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Scene De l'Aveu Princesse De Cleves

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’ont souvent souligné : faire un tel aveu à son mari est littéralement extraordinaire, « extravagant » dira Bussy-Rabutin. La princesse de Clèves a parfaitement conscience de la singularité de son aveu puisque elle le souligne elle-même au début et à la fin de son intervention : « je vais vous faire un aveu que l’on a jamais fait à un mari » et « pour faire ce que je fais, il faut avoir plus d’amitié et plus d’estime pour un mari que l’on en a jamais eu ». L’adverbe « jamais » met en évidence le caractère exceptionnel d’un tel aveu et témoigne également de sa volonté de susciter l’admiration de son mari. Cet aveu témoigne aussi de la force morale peu commune de la princesse. Elle signale d’ailleurs à la fin du passage le « courage » qu’il lui a fallu « pour avouer cette vérité ». M. de Clèves est en outre lui-aussi conscient du caractère extraordinaire de cet aveu. Comme sa femme il utilise l’adverbe « jamais » pour souligner la singularité de la démarche : « la plus grande marque de fidélité que jamais une femme ait donnée à son mari », « vous me paraissez plus digne d’estime et d’admiration que tout ce qu’il y a jamais eu de femmes au monde ». Il loue le comportement de sa femme et va témoigner son admiration dans des formules hyperboliques marquées notamment par l’usage du comparatif de supériorité : « plus digne d’estime et d’admiration que », du superlatif « la plus grande marque de fidélité que », de l’adverbe intensif « trop » dans « trop noble » et de l’adjectif hyperbolique « infini » dans « d’un prix infini ».

b) Une vertu inflexible.

La princesse veut convaincre son époux de sa vertu. Elle explique qu’elle n’a jamais cédé à sa passion est qu’elle est certaine de ne jamais y succomber. Elle signale le contrôle permanant qu’elle exerce sur elle-même par l’usage de deux négations : « je n’ai jamais donné nulle marque de faiblesse ». Elle se glorifie en outre de « l’innocence de [sa] conduite et de [ses] intentions », ces deux termes évoquant respectivement le contrôle de son comportement en public et surtout, ce qui est plus difficile et donc plus héroïque, de ses pensées. C’est pourquoi elle fait preuve d’une telle assurance quant à son comportement à venir comme l’indique l’emploi du futur renforcé par l’adverbe « jamais » : « je ne vous déplairai jamais par mes actions ». Sa ténacité et sa détermination s’expliquent si on se souvient de l’éducation qu’elle a reçue. Sa mère lui a montré la faiblesse de la nature humaine qu’il faut combattre avec obstination ; elle lui a parlé de la volonté que cela exige et de la surveillance constante qu’il faut exercer sur soi-même : « combien il était difficile de conserver cette vertu, que par une extrême défiance de soi-même et par un grand soin » . Cependant, elle n’est pas aussi résistante car pour assurer sa vertu, elle exige certaines conditions. Ainsi son discours a une visée argumentative claire : il s’agit de convaincre M. de Clèves de l’autoriser à demeurer loin de la cour : « je ne craindrais pas d’en laisser paraître [de faiblesse] si vous me laissiez la liberté de me retirer de la cour ».

II) Une scène pathétique.

a) La détresse de la princesse.

Elle est lisible tout d’abord dans la gestuelle. Bien que n’étant pas une personne démonstrative, la princesse commence sa confession « en se jetant aux genoux de son mari », et on devine qu’elle pleure tout au long de son discours car lorsque M. de Clèves la relève son visage est « couvert de larmes ». Mais ce qui est avant tout pathétique ici c’est sa détresse psychologique liée à sa profonde solitude : sa passion étant secrète elle n’a personne pour la soutenir. L’absence de sa mère s’est fait cruellement ressentir comme le montre la phrase : « si j’avais encore Mme de Chartres pour aider à me conduire ». Le verbe « conduire » qui signifie guider sur le plan moral, suppose qu’elle n’a plus personne pour lui dicter son comportement, qu’elle n’a ni conseil, ni soutien psychologique. Sa mère a expiré avant d’avoir pu l’aider (cf. p. 88 : « je ne suis plus en état de me servir de votre sincérité pour vous conduire »). Elle est donc seule pour affronter les affres de la passion. La détresse dans laquelle la mort de sa mère l’a plongée est dévoilée plus tôt. Après la mort de sa mère, Mme de la Fayette écrit à propos de sa « douleur » que : « On n’en a jamais vu de pareille […] le besoin qu’elle sentait qu’elle avait de sa mère, pour se défendre contre M. de Nemours, ne laissait pas d’y en avoir beaucoup [de part]. Elle se trouvait malheureuse d’être abandonnée à elle-même, dans un temps où elle était si peu maîtresse de ses sentiments et où elle eût tant souhaité d’avoir quelqu’un qui pût la plaindre et lui donner de la force » . C’est pourquoi, elle va supplier son mari de l’aider : la position agenouillée de la princesse et les trois impératifs : « conduisez-moi, ayez pitié de moi et aimez-moi » accentuent le pathétique montrant qu’elle lance un appel au secours à son époux. La répétition du verbe « conduire » montre qu’elle compte sur lui pour remplacer sa mère. Par ailleurs, sa détresse se lit aussi dans la gradation : « conduire », « avoir pitié », « aimer » : « conduire » demande des conseils et un soutien moral, « avoir pitié » la compassion, l’empathie de M. de Clèves, et « aimer » suppose une affection plus forte. Elle espère en outre que cet aveu n’altèrera pas l’amour que son mari éprouve pour elle comme le suggère l’adverbe « encore ». Cependant, la subordonnée conditionnelle : « si vous pouvez » témoigne de sa crainte. Elle craint que cet aveu, comme il est écrit plus loin lui ôte « le cœur et l’estime de son mari » .

b) La souffrance de M. de Clèves

M. de Clèves, note l’auteure, « était demeuré, pendant tout ce discours la tète appuyée sur ses mains, hors de lui-même ». Cette phrase indique clairement combien l’aveu accable M. de Clèves ; la notation : « hors de lui-même » trahit son désordre intérieur. Il reste un long moment éperdu et hagard, incapable de réagir.

La succession de subordonnées, retardant la mention de son premier mouvement met en exergue la lenteur de sa réaction et souligne son désarroi : « quand elle eut cessé de parler, qu’il jeta […], qu’il la vit […], il pense mourir de douleur, et l’embrassant en la relevant ». L’admiration sincère qu’il ressent pour sa femme ne suffira pas à provoquer l’abnégation souhaitée ; la souffrance, trop forte, l’en rend incapable et il s’en excuse : « pardonnez si je ne réponds pas à un procédé comme le vôtre ». Cet aveu a provoqué un tel choc émotionnel qu’il est incapable de faire preuve de compassion envers sa femme et c’est sur sa propre douleur qu’il se lamente. Alors que sa femme lui demandait d’avoir pitié d’elle, ses premiers mots sont : « Ayez-pitié de moi vous-même, Madame, […] j’en suis digne ». Il insiste sur sa souffrance comme l’indiquent le superlatif ici encore renforcé par l’adverbe « jamais » : « je me trouve le plus malheureux homme qui ait jamais été », l’emploi de termes au sens fort : « affliction aussi violente qu’est la mienne » ou encore la répétition de l’adjectif malheureux dans : « je me trouve le plus malheureux » et « Vous me rendez malheureux ». Cet aveu l’a totalement terrassé.

III) Les raisons d’un échec.

a) La jalousie

Même si M. de Clèves ne doute pas de la vertu de sa femme, le « procédé » est « trop noble » pour ne pas lui « donner une sûreté entière », dit-il, cet aveu provoque néanmoins une violente jalousie. On sait que sa femme n’a jamais eu de passion pour lui, elle n’a jamais ressenti d’amour mais simplement, comme elle le dit elle-même de l’ « amitié » et de l’ « estime » ; il convient de signaler combien ces termes doivent être cruels à entendre pour M. de Clèves. Lui a, dès leur première rencontre, éprouvé une passion violente (cf. p. 49 : « il conçut pour elle dès ce moment une passion et une estime extraordinaires. ») qui, dit-il, « dure encore ». C’est pourquoi il peut dire qu’il a « tout ensemble la jalousie d’un mari et celle d’un amant ». Cet aveu le foudroie car il pensait jusque-là que sa femme était insensible à la passion, il explique qu’il s’était « consolé en quelque sorte de ne l’avoir pas touché [son cœur] par la pensée qu’il était incapable de l’être ». C’est le même sentiment qu’éprouve Phèdre, lorsqu’elle apprend qu’Hippolyte aime Aricie. Ainsi lorsqu’il découvre qu’un autre a su éveiller de l’amour chez elle, sa souffrance qui était causée par la réserve, les « rigueurs » de sa femme est redoublée par la jalousie comme le montre la phrase

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