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La Protection Réelle De l'Embryon

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cherchent à libérer le discours juridique des bourbiers de la subjectivité, quelle que soit la manière dont elle est acquise et dont on la définit. Attribuer à l’embryon une garantie pour sa défense n’oblige pas le juriste ou encore moins le législateur à la nécessité préalable de lui attribuer des qualités subjectives au sens et avec les effets que le droit accorde à ce concept.

5A titre d’hypothèse, dont je chercherai à apporter la démonstration dans les pages qui suivent, on peut rattacher le domaine propre de l’embryon, et, à partir de celui-ci, le statut, au monde des choses. Choses vivantes et choses humaines à la fois : mais ce sont pourtant toujours des choses qui appartiennent à l’ordre de la nature. L’embryon et le fœtus sont des choses naturelles qui n’appartiennent pas au droit civil. Même le mot homme indique une chose naturelle. Il s’agit du reste d’une donnée anthropologique élémentaire : l’homme est par définition un objet naturel. Son importance sur la scène juridique en transforme le rôle et la dénomination pour donner les concepts de personne et de sujet de droit.

6Je me rends bien compte que notre tradition juridique rencontre des difficultés conceptuelles dans le fait de proposer et d’assigner des entités humaines au règne des choses plutôt qu’à celui des personnes. Mais si la partition justinienne, jamais mise en doute jusqu’à aujourd’hui, n’admet pas d’autres genres intermédiaires entre ces deux-là (pourrait-il exister une catégorie des quasi-personnes ?), le problème est alors de choisir la solution la moins mauvaise : je veux dire la solution la plus cohérente avec les catégories qui sont à la disposition du monde du droit.

7Je ne voudrais toutefois pas souligner la caractéristique de la réalité, au sens juridique, de l’embryon plus que nécessaire. Je voudrais plutôt chercher à démontrer une donnée qui devrait être présupposée et qui au contraire s’avèrera être un élément à prouver avec les armes du droit : l’impossibilité de son appartenance au monde de la subjectivité juridique, comprise dans un sens non descriptif mais technique. Je voudrais inviter à envisager le monde des choses, celles auxquelles le droit assigne une valeur, en tant qu’elles sont tirées du monde de la nature. C’est à la nature qu’appartient l’homme qui n’est pas encore une personne, son corps tout entier et ses organes séparés, ses produits, les tissus, le sang, et tout ce que les technologies contemporaines permettent de considérer comme des éléments séparés du corps total : le corps qui réclame son propre statut juridique !

8Je veux dire le monde des choses qui ont une valeur juridique, qui se distinguent des personnes et qui sont marquées par des signes incomparables. Jean-Pierre Baud l’a démontré avec une foison d’arguments dans un livre consacré à l’archéologie de la bioéthique. Le monde du droit est divisé entre les personnes et les choses. Créer de nouvelles catégories ou modifier celles qui existent n’est pas mon but : si c’était le cas, je voudrais que l’embryon appartienne à la catégorie des quasi-personnes.

9Je voudrais être encore plus explicite à l’égard de l’objectif que je me propose de poursuivre. Je voudrais chercher à réduire l’alternative dans les termes suivants : la question est de savoir, comme l’a suggéré Stéphane Breton, si la distinction entre exister du point de vue du droit et exister du point de vue du corps se réfère à un même objet, mais sur la base de deux descriptions séparées, ou bien si la catégorie du sujet corporel a été créée pour la distinguer de la personne au sens juridique. C’est sur l’idée de cette superposition que je voudrais m’arrêter dans les pages qui suivent.

10L’idée d’une acquisition progressive de la personnalité (que l’on ne précisera pas davantage) et donc, d’une certaine manière, de la subjectivité au sens juridique, a attiré ces derniers temps l’attention de certains chercheurs. D’aucuns ont cherché à fixer les étapes à travers lesquelles le fœtus en formation acquererait graduellement des parcelles de subjectivité qui correspondraient à autant de stades du développement biologique. L’idée est suggestive, puisqu’elle permet de donner de l’importance au fait que la formation de l’être humain, de l’embryon à l’homme, a un caractère de processus.

• 1 Christian De Duve, A l’écoute du vivant, Paris, Odile Jacob, 2003.

11Le cycle qui mène au développement graduel du corps humain est un faitacquis pour la science biologique et il a toujours été de la plus grande importance dans le jugement moral, philosophique et religieux qui a accompagné le processus de création de l’être humain1. Que la vie commence à partir du moment de la fécondation et qu’elle continue jusqu’à la naissance est par conséquent évident sur le plan biologique. Pareillement, l’individualité appartient déjà à l’embryon, qui est un être indivisible depuis son commencement. Mais si on le regarde du point de vue de ce qui est pertinent juridiquement, il s’agit d’une zone grise : on a parlé de clair-obscur pour l’être humain in fieri.

12Sur le plan de la subjectivité, l’embryon n’existe pas. (…). Cette absence de subjectivité et cette suspension entre être et non-être, entre être-déjà et ne-pas-être encore ce qui a vraiment de la valeur, justifient le traitement différent réservé à l’embryon dans toutes les lois du monde (Luigi Lombardi Vallauri).

13Je crains que l’idée d’acquisition progressive n’aide pas beaucoup pour établir le moment a quo, le moment certain àpartir duquel on peut parler de subjectivité au sens juridique. La certitude juridique conférée par la norme a indiqué le moment initial oùl’entité humaine corporelle devient sujet de droit et personne au sens juridique. C’est la première inspiration vitale, le « souffle ». Ce moment est marqué aujourd’hui dans l’article 1 du Code civil italien : « La capacité juridique s’acquiert à partir du moment de la naissance ».

14On pourra discuter le problème de savoir, maintenant que les sciences de la vie ont révélé de nouvelles connaissances biologiques, si ce moment peut être déplacé. On a proposé, par exemple, et cela a pris la forme d’un projet de loi, de reculer le moment de l’acquisition de la capacité juridique à la conception. En théorie, ce serait possible : il n’y a pas d’obstacles d’ordre conceptuel. Il faudra modifier une grande quantité de normes du Code civil, du Code pénal, de lois spéciales. En pratique, il faudra réécrire une grande partie des normes consacrées à la personne physique : en matière d’avortement, de lésions corporelles, de droit au nom, à la résidence, à l’état des personnes, à la capacité d’hériter par succession légitime et par testament, de recevoir par donation, etc. ; et puis il faudra créer des nouvelles catégories de délits (embryonicide ?). Tout peut se faire. Réécrire le droit des personnes signifie réécrire une grande partie du système du droit civil.

15La finalité visée par les promoteurs de la réforme est claire : élever au rang juridique un concept élargi du mot personne, de manière à le faire coïncider avec son homonyme en usage dans les sciences philosophiques et théologiques.

16A mon avis une extension de la notion d’in-dividualité, qui est la caractéristique principale de l’embryon (son ontologie), parce qu’il n’est biologiquement pas divisible, ne peut pas se transformer en une extension de la notion de subjectivité qui est une notion uniquement juridique. Le sujet et la personne n’ont rien d’ontologique parce qu’ils ne sont reconnus ou attribués que par le droit. Sujet de droit et personne ne sont pas des concepts que l’on peut étendre par voie analogique. C’est comme si l’on voulait étendre par voie analogique la personnalité juridique des personnes morales !

La vie avant la naissance

17Les sciences biologiques d’aujourd’hui n’ont modifié en rien ce que depuis de nombreux siècles l’homme savait déjà, à savoir que la vie humaine, comme pour n’importe quelle autre espèce de mammifère, commence avec la fécondation. C’est seulement dans la première moitié du dix-huitième siècle que l’on commence à parler de formation progressive. Initialement les théories préformationnistes de Malebranche, Lazzaro Spallanzani et Nicolas Audry, puis les recherches du biologiste allemand Kaspar-Friedrich Wolff et enfin la théorie épigénétique de Pierre-Louis de Maupertuis (1752), rendent évidente et scientifiquement fiable la découverte selon laquelle l’ovule fécondé est le début d’un processus qui se conclut par la naissance.

• 2 André Pichot, Histoire de la notion de vie, Paris, Gallimard, 1993, p. 424-442 ; Walter Bernardi, (...)

18Cette découverte, révolutionnaire parce qu’elle a révolutionné aussi la conception chrétienne de la vie et de la naissance, a produit comme effet une donnée qui aujourd’hui paraît acquise, à savoir l’assignation de la qualité d’être humain à l’embryon à peine formé2.

• 3 Cardinal Dionigi Tettamanzi, La comunità cristiana e l’aborto (la communauté chrétienne et l’avor (...)

19Le christianisme a comparé progressivement la vie prénatale à la vie humaine elle-même. Si cette dernière est toujours restée un terrain interdit pour l’intervention de l’homme, ce n’est que très tardivement que l’Eglise catholique a cherché avec prudence

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