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Le Droit Des Obligations

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ré que dans le cas où le promettant n’aura pas maintenu sa volition et où l’obligation ne sera plus assumée, consentie. La réglementation et l’existence même du contrat en tant qu’institution juridique imposent donc que l’obligation du débiteur soit privée du soutien de sa volonté, et Descartes avait lucidement aperçu, dans la troisième partie du Discours, que le contrat est un remède « à l’inconstance des esprits faibles ». Mais pourquoi, et comment, a-t-il la puissance d’imposer à l’homme la vertu de persévérance et de le lier définitivement à sa volonté première ?

Le problème étant énoncé en ces termes (de façon schématique jusqu’à l’excès), on n’entrevoit pas nécessairement qu’il admet, en pratique, les solutions les plus diverses, selon des techniques changeantes, pour des raisons variées ; mais on peut pressentir que son examen ouvre carrière aux spéculations : discussions théoriques et, aussi, professions de foi dogmatiques.

1. L’idéologie

Le Premier consul Bonaparte aurait adressé aux rédacteurs de son Code civil le reproche suivant : « Le vice de nos législations modernes est de n’avoir rien qui parle à l’imagination [...]. Un contrat ne contient que des obligations géométriques ; il ne contient pas de sentiment. » Il est à croire, en effet, que les législations en général, et le Code civil français en particulier, contiennent, à propos du contrat, assez peu de sentiment. On ne saurait en dire autant des exposés doctrinaux qui sont, le plus souvent, tout pénétrés de croyances a priori ; toute conception du contrat, dans ses racines profondes et jusque dans les détails de sa formulation technique, est l’expression de convictions méta-juridiques, d’un système philosophique (plus ou moins conscient et ferme), d’une Weltanschauung. Le temps n’est pas encore entièrement révolu où l’on célébrait la sainteté du contrat ; et, à tout le moins, dans la civilisation contemporaine, on pare le contrat de vertus éminentes.

Le contractualisme

Classiquement, la notion de contrat se meut au sein de la doctrine dite de l’autonomie de la volonté. Les principes – ou les postulats – sur lesquels se fonde cette dernière peuvent être ramenés à deux : nul ne saurait être obligé en dehors de sa volonté (il n’est point d’engagement juridique sans contrat) ; tout engagement volontaire est légitime (il n’est point de contrat qui ne doive recevoir la sanction du droit). Les aspects de cette doctrine sont multiples. Historiquement, ils sont apparus tantôt comme ses causes, tantôt comme ses conséquences ; mais ils n’ont plus figuré que ses éléments une fois qu’au terme d’une série d’actions et de réactions, souvent réciproques, la doctrine s’est trouvée constituée.

Sa signification est, en premier lieu, politique. Elle traduit le rêve d’une société individualiste dont chaque membre serait le centre, et dont la finalité serait l’épanouissement de la personnalité de chacun. Ce n’est point une rencontre fortuite si les théories du Contrat social ont trouvé leur achèvement avec Rousseau et Kant, c’est-à-dire au siècle des Lumières, en un temps qui est aussi celui des conquêtes politiques de la bourgeoisie. Le fondement de l’autorité politique et, du même coup, de la société civile, a été alors découvert dans l’idée de contrat : contrat entre les individus, et contrat entre ceux-ci et le souverain. Car seul le contrat – la soumission volontaire – justifie l’assujettissement à un pouvoir de citoyens égaux et indépendants.

L’essence de la doctrine est, tout autant, d’ordre économique. Elle révèle une confiance foncière dans les mérites du libéralisme qui doit assurer le plus grand bien du plus grand nombre. L’âge libéral a été défini comme une civilisation du contrat : comme un ordre social où les individus sont maîtres de déterminer eux-mêmes, par leur volonté, les règles qui les gouverneront. Produit du libre-arbitre, le contrat est parfait – le contrat est saint – par l’utilité générale que, naturellement, il procure. Aussi bien la Constitution des États-Unis dispose-t-elle, dès son article premier, qu’aucun État ne peut voter de loi portant atteinte aux obligations assumées par contrat. Les principes du droit naturel imposent le respect et la liberté des contrats.

Enfin, la thèse centrale de la doctrine réside dans l’affirmation – métaphysique – que l’homme, être libre, est aussi autonome, qu’il a compétence pour se lier lui-même, mais seulement par un acte souverain de sa volonté. Cette proposition ne doit pas s’interpréter de façon caricaturale, comme exprimant un égocentrisme ombrageux et étriqué. Car la doctrine répand un parfum moral, et constitue un acte de foi en la personne humaine, en sa dignité, son sens de l’effort et de la responsabilité, en la valeur de la parole donnée. Travail et fidélité. L’exaltation du commerce (et de la volonté) que l’on peut déceler au fond de la Réforme, ou en tout cas du puritanisme, rejoint la tradition constante de l’Église qui a conféré une valeur éthique et même religieuse à la foi jurée en proclamant que l’on doit respecter ses engagements (pacta sunt servanda) à peine de mensonge. Cette conjonction conduirait à fixer à la doctrine un champ relativement limité : une certaine époque de la civilisation occidentale. Le moralisme contractuel, toutefois, représente une tentation difficilement refrénée, quel que soit le contexte culturel. Il est assez normal que le système musulman ait été largement dominé par le verset du Coran qui prescrit aux croyants d’être fidèles à leurs engagements. Il était plus inattendu que la société soviétique, alors que les rapports entre organismes économiques étaient impérativement fixés par la loi (le plan), jugeât utile de les faire confirmer par contrat, considérant que l’assomption volontaire d’obligations préexistantes leur attachait un plus haut prix dans l’esprit des citoyens : celui de la parole donnée et du sentiment personnel de l’honneur.

Il demeure que le contrat a eu ses prestiges, singulièrement, dans les démocraties libérales occidentales ; c’est là que le dogme contractualiste a été célébré avec le plus de grandeur. Sur un plan proprement juridique, par un véritable débordement de la notion, on a interprété en termes de contrat les principales institutions de la vie civile : la famille a trouvé dans le mariage, c’est-à-dire dans un contrat, le principe de son existence et de son maintien ; la propriété individuelle a été légitimée par un contrat primitif, et, réciproquement, on a vu dans la liberté qu’elle assure la garantie de la justice contractuelle. Plus généralement, on a contemplé la société à travers le prisme du contrat. Dans une perspective évolutionniste, on a reçu comme axiome la loi de Maine (du nom de l’historien, juriste et sociologue anglais qui l’avait formulée) : from status to contract, du statut au contrat ; ce qui signifie que les sociétés cheminent (progressent) d’un état social où les rapports entre hommes découlent objectivement, légalement, du seul fait de la position relative des membres du groupe au sein de ce dernier, à un état où ces rapports naissent de la volonté libre des hommes. Il est clair que cette « loi » ne condense pas seulement une série d’observations historiques, mais qu’elle véhicule un jugement de valeur : l’exercice de l’activité contractuelle est nécessaire, donc fatal, car il est désirable et salutaire. On retrouve le même a priori, au plan de la structure, chez les sociologues qui font du contrat le type idéal de toutes les relations sociales, c’est-à-dire le modèle, d’un point de vue axiologique, plutôt qu’une catégorie logique d’analyse. Enfin, en tout domaine, on a saisi, ou suscité, des élans de contractualisme. On a eu recours à l’idée d’un « contrat linguistique » qui aurait fixé le langage dans chaque cas particulier, pour traduire la part de contingence que comporte toute langue. Et, de façon plus trouble, la relation masochiste entre la victime et son bourreau a été posée avec une essence contractuelle, comme le résultat d’une alliance et d’un esclavage consentis.

Le néo-contractualisme

On a cessé, généralement, de rêver que la liberté est une garantie suffisante de la justice et que la justice implique nécessairement liberté, liant justice et liberté sous les espèces du contrat. On pense donc moins souvent le contrat, conformément aux postulats individualistes, comme une rencontre de volontés autonomes créant leur droit dans l’isolement de leur souveraineté, abstraction faite de toute exigence de l’ordre juridique ; on y verrait plutôt un phénomène d’insertion des relations privées dans un ensemble, social et juridique, qui les dépasse et, à tout le moins, les oriente. Pour autant, le contrat n’est pas déchu de toute valeur. Bien au contraire. Dépouillé de sa douteuse auréole de spiritualité, détaché d’une conception abstraite de la justice qui pouvait, en fait, couvrir tous les abus de puissance, il a pris une consistance économique et semble être un facteur privilégié de sécurité et d’harmonie sociales. En conséquence, l’invocation d’une liberté purement formelle fait place à la recherche d’un dialogue authentique, d’une participation véritable. Dotée ainsi d’une signification plus humaine dans un contexte plus social, l’idée de contrat connaît un nouvel essor.

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