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Verité

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les maisons de la vieille Russie, avec un grand piano à queue, des glaces partout, des parquets luisants, et tout le long des murs des chaises couvertes de housses blanches... La longue table de la salle à manger où à chacun des bouts sont assis, se faisant face, se parlant de loin, se souriant, le père et la mère, entre leurs quatre enfants, deux garçons et deux filles...

1. objurgations : paroles pressantes par lesquelles on essaie de dissuader une personne.

Texte B - Marguerite Duras (1914-1996), L'Amant de la Chine du Nord (1991).

[Marguerite Duras relate son enfance et son adolescence en Indochine, une colonie française où sa mère est venue comme institutrice. Dans cet extrait, elles sont sur le bateau qui les ramène en France.]

L'enfant va voir vers le bar, elle n'entre pas bien sûr, elle va sur l'autre pont. Là il n'y a personne. Les voyageurs sont à bâbord pour guetter l'arrivée du vent de la haute mer. De ce côté-là du navire il y a seulement un très jeune homme. Il est seul. Il est accoudé au bastingage. Elle passe derrière lui. Il ne se retourne pas sur elle. Il ne l'a sans doute pas vue. C'est curieux qu'à ce point il ne l'ait pas vue.

Elle non plus n'a pas pu voir son visage, mais elle se souvient de ce manque à voir de son visage comme d'un manque à voir du voyage.

Oui, c'est bien ça, il portait une sorte de blazer. Bleu. A rayures blanches. Un pantalon du même bleu il portait aussi, mais uni.

L'enfant était allée au bastingage. Parce qu'ils étaient si seuls tous les deux de ce côté-là du bateau sur ce pont désert, elle aurait tellement voulu qu'ils se parlent. Mais non. Elle avait attendu quelques minutes. Il ne s'était pas retourné. H désirait rester seul, plus que tout au monde il désirait ça, être seul. L'enfant était repartie.

L'enfant n'avait jamais oublié cet inconnu, sans doute parce qu'elle lui aurait raconté l'histoire de son amour avec un Chinois de Choten.

Au bout du pont, lorsqu'elle s'était retournée, il n'était plus là.

Elle descend dans les coursives1. Elle cherche encore la double cabine où elles ont leurs couchettes, la mère et elle.

Et puis elle s'arrête de chercher tout à coup. Elle sait que ça ne sert à rien, la mère restera introuvable.

Elle remonte sur le pont-promenade.

Sur l'autre pont l'enfant ne trouve plus sa mère non plus.

Et puis elle la voit, elle est plus loin cette fois-ci, elle dort encore, dans une autre chaise longue, légèrement tournée vers l'avant. L'enfant ne la réveille pas. Elle retourne encore dans les coursives. Elle attend encore. Puis elle repart encore. Elle cherche son petit frère Paulo. Et puis elle cesse de le chercher. Et puis elle repart vers les coursives. Et elle se couche là, devant la double cabine dont la mère a oublié de lui donner la deuxième clé et elle se souvient. Et elle pleure.

S'endort.

Un haut-parleur avait annoncé que la terre avait disparu. Qu'on a atteint la pleine mer. L'enfant hésite et puis elle remonte sur le pont. Une houle très légère est arrivée avec le vent de la mer.

Sur le bateau la nuit est arrivée. Tout est éclairé, les ponts, les salons, les coursives. Mais pas la mer, la mer est dans la nuit. Le ciel est bleu dans la nuit noire, mais le bleu du ciel ne se reflète pas dans la mer si calme soit-elle et si noire.

Les passagers sont de nouveau accoudés au bastingage. Ils regardent vers ce qu'ils ne voient plus. Ils ne veulent pas rater l'arrivée des premières vagues de la haute mer et avec elles celle de la fraîcheur du vent qui d'un seul coup s'abat sur la mer.

L'enfant cherche encore sa mère. Elle la retrouve cette fois encore endormie dans ce sommeil d'immigrée à la recherche d'une terre d'asile. Elle la laisse dormir.

1. coursives : dans un navire, couloirs intérieurs ou extérieurs entre les cabines.

Texte C - Charles Juliet (1934), Lambeaux (1995)

Tu es le dernier des quatre enfants.

Quand le drame est survenu et que ta mère a été hospitalisée, des voisins t'ont recueilli et gardé quelques semaines. Puis au début de l'année, ton père t'a confié à M. et Mme R., des paysans qui vivaient dans un village de la plaine. En plus de la nombreuse famille qu'elle élevait, Mme R. avait déjà en nourrice deux petites filles dont la mère avait perdu une jambe lors d'un accident. Écrasée de travail, Mme R. avait d'abord refusé de te prendre. Mais lorsque par la suite elle avait appris que tu allais être placé chez une vieille femme qui se saoulait et vivait dans un taudis, elle avait accepté de dépanner ton père, afin de lui laisser le temps de chercher une nourrice acceptable. Lorsque enfin il en eut trouvé une et qu'il vint te chercher, Mme R. et ses cinq filles ne voulurent pas te laisser partir. Elles s'étaient attachées à ce nourrisson et dirent à ton père qu'elles s'occuperaient de toi comme si tu étais un fils de la famille.

Pourtant, le bébé que tu étais aurait dû les excéder et les pousser à refuser de te garder. Car jour et nuit, les épuisant l'une après l'autre, tu ne cessais de pleurer. (Tu pleuras tant qu'un muscle de l'aine se déchira et qu'il fallut l'opérer d'une hernie.) Elles étaient aux petits soins pour toi, elles te nourrissaient comme il convient, te parlaient, te berçaient, te dorlotaient, mais rien ne pouvait apaiser tes pleurs.

Ton père ayant oublié de leur indiquer ton prénom, elles choisirent de l'appeler Jean, à l'instar du fils du boucher, un garçon plaisant, sympathique, que tout le village appréciait. T'attribuer son prénom, c'était marquer l'espoir que tu aurais chance de lui ressembler, de recevoir en partage certaines de ses qualités.

Texte D - Sophie Calle (1953), «Le Portrait», Des histoires vraies + dix (2002)

[Sophie Calle est une artiste contemporaine née en 1953 qui mêle photographie et écriture.]

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LE PORTRAIT

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