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L’être et le néant, Jean-Paul Sartre

Commentaire de texte : L’être et le néant, Jean-Paul Sartre. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  26 Mars 2022  •  Commentaire de texte  •  3 116 Mots (13 Pages)  •  474 Vues

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PHILOSOPHIE CORRECTION

Correction commentaire de texte - L’être et le néant, Jean-Paul Sartre, 1943.

Le passage étudié est un extrait issu de L’être et le néant de Jean-Paul Sartre, publié en 1943. De manière générale cet ouvrage est un essai d’ontologie existentialiste dans lequel Sartre défend l’idée selon laquelle l’existence humaine précède l’essence humaine. Autrement dit l’Homme n’est jamais prédéterminé mais il se définit toujours par ses actes et se caractérise donc comme un être responsable, doué de libre-arbitre : « nous sommes condamnés à être libre». Plus particulièrement, dans cet extrait Sartre s’intéresse à la façon dont notre être, notre identité se construit. Il cherche plus précisément à savoir si nous sommes capables de recul sur nous-mêmes au moment où nous agissons. Il se pose cette question car il constate que lorsque nous agissons notre conscience est occupée à ce que nous faisons, et ne peut donc pas dans un même temps juger objectivement ce que nous faisons. La conscience ne semble pas capable d’agir et de juger au même moment ce qu’elle fait.

En effet, l’individu est-il capable d’avoir un recul sur lui-même dans la mesure où sa conscience, sa réflexivité, lui permettent de saisir ce qu’il fait au moment où il le fait, ou au contraire ne peut-on pas supposer qu’un véritable regard objectif sur soi-même ne soit pas immédiat et qu’il dépende donc d’une médiation telle qu’autrui ?

L’extrait peut être découpé en trois parties. De la ligne 1 à 7, Sartre utilise un raisonnement déductif et répond d’emblée au problème en constatant que lorsque nous agissons nous n’avons pas de recul sur ce que nous faisons. Même si nous savons ce que nous faisons, nous ne sommes pas capable d’agir et de juger notre action en même temps : « je ne le juge ni ne le blâme », « ce geste colle à moi ». Autrement dit lorsque nous agissons nous n’avons pas d’objectivité sur nous-mêmes. Ensuite de la ligne 7 à 10 Sartre apporte une solution. Il explique que dans la mesure où nous n’avons pas d’objectivité immédiate sur nous-mêmes, il convient de passer par le biais d’une médiation ; cette médiation c’est le regard d’autrui : « autrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même », autrui est celui qui nous amène à prendre du recul en nous renvoyant notre propre image. Autrui est l’intermédiaire essentiel à entre moi et moi-même pour ma propre compréhension. Enfin, de la ligne 11 à 16, Sartre cherche à justifier l’idée que le regard d’autrui est juste et légitime. En effet le regard d’autrui est objectif puisque « c’est en tant qu’objet que j’apparais à autrui ». De plus, si le regard d’autrui ne reflétait pas la réalité, nous nous mettrions en colère « comme face à un mauvais portait … qui nous prête une laideur ou une bassesse d’expression que nous n’avons pas ». Ce qui prouve, selon Sartre, que le regard de l’autre nous montre la vérité, c’est la honte : « la honte est par nature reconnaissance », reconnaissance de la légitimité du regard de l’autre, de sa véracité.

        Dans un premier temps Sartre part d’un constat pour mettre en évidence le fait que nous n’avons pas immédiatement de recul sur nous-mêmes. Il utilise le pronom personnel « je » pour que le lecteur puisse s’identifier. En effet Sartre n’a pas lui-même fait un geste maladroit ou vulgaire, mais se met dans la situation où il pourrait, comme toute personne, en faire un. Sartre constate par une forme de déduction que lorsque l’on fait un geste déplacé on ne peut tout simplement pas le juger. Il montre donc dans un premier temps une faille de la conscience qui nous empêche d’avoir un recul immédiat sur nos actes : « Je viens de faire un geste maladroit ou vulgaire, ce geste colle à moi je ne le juge ni ne le blâme » (l.1-2). Ce que Sartre appelle un « geste vulgaire » peut être compris comme un acte moralement condamnable, « un geste maladroit » serait un geste que nous ne contrôlons pas, qui nous échappe. Sartre est explicite, lorsque nous agissons, nos gestes « collent » à nous, c’est-à-dire que nous ne sommes pas capables de recul ou de jugement sur nos actes : « je ne le juge ni ne le blâme ». De ce constat émane l’idée que nous sommes incapables de juger nos actes objectivement ou de porter un jugement moral dessus, car nous réalisons tout nos actes « sur le mode du pour-soi » (l.2). Le « pour-soi » est un concept qui s’oppose à l’en soi : l’en soi est le mode d’être des choses, le pour-soi le mode d’être des hommes. L’Homme se caractérise comme un être pour-soi dans le sens où il n’est jamais déterminé et qu’il est toujours libre et jeté dans le monde. Réaliser une action sur le mode du pour-soi c’est agir sans recul sur-nousmêmes, c’est nous réaliser nous-mêmes dans l’action.

Ce qui va nous permettre de prendre conscience de notre acte et finalement de nousmêmes en sortant du pour-soi, c’est le regard d’autrui, le regard d’une autre conscience. En effet autrui est un sujet conscient, désirant, potentiellement libre mais qui n’est pas moi. Sartre explique que lorsque l’on perçoit le regard de l’autre sur nous, nous réalisons la portée de notre acte : « Mais voici tout à coup que je lève la tête : quelqu'un était là et m’a vu. Je réalise tout à coup toute la vulgarité de mon geste et j’ai honte »(l.3-4). Le regard de l’autre permet d’établir une distance entre mon acte et moi-même. En tant qu’il nous pousse à considérer véritablement notre acte, à le saisir et à le comprendre dans toute sa portée, le regard de l’autre apparaît comme le moyen fondamental pour nous saisir nous-même. Pour le dire autrement autrui semble être, par la honte qu’il provoque en nous, la condition d’une prise de conscience de nos actes par nous-mêmes. La « honte » est une émotion complexe qui se distingue des autres émotions par sa dimension sociale, la honte ne s’éprouve jamais seul face à soi-même. La honte peut être négative, synonyme d’humiliation, mais aussi positive parfois si elle est synonyme de « remord » ou de « culpabilité ». La honte dont parle Sartre semble positive dans le sens où elle possède une réelle utilité : avoir davantage de recul sur nos actes. Ainsi la honte dont parle Sartre est cette forme de malaise créé par le regard de l’autre et qui nous amène à prendre de la distance par rapport à notre acte et faisant naitre en nous une forme de remord ou de culpabilité. Cette culpabilité est le signe d’une véritable distanciation vis à vis de notre action, laquelle distanciation est nécessaire pour comprendre la portée de nos actes.

Pour Sartre, la honte est toujours un phénomène social, intersubjectif, elle ne résulte jamais de ma réflexion ou de mon interprétation des choses : « il est certain que ma honte n’est pas réflexive ». La honte ne peut pas être réflexive, c’est-à-dire émaner de ma seule conscience, car même dans l’hypothèse où l’on s’imaginerait être en présence d’autrui au moment où nous agissons, nous ne pourrions aucunement éprouver de la honte, au mieux de la culpabilité. Sartre l’explique très précisément : « la présence d’autrui à ma conscience, fut-ce à la manière d’un catalyseur, est incompatible avec l’attitude réflexive »(l. 5-6). Le terme « catalyseur » est primordial ici : Sartre utilise un exemple emprunté à la chimie et qui sert à désigner une substance qui augmente ou diminue une réaction. Ainsi, autrui ne peut pas avoir ce rôle de catalyseur s’il n’est pas présent car l’attitude réflexive ne permet de rencontrer autrui ni d’éprouver la honte. Sartre va encore plus loin pour appuyer son idée : « dans ma réflexion je ne puis jamais rencontrer que la conscience qui est la mienne »(l.7), or seule une autre conscience peut nous offrir ce recul nécessaire.

Sartre est parvenu à répondre à la question qui l’occupe puisqu’il a montré que l’on ne peut avoir de recul sur nos actes de manière immédiate. Selon lui nos actes « collent » à nous, c’est-à-dire que notre conscience n’a pas le recul nécessaire vis à vis de nos actes au moment où nous agissons pour être en mesure des les juger. Désormais il va s’attacher à proposer une solution à ce manquement de la conscience. Il va expliquer qu’autrui est une médiation essentielle pour prendre entièrement conscience de nos actes et donc de nous-même.

Sartre, après avoir démontré l’insuffisance de notre conscience pour porter un regard objectif sur nos actes, propose une solution. Il déploie pour ainsi dire une conséquence de ce premier argument en utilisant la conjonction de coordination « or ». En effet l’auteur affirme sans détour : « autrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même » (l. 7-8). Cela signifie que qu’autrui est un intermédiaire, un moyen, essentiel pour se saisir tel que l’on est réellement. C’est un moyen nécessaire et incontournable pour que la conscience que nous avons de nous-même soit fidèle à ce que nous sommes réellement. Cela suppose donc que notre conscience ne se construit jamais et ne se saisit jamais parfaitement si elle reste face à elle-même ; l’introspection n’est pas suffisante pour se connaître selon Sartre. Celui-ci défend l’idée selon laquelle c’est davantage en tournant notre regard vers l’extérieur plutôt que vers l’intérieur que nous pouvons apprendre à nous connaître. Cette idée rentre quelque peu en conflit avec la théorie cartésienne du cogito, théorie selon laquelle la conscience peut se saisir elle-même parfaitement grâce au solipsisme, grâce à elle-même. Il ne faut cependant pas voir en Sartre un défenseur du déterminisme, loin de là. L’existentialisme de Sartre défend une liberté absolue du sujet qui se réalise par le libre-arbitre. Même si l’individu est dans l’incapacité de juger ses actes de manière immédiate, cela n’empêche pas qu’il agisse librement et qu’il sache ce qu’il fait ; il ne peut simplement pas prendre le recul nécessaire pour juger la portée morale de ses actes, pour en saisir toute la « vulgarité ».

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