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/Users/Avachetrit/Desktop/A. Marais Modulation Dans Le Temps Des Revirements De Jurispr Udence.Docx

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n, « englobe le droit d'origine tant législative que jurisprudentielle » (CEDH, 26 avr. 1979, n° 6538/74, Sunday Times). À titre exceptionnel, la Cour strasbourgeoise semblait même accepter l'idée de refouler la rétroactivité des revirements de jurisprudence au nom de la sécurité juridique (CEDH, 13 juin 1979, n° 6833/74, Marckx c/ Belgique). Forte de ces belles intentions, mais oublieuse de l'article 5 du Code civil qui prohibe les arrêts de règlement, la Cour de cassation s'engagea en faveur du revirement pour l'avenir (Cass. 2e civ., 8 juill. 2004, n° 01-10.426 : JurisData n° 2004-024681, solution recommandée par le groupe de travail présidé par N. Molfessis in Les revirements de jurisprudence : Litec, 2005). La rétroactivité de la règle jurisprudentielle pouvait donc être freinée lorsqu'elle aboutissait « à priver la victime d'un procès équitable, au sens de l'article 6, § 1, de la Convention EDH, en lui interdisant l'accès au juge » (Cass. ass. plén., 21 déc. 2006, n° 00-20.493 : JurisData n° 2006-036604 ; Bull. civ. ass. plén., 2006, n° 15). Le critère de la privation de « l'accès au juge » qui permet de limiter dans le temps un revirement jurisprudentiel est toutefois d'un maniement délicat. Il a été si rarement mis en oeuvre par le juge judiciaire que l'on peut se demander si les revirements pour l'avenir ne seraient pas déjà enterrés à peine leur naissance officialisée (Cass. 1re civ., 11 juin 2009, n° 07-14.932 : JurisData n° 2009-048473). L'arrêt Legrand contre France rendu le 26 mai 2011 confirme cette impression en lui donnant des airs de Requiem (CEDH, n° 23228/08 : JCP G 2011, act. 730, obs. C. Picheral). Comme pour s'en excuser, la Cour rappelle que ce n'est que dans un obiter dictum qu'elle avait accepté l'idée des revirements pour l'avenir. En l'espèce, l'application d'une nouvelle règle prétorienne à une instance en cours conduit à priver la victime d'une infection nosocomiale de l'indemnité allouée en appel. Selon la Cour EDH, ni la sécurité juridique, ni le droit au respect des biens n'ont été heurtés par la rétroactivité du revirement de jurisprudence. L'affirmation péremptoire ne parvient pas à convaincre tant sont nombreux les bémols qui l'accompagnent et qui résonnent comme autant de fausses notes à ce Requiem européen pour la modulation dans le temps des revirements de jurisprudence.La sécurité juridique constitue selon la Cour « l'un des éléments fondamentaux de la prééminence du droit » garanti par l'article 6 de la Convention. Le premier bémol résulte de la situation critiquable dans laquelle la victime est laissée, sous couvert de sécurité juridique : alors que nul ne conteste la réalité de son préjudice, la voilà privée de toute indemnité par l'effet d'un revirement de jurisprudence modifiant des règles du jeu procédural en cours de procès. Plus précisément, une femme contracta une infection nosocomiale au cours d'une opération chirurgicale pratiquée en 1989. Le 20 décembre 2000, le tribunal correctionnel relaxa le médecin du chef de blessures involontaires et rejeta les demandes en réparation des préjudices sur le terrain délictuel. Après leur désistement d'appel devant la juridiction répressive en novembre 2001, la patiente et son mari assignèrent le médecin devant les tribunaux civils. Le médecin souleva une exception tirée de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil que la cour d'appel, le 28 juin 2006, rejeta au motif que l'action avait été engagée devant le juge civil sur un fondement contractuel et non délictuel. Elle condamna le médecin à réparer les différents préjudices, conformément à la jurisprudence ayant mis à la charge des praticiens une obligation de sécurité-résultat en matière d'infection nosocomiale (Cass. 1re civ., 29 juin 1999, n° 96-13.332 : JurisData n° 1999-001449). Mais quelques jours après la décision de la cour d'appel, l'Assemblée plénière, dans l'arrêt Cesareo du 7 juillet 2006, posait qu'il « incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci » (Cass. ass. plén., 7 juill. 2006, n° 04-10.672 : JurisData n° 2006-034519 ; JCP G 2007, II, 10070, note G. Wiedercker). Faisant application de ce principe à l'espèce, la Cour de cassation, le 25 octobre 2007 (n°06-19.524 ; JurisData n° 2007-041119) cassa l'arrêt au motif que les requérants auraient dû invoquer la responsabilité contractuelle dès leur première demande au pénal. Sans doute pourrait-on avancer que les requérants avaient bénéficié de la rétroactivité d'un revirement de jurisprudence ayant fait peser sur le médecin une obligation de résultat, à partir de 1999 (sur la rétroactivité du revirement réalisé par les arrêts de 1999 : Cass. 1re civ., 11 juin 2009, préc.) et qu'ils sont, dès lors, mal placés pour se plaindre de l'application rétroactive d'un autre revirement survenu postérieurement. Certes, mais ce dernier revirement relatif « au principe de concentration » - dont beaucoup doutent du bien-fondé - vise essentiellement à assurer « une évacuation rapide des rôles » (R. Perrot, obs. in RTD civ. 2010, p. 155). Comment ne pas s'étonner de le voir s'appliquer de façon rétroactive en modifiant en fin de partie les règles du jeu processuel (V. Ph. Théry, obs. in RTD civ. 2010, p. 147) ? En outre, les requérants ne pourront pas bénéficier de la loi du 4 mars 2002 qui organise dorénavant l'indemnisation de telles infections (C. santé publ., art. L. 1142-1-et s.). Cette loi n'est pas rétroactive (certaines de ses dispositions s'appliquent pour les infections consécutives à des actes réalisés à partir du 5 septembre 2001, ce qui en toute hypothèse ne concerne pas l'espèce). Plaçant les requérants dans un « trou noir » juridique, la Cour EDH fait une application contestable du principe de sécurité juridique qui, selon l'antienne maintenant bien connue, ne consacre pas de « droit acquis à une jurisprudence constante ».Le deuxième bémol se fait entendre dans l'appréciation de la prévisibilité du droit qu'est censée garantir la sécurité juridique (Th. Piazzon, La sécurité juridique : Defrénois, 2009, spéc. p. 334 et s.): intervenant après l'arrêt de la cour d'appel, mais avant que la Cour de cassation ne statue, le revirement était, selon la Cour EDH, « connu de toutes les parties » lorsque le médecin « a exercé son recours ». Il « n'existait aucune incertitude sur l'état du droit lorsque la Cour de cassation a statué ». « Le droit d'accès à un tribunal » n'aurait pas été violé dès lors que la Cour de cassation n'a pas « remis en cause (la) saisine initiale du juge pénal (par les requérants), retenant uniquement qu'ils auraient dû soumettre à celui-ci l'ensemble des moyens tendant à l'indemnisation de leur préjudice ». Par suite, il importe peu qu'au moment où les requérants se sont désistés au pénal, le droit alors en vigueur leur permettait de saisir efficacement le juge civil sur le fondement contractuel. Ils auraient dû anticiper l'évolution jurisprudentielle postérieure, initiée au mieux en 2004 (Cass. 1re civ., 4 mars 2004, n° 02-12.141 : JurisData n° 2004-022590), qui allait rendre inefficace un choix procédural effectué en 2001. Quelle curieuse prévisibilité que celle qui s'apprécie en considération du droit qui n'existait pas encore à l'époque où les parties se sont déterminées à agir ! En cela, l'arrêt Legrand se distingue de l'arrêt Unédic qui avait pris soin de relever que le revirement de jurisprudence était antérieur à la naissance du litige avant d'en accepter l'application rétroactive (CEDH, 18 déc. 2008, n° 20153/04, Unédic c/ France, § 71 : JCP G 2009, doctr. 143, n° 10, obs. F. Sudre).Le troisième bémol est relatif au pouvoir « souverain » conféré à la Cour de cassation par la Cour EDH pour décider de l'application rétroactive d'une règle nouvelle jurisprudentielle. La Cour européenne n'entend pas « se prononcer sur l'opportunité de ce choix, lequel relève de l'application du droit interne ». Elle laisse toute latitude au juge interne pour déterminer si les impératifs « de bonne administration de la justice, de sécurité juridique et de loyauté procédurale » commandent l'application rétroactive d'un revirement à une instance en cours. Et pourtant, elle n'hésite pas à contrôler les motifs d'intérêt général lorsqu'ils sont avancés par le législateur pour justifier la rétroactivité de la loi. La sécurité juridique ne serait-elle une arme efficace que dans la lutte contre la rétroactivité de la loi ?Le droit au respect des biens, protégé par l'article 1 du Protocole n° 1, ne serait

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