcel Dubé a bien indiqué : «Ma pièce est construite un peu comme un scénario de

cinéma». On pourrait ajouter : une sorte de cinéma-vérité où le cinéaste s’efforce de respecter le

rythme normal de la rue, sans procéder à une sélection sévère des images. Il y a choix, mais de

manière à suggérer le déroulement désordonné de la vie. Par cette construction particulière, “Un

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simple soldat” est sans doute sa pièce la plus pleinement réaliste.

Mais, au centre de cette fresque grouillante et mobile, se détache, forte et émouvante, la figure

de ce héros tragique qu'est Joseph Latour. Schématiquement, on pourrait représenter sa situation

dans la pièce par trois cercles concentriques. À la périphérie, c'est le milieu, le quartier, les scènes

parallèles et secondaires de la fresque. Le second cercle, plus intime et nécessaire, est celui de la

famille Latour et d’Émile, seuls personnages absolument nécessaires à la pièce. Enfin, au coeur et

au sommet, Joseph Latour, seul porteur du drame et seul facteur d'unité dramatique de la pièce. Il est

évident, d'ailleurs, que si elle conserve un intérêt, c'est grâce à l'extraordinaire présence dramatique

de Joseph Latour, ce héros pathétique, victime, précisément, d'un destin représenté à la fois par la

famille et par le milieu qui l'entourent.

Ainsi, avec ‘’Un simple soldat’’, un nouveau thème et une nouvelle technique dramatique pénétraient

dans le monde de Marcel Dubé.

Intérêt littéraire

Si “Un simple soldat” est d’une conception et d'une inspiration fort différentes, la pièce pose, autant

que “Zone”, le problème du langage. Trivial, dru et coloré, truffé de jurons, il était, avant qu’on ose

employer le « joual », la transposition sur scène alors la plus vraisemblable et la plus acceptable

de la langue qu'on parlait dans le milieu populaire montréalais et, surtout, que pouvait employer le

personnage qui domine la pièce : «Je me sacre de mes dettes, je me sacre de tout le monde. »

Intérêt documentaire

La pièce présente le tableau partiel, mais véridique, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale,

d’un «quartier prolétarien de l'Est de Montréal», sinon de toute la société québécoise, une société

repliée sur elle-même, fermée, partout bloquée et stagnante, avec ses croyances, ses habitudes,

ses coutumes, mais aussi et surtout son âme difficile à saisir, rongée de complexes, de peurs, de

tabous, de préjugés, de superstitions, de petitesses. Marcel Dubé a indiqué qu’il a voulu présenter ses

personnages « dans leur gaucherie, dans leur ignorance et leur gêne des mots pour exprimer ce qu'ils

ressentent, comme un simple ‘’Je t'aime !’’ ».

Il a donné beaucoup d’importance aux personnages secondaires : la mère Brochu qui permet

l’amorce d’une critique des attitudes religieuses de l'époque ; les représentants de la petite pègre

de quartier : Tit-Mine, Marguerite et Dolorès. Ils n'ont aucune part à ce que l'on pourrait appeler

l'action dramatique, mais ils accentuent le réalisme, la peinture d'époque, où il importait de situer

Joseph Latour qui incarne ce qu'un critique appela «la colère de l'homme conscient d'une humiliation

socialement congénitale»,

Le père est l'ouvrier canadien-français dominé par une autorité anglophone et soumis à son sort qui

est entre les mains du banquier canadien-anglais qu’on sent en arrière. On lui enlève son camion et,

au lieu de lui confier des responsabilités, on lui demande de coller des étiquettes. Ne prenant jamais

conscience de son esclavage, il dit à Joseph : «Je me compte encore chanceux», parce qu'après tout,

un travail humiliant vaut mieux que la vie de chômeur.

Mais Joseph ne voit pas les choses du même oeil : «T'avais tout ce qu'il faut pour être un chef, c'est

parce que c'est une maudite compagnie d'Anglais.» Autant son père est soumis, acceptant l'échec

et l'humiliation, autant il se révolte, avec violence toujours, et sans respect des convenances, contre

ses employeurs anglais qui asservissent le peuple québécois (bien qu’au bar, lieu où il se donne

l'impression de vivre, d'une vie luxueuse et factice, il boit un scotch qu'il a commandé en anglais

au «waiter»). On peut voir dans son drame, plus qu'un drame personnel, celui d'une société. La

fatalité, qui pèse sur son père et sur lui, écrase une collectivité toute entière.

En Joseph, on peut donc voir l’éveil de la protestation de la province francophone contre

l’impérialisme du dominion du Canada et, au-delà contre la Grande-Bretagne s’est manifestée par le

non à la conscription au moment de la Seconde Guerre mondiale, le paradoxe, qui est le paradoxe

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perpétuel du Québec, étant que Joseph, en bon-à-rien qui ne peut qu’être miltaire, se soit quand

même enrôlé : «J'étais contre la conscription, Émile, parce que le Québec avait voté contre au

plébiscite. Puis après, quand je me suis enrôlé, c'est pas pour le roi d'Angleterre que je serais allé me

battre, c'est pour moi-même, pour moi tout seul.»

La pièce de Dubé nous entraîne donc bien au-delà des images faciles et folkloriques d'un temps

révolu. Elle présente un grand intérêt sociologique et politique. Elle fut l'étude la plus puissante, la

plus cruelle, la plus révélatrice du milieu canadien-français populaire au milieu du XXe siècle.

Intérêt psychologique

Les personnages se répartissent en fonction des deux pôles que sont la maison et le bar.

Se tiennent dans la maison Bertha et Armand, qui passent leur vie, dirait Joseph, «à étouffer dans le

même p'tit coin», et qui vieillissent «sans rien apprendre».

Sont attirés par l'autre pôle, Marguerite et Dolorès, les prostituées, Joseph et Émile (ceux qui refusent

d'étouffer, mais qui ne débouchent pas vraiment sur la vie) et Édouard qui, lui, retrouve ses amis à la

taverne pour oublier qu'il a cessé de vivre.

Entre les deux, Fleurette et son ami Ronald représentent la génération montante, dont on sent bien

qu'elle sera un jour happée par l'un des deux pôles.

Au milieu de cette fresque, lui donnant une certaine cohérence, un seul personnage dont le drame

personnel se joue à l'intérieur de ce milieu, se trouve un personnage à la sensibilité violente et

tourmentée : Joseph Latour.

Il présente beaucoup de facettes, autant dramatiques que comiques, passe par toute une gamme

d'émotions. Toujours à fleur de peau, il flirte avec les extrêmes, la douceur et la violence. Il est à la

fois truculent

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