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Beckett Fin De Partie

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cience qu’il ne se passe plus rien, et, ici, que dehors, il y a quelque chose, qui provoque à plusieurs reprises le rire bref de Clov.

Pièce tragique par cette immobilité mortelle, par ce huis-clos dont le tour est vite fait par Clov poussant le fauteuil roulant de Hamm pour un inventaire répétitif de la pièce. Mais pièce comique aussi : Clov éclate de rire en soulevant le couvercle des deux poubelles, et voyant dedans le père et la mère de Hamm, qui ne font plus que se dire l’un à l’autre des mots d’amour alors même qu’ils ne peuvent plus se rejoindre puisque chacun est enfermé dans son contenant où finit tout déchet, leur évocation de souvenirs pour l’éternité donnant la sensation d’un maelström aspirant et déchiquetant d’absurdité . Le comique est que Clov le double pensant de Hamm, presque maître des cérémonies voyant bien les choses, le domestique qui sert l’infirme aveugle comme pour mieux ouvrir l’intervalle en huis-clos pour le temps de comprendre, le temps de lire ce qui s’écrit, est arrivé à mettre les parents dans leur poubelle respective, il les abandonne à leur amour éternel et à leur provision de souvenirs, il n’y a plus les dragées douceur de l’amour filial.

D’ailleurs, c’est remarquable comme Samuel Beckett, par son invention du détail des poubelles pour mettre les parents, fait apparaître que l’intérieur en creux de l’habitacle utérin se prolongeant dehors s’assure par le Nom du père. La mère toute seule ne pourrait pas avoir d’habitacle symbolique en son sein, elle ne peut garder que si une partie du placenta est d’origine paternelle. Mais là, en cette fin de partie, les voici dans leur poubelle.

Tragi-comédie. Suspense. Le garçon Hamm va-t-il pouvoir se séparer, sortir ? Clov son double, son domestique ou son fils adoptif, va-t-il le quitter pour aller dehors ? Le suspense dure. Pourquoi Clov reste-t-il, lui demande Hamm ? Comme ça, parce qu’il n’y a rien d’autre. Il faut un intervalle à vide, une sensation de fin qui s’écrive, pour que la curiosité pour ce qu’il y a dehors s’impose. Hamm demande souvent à Clov ce qu’il voit dehors, par la fenêtre.

On a l’impression que rien ne bouge. qu’il n’y a aucune raison que quelque chose change, comme le dit Hamm. On a la sensation que rien n’apportera le changement comme par cordon ombilical ou biberon ou mains familiales. Le changement doit se faire dans la tête de Hamm. « Tu te sens dans un état normal ? » demande Hamm à Clov. Clov est agacé : « Je te dis que je ne me plains pas. » C’est sûr, ce n’est pas Clov qui doit apporter le changement, la rupture, à Hamm passif. Alors, Hamm dit : Moi je me sens un peu drôle. » Très bien ! Dérangé ? Titillé par ce qu’il y a dehors ? Ou bien par ce qui est toujours pareil dedans jusqu’au dénuement ? Il continue : « Tu n’en as pas assez ? » Clov : « Si ! De quoi ? » Hamm est arrivé à dire que c’est assez, mais le fait dire, encore, à Clov. Mais Clov est rusé ! Il laisse Hamm nommer ce dont il a assez : cette... chose ! Cette chose, pas possible de la nommer, on dirait ! Chose innommable ! Chose qui entoure, qui emprisonne, qui retient dans le huis-clos ! Chose qui ne laisse pas sortir, ou bien d’où Hamm ne veut pas sortir, mais avec de plus en plus fortement le désir que ce soit fini, la sensation du fini, son écriture spatiale. « Je ne te donnerai plus rien à manger », dit Hamm à Clov. Et puis si, juste pour l’empêcher de mourir, juste pour que reste la capacité de penser, de voir, de voir par la fenêtre. « Il n’y a pas d’autre place. » dit Clov. Lui aussi est souffrant, a mal aux jambes, fatigue de servir l’infirme.

Hamm a peur du dehors : « Hors d’ici c’est la mort. » Mais aussi : « Assez, il est temps que cela finisse dans le refuge aussi. » Le refuge : familial, métaphore utérine ? Le grand enfant qui sent l’urgence de sortir du cocon familial ? Qui se moque de lui-même infirme enfermé et de ses parents dans la poubelle, du biscuit qu’il donne à Clov comme à son petit chien... et à sa mère, dérisoire nourriture... Le père Nagg quémande sa bouillie, lui-aussi est resté, dans le temps familial, en enfance, ne voit la vie que par un corps d’enfant nourri de bouillie. Hamm s’énerve : « Ah il n’y a plus de vieux ! Bouffer, bouffer, ils ne pensent qu’à ça ! » Mais, dit Clov, « Il n’y a plus de bouillie ! » Plus jamais. Le temps de la bouillie est en train de finir. Le temps de traiter les corps de cette manière-là. Hamm consent juste un biscuit.

Clov a à faire dans sa cuisine : regarder le mur ! Mur de séparation. Mur qui indique que derrière, il y a autre chose. Voir un mur, c’est déjà penser un en-deçà et un au-delà : en effet, Clov a beaucoup à faire, puisque c’est commencer à pressentir dehors dont le mur est l’annonce. Hamm est très intéressé : « Qu’est-ce que tu y vois, sur ton mur ?... Des corps nus ? » Clov répond : « Je vois ma lumière qui meurt. » Oui, dehors, c’est la lumière, c’est la vie naissante. Rester dedans, retarder éternellement la naissance, rester dans le huis-clos (familial), c’est laisser mourir la lumière car les yeux ne la verront pas, resteront des yeux de fœtus.

Hamm poursuit : « Tes graines ont levé ? » Comme s’il interrogeait Clov son double sur l’épanouissement de ses pensées, comme la naissance d’une plante à partir de la graine. Clov répond que non. Car Hamm reste toujours dans la position de celui qui laisse faire l’autre, tandis qu’il se laisse pousser. Comme s’il n’envisageait la vie que comme cela pour toujours... Etre poussé, être écrit, être parlé, être confiné en un lieu, être nourri, être instruit, etc.

Mais quelque chose se passe aujourd’hui, Hamm le sent, angoissé : « Mais qu’est-ce qui se passe, qu’est-ce qui se passe ? » Comme si, pour la première fois, c’était Hamm qui avait la main, sentant l’événement sans avoir à être servi par Clov. Clov répond : « Quelque chose suit son cours. » Quelque chose se détruit irrémédiablement, une sorte de fissure dans la façon dont Hamm vit cette journée-là, qui n’est pas pareille d’une indéfinissable façon, qui dévie, dévie, s’écarte, entraînée par une drôle et angoissante pulsion. C’est Hamm qui en parle, et ça, c’est très nouveau. Jusque-là, c’était Clov qui décrivait les choses à Hamm, et qui le voyageait dans la pièce en tournant en rond. Hamm est en train de se mouvoir autrement. Il sent, tout seul, qu’il se passe quelque chose. Comme lors d’une secousse de tremblement de terre, imperceptible. Clov, que Hamm chasse, a du mal à s’en aller, alors que, depuis sa naissance, il a envie de s’en aller. Hamm constate : « ça avance. »

Le père et la mère, dans leur poubelle respective, n’arrivent pas à s’embrasser, ils n’arrivent plus à se rejoindre comme deux demi-cercles feraient un abri utérin. L’impossibilité de se rejoindre représente le nid familial qu’ils ne peuvent plus tisser, ou que leur fils ne reconnaît plus que sur le point de finir. C’est l’écriture du giron déchiré. Nell demande : « Pourquoi cette comédie, tous les jours ? » Leur fils ne change plus leur litière, qui est de sable... et se dégrade. Nell et Nagg se racontent toujours des histoires, mais n’en rient plus. On imagine le fils qui ne veut plus écouter les paroles des parents, qui veut en sortir, alors les parents certes continuent à se les raconter mais n’ont plus aucun public... L’histoire du pantalon et du tailleur, Hamm en a assez de l’entendre, il coupe court au récit parental. « Assez ! » Assez de toutes ces histoires, silence ! Couper ! « Vous n’avez pas fini ? Vous n’allez donc jamais finir ? ... Enlève-moi ces ordures ! Fous-les à la mer ! » Fils qui se défait de ses enveloppes placentaires, des ordures, de ses enveloppes parentales, de ces histoires archi-connues qu’il ne supporte plus d’entendre. On imagine avec la pièce de Samuel Beckett des adolescents qui sentent monter en eux la pulsion destructrice du cocon parental aux histoires archi-connues, qu’on les jettent à la mer, ces ordures, ce placenta qui doit se détruire ! Avec toute l’ambivalence ! Car ensuite, est-ce qu’on vit déjà, tout seul, dehors ? Clov, que voit-il dehors ?

Clov annonce, à propos de la mère dans la poubelle : « Elle n’a plus de pouls. » Hamm : « Tu l’as bouclée ? » « Ils sont bouclés tous les deux ? » Clov : « Oui ». Hamm : « On va condamner les couvercles. » Sans commentaires... ! Violence assassine du rejet radical...

Mais, contradictoire, Hamm continue à demander son calmant : « Le matin on vous stimule et le soir on vous stupéfie. A moins que ce ne soit l’inverse. Il est mort naturellement, ce vieux médecin ? » Le discours de Hamm raconte encore la vie soumise aux substances, narcotiques et psycho-stimulantes, mais se révolte, fait allusion à un crime, ce vieux médecin, l’aurait-il tué, aurait-il remis en question son savoir passant par les substances, se serait-il psychiquement rebellé d’un tel traitement, son cerveau se serait-il sevré d’une addiction très ancienne, se serait-il libéré ?

Hamm imagine encore faire le tour du monde poussé par Clov, en vérité c’est le tour de la pièce. Très comique. « J’étais bien au centre, n’est-ce pas ? » Oui, dit Clov.

« Regarde la terre », commande Hamm à Clov. Avec la lunette, sans la lunette ? Dehors, en tout cas. Toujours par personne interposée. Mais pulsion scopique vers au-delà qui s’éveille. Avec sa lunette, montant sur l’escabeau, Clov regarde

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