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Le naturel vaut-il mieux que l'artificiel ?

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Par   •  16 Mars 2022  •  Dissertation  •  5 327 Mots (22 Pages)  •  1 105 Vues

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Le naturel vaut-il mieux que l’artificiel ?

Un album bien connu d’Astérix, Le domaine des Dieux, nous raconte une tentative d’anéantissement par un projet civilisationnel du petit village gaulois qui résiste « encore et toujours à l’envahisseur ». Il s’agit pour les Romains de raser la forêt qui entoure le village pour y construire un ensemble d’insulae, sensées mettre les gaulois, indisciplinés et barbares, au contact du raffinement et de la civilité de la vie romaine. Dans une des premières planches, les auteurs de la bande dessinée s’amusent, non sans malice, à faire dire à César présentant son projet : « La forêt sera détruite pour faire place à un parc naturel ! ».

L’effet comique repose sur le fait que c’est précisément ce parc qui est crée de toute pièce pour remplacer une forêt qui existe naturellement, qui est qualifié ici de « naturel ».  Cette forêt supposée ancienne, vierge et non transformée correspond à ce que le sens commun a l’habitude d’appeler la « nature », c'est-à-dire le monde animal et végétal qui se distingue de l’homme, le reste du vivant non cultivé en quelque sorte. Le projet du Domaine des Dieux se présente quant à lui comme un ensemble architectural organisée, produit de l’habilité technique et du savoir-faire humain, et lieux d’implémentation des règles de la civilité romaine. César, représentant de l’hégémonie culturelle romaine, à le pouvoir ici de transformer le naturel en artificiel – la forêt en parc – et de renommer l’artificiel en naturel.

Si d’un coté le naturel de la forêt gauloise peut s’opposer à l’espace habité et domestiqué de la cité romaine, on voit que la distinction du naturel et de l’artificiel ne se laisse pas réduire à cette dichotomie de l’espace vécu. Cette opposition se transporte dans le champ politique ainsi que dans celui des mœurs. L’ordre politique romain fondée sur des conventions complexes renvoi des gaulois, qualifiés de barbares, à la nature et à la sauvagerie – compris ici comme l’absence de domestication et de civilisation. Pourtant, on pourrait inverser également le propos en observant par ailleurs que le succès des albums d’Astérix repose sur la mise en scène d’une tribu au mœurs simples mais néanmoins attachantes, qui montre des comportements naturels au sens ici d’une certaine authenticité : des valeurs essentielles qui seraient conformes à une certaine vérité, à une pureté des sentiments et à une sincérité naturelle. Ce à quoi s’opposerait justement la facticité de la civilité romaine, la superficialité des mondanités et des raffinements de la civilisation, souvent traités sous le thème de la souillure, de la faiblesse et de la décadence.

On observe donc d’une manière plus générale que l’opposition du naturel et de l’artificiel recouvre alors tout un jeu de dualités qu’il est possible de décliner à loisir : le domestique face au sauvage, le civilisé face au barbare valorisent plutôt l’artificiel. Face à cela, la force de la nature semble supplanter la fragilité de l’artifice et des artefacts dans des oppositions telles que l’authenticité contre la facticité, l’essentiel contre le superficiel, le pure contre le souillé ou le mélangé. On voit que cette dualité ne se laisse pas aisément saisir ni recouvrir d’un sens unique. Elle nous apparaît même opérante dans au moins trois grands domaines.

En effet, la distinction du naturel et de l’artificiel peut d’abord se comprendre comme une distinction entre la nature et la culture ou la société ; en ce sens elle relève du domaine politique et nous permet de réfléchir sur ce qui différencie la société humaine du règne animal ou de l’ordre des vivant. D’autre part, la distinction est valable également dans le domaine scientifique, celui de la connaissance et des savoirs afin de distinguer les productions respectives de la technique et de la nature. La nature est ici une puissance d’engendrement qui fait naître des choses qui n’ont pas le même statut que les artefacts fabriqué ou manufacturé – fait de la main de l’homme – d’un homo faber. Enfin, la distinction prend du sens dans le domaine moral, pour distinguer l’origine des mœurs, des habitudes et des normes de conduite : lesquelles sont d’origine éthique et lesquelles sont liées à la nature.

        Ainsi, la question qui nous est posée ici revient à s’interroger sur la valeur respective du naturel et de l’artificiel pour savoir lequel privilégier. L’expression « vaut-il mieux » nous oriente ici vers l’idée de préférence, c'est-à-dire d’un jugement en vue d’établir notre prédilection pour le naturel ou l’artificiel. Ce jugement doit donc envisager les différents domaines, politique, scientifique ou moral dans lesquels la distinction se pose. Mais sur quels principes fonder ce jugement ? Ce jugement s’appuie sur des valeurs, puisque c’est bien le verbe valoir qui est ici dans la question. Il s’agit donc d’évaluer, c'est-à-dire d’attribuer des valeurs à chacun des termes de ce dualisme – naturel/artificiel  –, en fonction de ses différents domaines opératoires. C’est donc se proposer de réfléchir sur les grandeurs à partir desquelles il est possible de concevoir les rapports du naturel et de l’artificiel. Qu’entend-t-on par valeurs ?

Tout d’abord, le terme de valeur renvoi étymologiquement à la validitas, l’idée de force, de puissance. La puissance de la nature comme force d’expansion et d’engendrement est-elle préférable aux puissances humaines de l’artificialité ? Ce qui est valable est ce qui a plus de force. Mais plus précisément l’attribution de valeur, la valuation – le mot anglais rend bien l’idée du processus – peut se comprendre autour de la distinction entre ce qui est valable et ce qui est valorisable. On est d’un coté sous le sceaux de la validité : le naturel est-il ici plus valable que l’artificiel ? On ne s’intéressera pas ici à la cohérence formelle qui donne sa validité à une démonstration, mais plutôt à ce qui fonde juridiquement et moralement la distinction et chacun de ses termes. Ce qui est valide est ce qui est fondé en droit. Le naturel aussi bien que l’artificiel, peut servir de fondement au droit et à l’éthique. Les valeurs sont ici ce qui donne ou prescrit des normes à nos conduites, et elles sont également en cela politiques, sociales et culturelles. Quelles sont donc le type de normes et de systèmes juridiques qui découlent respectivement du naturel ou de l’artificiel ?  Est-il plus juste de fonder le droit sur un ordre naturel ou bien à partir de conventions artificielles posées par les hommes ? Les comportements qui suivent la nature sont-il préférables à ceux dit contre-nature ?

L’idée de valorisation d’autre part nous mène plutôt vers une approche économique de la valeur. Elle signifie ici la capacité d’un objet à répondre aux besoins d’un individu et elle est en ce sens toujours relative. Relative à l’individu quand elle est dite d’usage : elle reflète alors l’utilité subjectivement ressentie et mesure la désirabilité d’un bien. Ou relative à un autre bien quand la valeur est dite d’échange : elle peut alors s’objectiver pour devenir une grandeur détachée de toute perception subjective. Les biens naturels sont-ils plus désirables et acquièrent-ils plus de valeurs que les biens artificiels ? L’économie politique ne repose-t-elle pas justement sur l’idée que les biens manufacturés, produits de l’activité humaine sont valorisé par la quantité de travail et de technique qu’ils incorporent ? Dans ce cas, comment valoriser des biens qui seraient naturels face à la puissance de la production économique des hommes ?

D’une manière plus générale, en quoi le recours aux ressources de la nature ou de l’artifice donnent t-elle de la valeur aux catégories scientifiques, politique et morales que nous employons ?

        Ainsi, il semble à première vue que l’on attribue plus facilement dans le langage courant des valeurs positives à l’idée de naturel qui serait lui, essentiel, authentique, véritable, plus vrai, pur, originel, tandis que ce qui est artificiel renvoi à l’idée de faux (au sens anglais de fake), de facticité voire même d’illusion, ce qui se joue de nous. La nature peut être valorisée pour ses deux sens. Soit elle représente une essence, un ordre fixe, immuable, une réalité incorruptible et essentielle. Ou bien on l’envisage dans un sens plus proche de son étymologie liée à l’idée de naissance, d’engendrement, et donc de génération, de production. Elle est une puissance d’expansion, de transformation et de production de la vie et des éléments qui génère le monde. En ce sens le technicien voir l’artiste ne peut que l’imiter et s’y soumettre. C’est idée s’applique également au domaine politique et moral où la nature semble fournir également des modèles plus stable, juste et durable d’organisation politique et de comportement. Face à cela, les artifices du magicien ou de l’illusionniste reposent sur un « truc » qui fait que l’on sait qu’il nous trompe : on sait, comme le mot artifice le laisse entendre, que cela est fait suivant une technique particulière. Le feu d’artifice n’est que feu de paille, une étincelle éphémère vouée à un extinction rapide et définitive.

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