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Therese Raquin

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ge dans un endroit réel de Paris, situé alors en plein coeur de l’Ile de la Cité, près de Notre Dame de Paris. L’utilisation de présents d’énonciation, lorsqu’il s’agit de décrire les activités régulières se passant à la morgue interpelle directement le lecteur contemporain de Zola puisqu’il s’agit d’une réalité censée se passer au moment de la lecture du roman: “La morgue est un spectacle à la portée de toutes les bourses, que se payent gratuitement les passants pauvres ou riches. La porte est ouverte, entre qui veut. Il y a des amateurs qui font un détour pour ne pas manquer une de ces représentations de la mort. Lorsque les dalles sont nues, les gens sortent désappointés, volés, murmurant entre leurs dents. Lorsque les dalles sont bien garnies, lorsqu’il y a un bel étalage de chair humaine, les visiteurs se pressent, se donnent des émotions à bon marché, s’épouvantent, plaisantent, applaudissent ou sifflent, comme au théâtre, et se retirent satisfaits ». Par ailleurs, la description semble être méthodiquement organisée. Il est tout d’abord question de l’entrée de Laurent dans la morgue et sa vision des choses s’élargit et se précise progressivement : on passe des murs de l’établissement aux vitres permettant de découvrir les dalles sur lesquelles reposent les cadavres. Puis est décrit l’arrière plan de cette scène. Zola donne alors des exemples de scènes contemplées par Laurent (les noyés, un noyé en particulier, une jeune fille qui s’est suicidée par pendaison). La narration élargit alors le point de vue en évoquant longuement les visiteurs de la morgue et leurs réactions à ce spectacle. Pour renforcer le sentiment qu’on a affaire à une reconstitution précise et objective, Zola multiplie les mentions de lieux : « sur les dalles », « l’humidité des murs », « au fond, contre le mur », « l’ensemble blafard des pierres et des murailles », « à gauche du mur », « sur la dernière rangée de dalles », « à quelques pas du vitrage »….Ce souci de précision est confirmé également par l’emploi de nombreux adjectifs et d’adverbes (adjectifs : « fade », « froids », « pâle », « nus », « vertes et jaunes, blanches et rouges », « sanglantes et pourries », « gonflés et bleuis », « amollies », « bouillies et désossées », etc. adverbes : « avidement », « atrocement », « brusquement », « ardemment », « lugubrement », « brutalement », « longtemps », etc.). Tous ces procédés donnent l’impression qu’on a affaire à une scène réelle que le romancier restitue fidèlement et avec un maximum de précision. 2°) Montrer ce qu’une littérature idéalisant la réalité refuse: le corps grotesque Par ailleurs, l’ambition du romancier réaliste est de montrer la réalité telle qu’est, sans chercher à l’embellir ou à l’adoucir. Ainsi Zola privilégie l’évocation des corps morts et dégradés, dans des

positions souvent grotesques, dans des « attitudes lugubrement bizarres et grotesques ». a)Le lexique de la maladie et de la mort est très présent: “odeur de chair », « cadavres », « des corps nus faisaient des taches », « pourries », « cadavres gonflés et bleuis par l’eau », « la peau amollie », « la face était comme bouillie et désossée », « un trou à gauche du nez », « tachées de sang », « trouées par endroits ». b) Des corps morts présentés comme des objets : les corps sont vus en masse, ce qui crée l’idée que ce sont des objets. Il ne s’agit plus de personnes, mais d’une masse chaotique, comme de marchandises: “des tas de viandes sanglantes et pourries », « par lambeaux », « désossée », « Ces nudités brutalement étendues », « un bel étalage de chair humaine », « comme devant l’étalage d’un magasin de nouveautés ». Les parties des morts sont aussi très souvent désignées par des pluriels et ne sont pas identifiés comme appartenant à un individu particulier : « leurs chairs vierges », « plusieurs cadavres gonflés et bleuis », «les os », « les corps », « des ventres énormes », « des cuisses bouffies », « des bras ronds et forts ». Plusieurs morceaux semblent se mélanger et la mort est ainsi complètement déshumanisée. 3°) L’expressivité de cette description Pour rendre cette description particulièrement expressive et saisissante, Zola utilise trois procédés essentiels: l’hyperbole, l’animation et le point de vue interne de la narration. a) En effet, ce qui caractérise avant tout le style, c’est sa tournure hyperbolique: “plus pesants », « des loques lamentables », « la face était comme bouillie et désossée », « des ventres énormes, des cuisses bouffies », « d’une véritable épouvante », « atrocement défiguré », « tellement molles et dissoutes », «la mort violente »…. b) Par ailleurs, les morts semblent animés et sont présentés comme ayant des intentions, des mouvements: “des jupes et des pantalons qui grimaçaient », « des grimaces horribles », « le nez s’aplatit », « les lèvres se détachèrent, montrant des dents blanches. », « La tête du noyé éclata de rire. ». Par ailleurs, les cadavres sont vus à travers le regard et les pensées du personnage Laurent. La narration associe le vocabulaire du regard ( “il regardait », « Devant lui », « Laurent ne voyait d’abord que », « il distinguait les corps », « il examinait les corps », « Il regardait depuis quelques minutes », « à regarder la mort violente en face », « Ce spectacle », « Il vit, une fois, une jeune femme de vingt ans », « Laurent la regarda longtemps, promenant ses regards »») avec des expressions traduisant l’émotion (ex: “les frissons qui le secouaient parfois », « il fut pris d’une véritable épouvante », « Laurent ressentait une brûlure au cœur », « l’emplissaient de cauchemars, de frissons qui le faisaient haleter », « Il secouait ses peurs », « le dégoût et l’effroi s’emparaient de son être », « ses répugnances », « un plaisir étrange », « Ce spectacle l’amusait », « l’attiraient et le retenaient » …). Le fait que les scènes soient perçues par un des personnages du roman, par une subjectivité, ainsi que par le public des visiteurs crée auprès du lecteur une proximité et un réalisme supplémentaires. II Au-delà du réalisme: les partis pris d’un écrivain Cepedant ce réalisme et cette objectivité laissent paraître certains partis pris de l’auteur et une vision du monde très subjective. 1°) Une certaine complaisance morbide Zola fait des choix et privilégie, d’une façon qu’on pourrait juger excessive, le caractère sordide voire scabreux de ses descriptions. Son but est de choquer, de scandaliser ses lecteurs en leur présentant des réalités rarement abordées dans la littérature avant lui. Par exemple, il s’attarde sur l’évocation des chairs du noyé en train de se détacher progressivement sous l’effet de l’eau : “Les chairs de ce noyé étaient tellement molles et dissoutes, que l’eau courante qui les lavait les emportait brin à brin. Le jet qui tombait sur la face creusait un trou à gauche du nez. Et, brusquement, le nez s’aplatit, les lèvres se détachèrent, montrant des dents blanches. ». Ensuite, il insiste un peu lourdement sur le cadavre de la jeune suicidée en associant le thème de la mort à des termes ayant des connations érotiques: “Ce spectacle l’amusait, surtout lorsqu’il y avait des femmes étalant leur gorge nue. », « Ces nudités », « son corps frais et gras »,

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« tendait la poitrine d’une façon provocante », « on aurait dit une courtisane vautrée », « Laurent la regarda longtemps, promenant ses regards sur sa chair, absorbé dans une sorte de désir peureux ». Ce passage a un caractère un peu malsain et on pourrait y déceler une certaine misogynie de la part de l’écrivain. Son écriture est extrêmement fantasmatique. Zola présente la morgue comme étant un lieu où les voyeurs viennent rassasier leur regard: « C’est à la morgue que les jeunes voyous ont leur première maîtresse » et même des adolescents y trouvent un plaisir malsain : «des enfants de douze à quinze ans […] promenaient des regards effrontés sur les poitrines nues. Ils se poussaient du coude, ils faisaient des remarques brutales, ils apprenaient le vice à l’école de la mort. » Mais ne s’agit-il pas non plus d’un certain voyeurisme de la part de Zola ? Et Zola parle ici peut-être de sa propre angoisse de la mort. 2°) Un défi pour l’écrivain: l’esthétisation du laid En même temps, cette évocation de la laideur extrême de la mort, avec tout ce qu’elle comporte d’horrible, représente un véritable défi pour un écrivain, puisqu’il s’agit pour lui de faire du beau, c’est-à-dire de la belle littérature à partir du laid. Les frères Goncourt, qui étaient des écrivains naturalistes amis de Zola, avaient déjà dans leur roman Germinie Lacerteux décrit l’hôpital Lariboisière et la fosse commune du cimetière Montmartre et avaient réussi ce tour de force. Pour esthétiser la mort, Zola utilise un très beau style, comme s’il s’agissait pour lui de réaliser un beau tableau: les nombreux adjectifs de couleur (relevez quelques exemples) montrent que Zola considère que son travail est comparable à celui d’un peintre. On sait que Zola avait pour amis de nombreux peintres, notamment Paul Cezanne qui était son ami d’enfance et il utilise le lexique de la peinture (“des taches vertes et jaunes, blanches et rouges ») ou de la sculpture (« la mort en avait fait un marbre »). Cela confirme aussi qu’il s’agit du regard de Laurent car celui-ci est peintre. Le fait que

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