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A Une Mendiante Rousse

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a pauvreté (première et dernière strophes) : c’est ce que l’on appelle un éloge paradoxal (noter la rime aux vers 3 et 4). Ce procédé pourrait paraître moderne… s’il n’avait déjà été utilisé deux siècles auparavant par des poètes baroques. Tristan L’Hermite a laissé un sonnet connu s’intitulant « La belle gueuse » :

Ô que d'appas en ce visage

Plein de jeunesse et de beauté,

Qui semble trahir son langage

Et démentir sa pauvreté !

Ce rare honneur des orphelines,

Couvert de ces mauvais habits,

Nous découvre des perles fines

Dans une boîte de rubis.

Ses yeux sont des saphirs qui brillent,

Et ses cheveux qui s'éparpillent

Font montre d'un riche trésor.

À quoi bon sa triste requête,

Si pour faire pleuvoir de l'or,

Elle n'a qu'à baisser la tête !

Il paraît donc évident que le texte de Baudelaire est au moins en partie un pastiche du sonnet de L’Hermite (cf. la même rime « beauté » / « pauvreté », la description des habits, ou les allusions à l’or, à aux pierres précieuses, à l’aspect brillant…).

— A vous de relever tout le vocabulaire de la beauté et de la pauvreté dans le poème…

C – Un modèle contemporain : Gautier

Baudelaire s’inspire donc d’auteurs de la Renaissance et du XVIIe siècle, mais il est avant tout un grand lecteur des poètes contemporains, parmi lesquels Hugo (à qui il dédie « Le cygne » dans les « Tableaux parisiens » — juste après la « Mendiante rousse ») et Gautier, à qui il dédie ses « fleurs maladives » de manière très grandiloquente (cf. p. 53). Or, la forme de la « Mendiante rousse » ressemble étrangement à celle de « L’art » de Gautier : 14 quatrains constitués de vers courts et irréguliers… Même si le poème de Gautier paraît en 1852 dans le recueil Emaux et Camées, on peut se demander si Baudelaire n’en a pas eu connaissance auparavant.

Quel serait l’intérêt de ce rapprochement entre les deux poètes ?

Gautier, poète parnassien, théoricien de l’Art pour l’art, préconise une rigueur dans le travail poétique, qui n’autorise aucune liberté : le poète s’impose des contraintes formelles strictes et travaille les mots comme le ferait un sculpteur taillant le marbre (cf. texte complémentaire). Ainsi, Baudelaire choisit une forme complexe : strophes composées d’heptamètres et de vers de quatre syllabes (retour très fréquent de la rime, les vers étant particulièrement courts, d’où une matière sonore très dense : musicalité du poème — donner qqs ex.).

II – Une muse typiquement baudelairienne

A – Une « muse malade »

Cf. sonnets VII et VIII dans « Spleen et idéal », pp. 65-66.

« Fleurs maladives », « muse malade », « jeune corps maladif » (vers 6, en harmonie avec un « poète chétif »)… « poète […] débraillé, maladif » dans « Le Tasse en prison »… La maladie est bel et bien une thématique baudelairienne récurrente. Chez Du Bellay, la muse s’enfuit du poète, elle lui devient étrangère (sonnet 6, p. 77 dans votre édition des Regrets : « Et les muses de moi, comme étranges, s’enfuient ») ; chez Baudelaire, une étape supplémentaire est franchie, avec des muses malades et vénales.

— Allusions à la relation charnelle dans le poème (éléments physiques évoquant la séduction, sous-entendus, etc.) : faites un relevé. Par ex., les vers 22-23 qui associe les « péchés » (le mal) aux « beaux seins, radieux / Comme des yeux » de la mendiante — on se souvient aussi de l’importance des yeux dans la poésie baudelairienne, cf. « Une martyre »).

Evidemment, on pourrait aussi parler des connotations de la rousseur (symbolise le diable…).

B – De l’être de chair à l’être imaginaire

A l’origine du poème : une jeune fille bien réelle, qui inspiré d’autres artistes, comme Emile Deroy (cf. tableau ci-dessus), Banville, ou Pierre Dupont (eh oui, c’est un poète — médiocre — ami de Baudelaire) qui a écrit « La joueuse de guitare » en référence à la même jeune fille.

Cependant, par les échos que cette mendiante rousse suscite dans l’ensemble du recueil, il paraît évident que l’intérêt du poème n’est pas simplement de rendre hommage à une personne qui a marqué des jeunes artistes fréquentant des lieux peu recommandés (cf. cadre urbain avec l'allusion ironique de la strophe 12)… Ainsi, l’être de chair (rappelons l’omniprésence de la sensualité et du registre érotique dans ce poème) devient, par l’écriture poétique, un être imaginaire, une « muse malade », en quelque sorte recréée par la volonté du poète (poète « chétif », mais néanmoins poète et véritable créateur). La créature prend forme dans le texte (cf. fin du commentaire de « Une martyre » : l’articulation créateur/créature) grâce à la volonté du poète, c’est-à-dire la puissance de son imagination. Les notions de « volonté » et d’« imagination » sont fondamentales dans l’esthétique baudelairienne : elles sont caractéristiques de ce qu’il appelle le génie et le tempérament (cf. texte compl. à ce sujet). Or, dans le premier poème des « Tableaux parisiens », « Paysage », le poète évoque justement sa « volonté » qui lui permet de créer tout un monde, alors même qu’il se trouve dans sa chambre, les volets fermés, sans regard sur le monde extérieur : de la même façon, la « mendiante rousse » est le fruit de « l’imagination créatrice » (expression que Baudelaire emploie dans ses Essais critiques) du poète.

Grâce à cela, on peut comprendre certaines tournures syntaxiques du poème, qui paraissent étranges : « Au lieu de… », « En place de… » (vers 13 et 17) indiquent que le poète substitue ce qu’il imagine à la réalité. Ensuite, il commence les strophes 6 et 7 par des subjonctifs à valeur

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