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Théâtre

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vers libres, harmonieusement rythmés. La troisième réplique de Lechy Elbernon (« Ils regardent le rideau de la scène. /Et ce qu'il y a derrière quand il est levé. / Et il arrive quelque chose sur la scène comme si c'était vrai »), au rythme ternaire croissant, qui met en évidence les derniers mots du dernier vers est à la fois très belle, et très artificielle. Ce commentaire de l'actrice sur son métier est loin des interviews réelles d'artistes. Tout comme le langage, les décors et les costumes n'expriment que rarement le réel. Seul un accord tacite entre le metteur en scène et les spectateurs peut faire accepter à ces derniers que la toile peinte suspendue au fond de la scène est le tombeau de Charlemagne. Quant aux comédiens, ils répètent sous les ordres du metteur en scène, qui leur impose une vision de leur personnage. Ils perdent au fil des répétitions, puis des représentations, leur spontanéité et leur naturel. À la fin de l'extrait des Acteurs de bonne foi, Merlin demande à Lisette de « recul [er] un peu pour [lui] laisser prendre [sa] contenance » : il s'agit de prendre un masque théâtral, différent du visage du réel.

[Conclusion partielle et transition]

Ainsi, le théâtre ne cherche pas à exprimer le réel, ni par ses intrigues, ni par ses moyens - le texte et la représentation. Il semble au contraire placé sous le signe de l'artifice. Mais cet artifice n'est-il pas précisément la condition d'expression d'un réel caché ?

[Il - Mais, le théâtre exprime un réel caché]

[A. Le principe de continuité : condition de l'identification]

Même si le théâtre n'a pas pour vocation de reproduire le réel, il ne laisse pourtant pas le spectateur insensible. Les acteurs sont des êtres de chair et de sang, comme les spectateurs. De plus, les salles de théâtre sont loin d'être aussi obscures que les salles de cinéma et l'on ne perd jamais tout à fait de vue les autres spectateurs, phénomène parfois renforcé par un dispositif scénique qui place les acteurs entre deux rangées de spectateurs assis face à lace. Artaud insiste sur cette continuité : « entre la vie et le théâtre, on ne trouvera plus de coupure nette, plus de solutions de continuité ». Même si les acteurs ont répété, ont travaillé leur texte et leur gestuelle, leur humanité transparaît toujours : une transpiration, une rougeur, un lapsus, un fou rire réprimé. Le public se reconnaît alors en eux et parfois même un dialogue tacite s'échange : Puck s'adresse explicitement aux spectateurs à la fin de la pièce, Lechy Elbernon quant à elle « les regarde », comme ils la regardent.

[B. Entre identification et distance : le théâtre comme expression d'un réel non réalisé]

Cette continuité de la salle à la scène ne contredit pas l'artifice théâtral, elle le complète. Parce que les spectateurs voient devant eux des hommes, ils peuvent plus facilement s'identifier aux personnages, au-delà de leurs oripeaux, se reconnaître en eux, partager leurs émotions. L. Elbernon, décrivant le spectateur, dit : « il se regarde lui-même ». Il compatit avec la douleur d'Agamemnon qui apprend, au début d'Iphigénie, qu'il doit sacrifier sa fille ou renoncer à son pouvoir et à son honneur, il compatit d'autant plus qu'il perçoit l'angoisse du comédien qui vient de se lancer sur scène, l'attention grandissante de ses voisins, cette communion dans l'angoisse. Mais s'il peut se laisser aller à cette émotion, vivre intensément ce dilemme entre le devoir et la passion, c'est précisément parce qu'il est toujours conscient que tout n'est qu'illusion, artifice. Il n'est pas en train de sacrifier sa fille, il regarde le spectacle, « les mains posées sur les genoux » (L'Echange). Cette distance est tout aussi fondamentale que la communion. Sans continuité, pas d'émotion : le spectateur ne comprend pas ce que le théâtre cherche à exprimer ; sans distance, pas d'émotion : le spectateur a peur de vivre une situation qui peut le mettre en danger. C'est ce que l'on observe lors de la scène de théâtre dans le théâtre dans Les Acteurs de bonne foi, où les spectateurs s'identifient parfaitement aux comédiens et aux personnages et réagissent violemment.

[C. Exprimer la vérité du cœur]

C'est dans cet intervalle entre continuité et distance que se situaient les auteurs du XVIIe siècle, qui insistaient sur la dimension morale du théâtre. La comédie corrige les vices des hommes, disait Molière. En effet, le spectacle théâtral permet au spectateur de se reconnaître avec ses défauts et ses ridicules - c'est l'identification - et d'accepter une critique qu'il n'accepterait en aucun cas dans d'autres circonstances - c'est la distance - parce qu'au théâtre, tout est faux et qu'il n'est donc pas véritablement visé. Ainsi, le théâtre exprime un réel enfoui en nous, nos joies, nos peines, nos travers

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