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Les pays développés (PDEM) ont-ils toujours intérêt au libre-échange ?

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Par   •  11 Janvier 2016  •  Dissertation  •  4 240 Mots (17 Pages)  •  1 396 Vues

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Les pays développés (PDEM) ont-ils toujours intérêt au libre-échange ?

Introduction :

Les États-Unis, dont Alexander Hamilton fut le premier secrétaire au Trésor, ont longtemps pratiqué le protectionnisme avant d'impulser, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l'Accord général sur le commerce et les tarifs douaniers (GATT, 1947). Il faudra d'ailleurs attendre 1995 pour que soit créée sous la forme de !'Organisation mondiale du commerce (OMC) l'Organisation internationale du commerce initialement refusée par le Congrès américain. La France, l'Allemagne ou le Japon ont également une longue tradition protectionniste.

La Grande-Bretagne fut la première à s'engager dans la voie du libre-échange avec l'abolition des Corn Laws (1846). Le libre-échange est une politique commerciale de libre circulation des produits (biens et services) entre les pays. Il est simultanément un concept, à replacer dans le cadre plus général des théories du commerce international et une pratique, prenant des formes concrètes qui s'éloignent du libre-échange pur. Le libre-échange s'est approfondi et étendu progressivement avec les accords multilatéraux du GATT et de l'OMC. Mais il est également inséparable des nombreux accords bilatéraux, plurilatéraux et régionaux (Union européenne, Alena ou Mercosur par exemple), à l'image du Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (PTIP) en cours de négociation entre l'Union européenne et les États-Unis.

Pourtant, le libre-échange reste contesté. L'accord de Bali conclut positivement le cycle de négociations de Doha (2001-2013) mais symbolise les difficultés à approfondir le libre-échange par des négociations multilatérales (voir Pascal Lamy, La Démocratie-monde ). Dans les PDEM, pays à haut niveau de vie accordant une place essentielle à la régulation marchande, la répétition des crises et la persistance  des  déséquilibres   économiques   et  sociaux   (chômage, inégalités, déficits des systèmes sociaux, etc.) conduisent une partie des citoyens à la remise en cause de l'ouverture des frontières. Ils se demandent si les PDEM sont encore aujourd'hui gagnants au libre­ échange.   Cette  interrogation   générale   se  décline   sous  deux dimensions. Dans un premier temps, on peut se demander si les PDEM ont toujours avantage à intensifier le libre-échange entre eux, notamment dans le cadre d'accords régionaux ? Dans un second temps, se pose la question du libre-échange entre PDEM et pays émergents, accusés de concurrence déloyale.

Les analyses du commerce international soulignent les vertus du libre-échange et justifient sa mise en œuvre dans les pays avancés (I). Cependant, les hypothèses et conditions nécessaires pour que le libre-échange constitue un jeu à somme positive pour les PDEM montrent ses limites actuelles (II).

  1. Les analyses du commerce international soulignent les vertus du libre-échange pour les PDEM

Les analyses d'Adam Smith et de David Ricardo ont remis en cause le protectionnisme mercantiliste dominant. Au début du 19e siècle, les vertus du libre-échange pour les PDEM sont toujours justifiées par l'analyse néoricardienne (A) et les nouvelles théories du commerce international (B).

Ricardo se posait à propos de la Grande-Bretagne du 19e siècle une question qui concerne aujourd'hui tous les PDEM : un pays dominant, plus productif que les autres dans tous les secteurs, a-t-il avantage à commercer avec eux ? Il montre qu'un pays a toujours intérêt à se spécialiser dans les activités où il dispose d'un avantage comparatif, c'est-à-dire dans lesquelles sa productivité est la plus forte. Le libre-échange engendre alors un surplus qui résulte de l'uti­ lisation efficiente des facteurs de production, à condition que ces facteurs soient mobiles à l'intérieur du territoire et non mobiles entre les pays. Le pays avancé, comme le pays en retard, abandonne les activités dans lesquelles il est le moins efficace et importe leur production. Les facteurs de production ainsi libérés sont affectés aux secteurs les plus productifs qui exporteront une partie de leur production. La productivité s'accroît dans les deux pays et explique l'augmentation de la production et du bien-être des deux partenaires ; le libre-échange apparaît ainsi comme un jeu à somme positive.

Eli Heckscher, Bertil Ohlin, Paul Samuelson et Wolfgang Stolper reformulent l'analyse ricardienne dans le paradigme néoclassique dont ils conservent les hypothèses (mobilité interne des facteurs de production et concurrence pure et parfaite) . Les différences de productivité des territoires sont expliquées par leurs dotations factorielles. Les PDEM, fortement dotés en capital et travail qualifié, disposent d'un avantage comparatif dans les activités utilisant intensivement ces facteurs. Les pays moins avancés ont au contraire un avantage dans les secteurs intensifs en travail peu qualifié. Ainsi, derrière les produits, ce sont des facteurs qui s'échangent.

Jacob Viner étudie dans ce cadre théorique les effets de la formation d'une union douanière telle que la Communauté économique européenne (CEE). Il montre que le libre-échange crée du trafic entre les pays membres, tandis que le tarif extérieur commun détourne les importations en provenance des pays tiers. Une telle union crée un surplus d'autant plus important que les pays sont structurellement différents, que les barrières douanières entre pays membres étaient élevées à l'origine et que le tarif extérieur de l'union est modéré. Ces accords régionaux montrent que tout en tenant compte des acquis théoriques, des choix politiques et écono­ miques, ici la préférence communautaire européenne, peuvent limiter le champ du libre-échange.

Les analyses « ricardiennes » justifient dans un cadre statique les échanges entre pays structurellement différents. Elles justifient le libre-échange en expliquant notamment l'intérêt du commerce interbranches et de la division internationale du travail (DIT), pour les PDEM comme pour les autres pays.

Cependant, les échanges intrabranches et intraproduits représentent environ les deux tiers du commerce des PDEM. Les nouvelles théories du commerce international analysent les échanges dans un cadre de concurrence imparfaite où les firmes et la puissance publique mènent des stratégies. Elles permettent de réexa­ miner les gains du libre-échange pour les PDEM dans le contexte d'une concurrence exacerbée par l'extension du libre-échange à un très grand nombre de pays : si 22 pays avaient signé les accords du GATT, 153 adhèrent à l'OMC en 2013, dont la Chine, l'Inde et la Russie.

L'analyse du commerce extérieur des États-Unis permet à Michael Posner et Raymond Vernon de montrer le rôle clé du marché domestique dans la spécialisation des firmes nationales. Dans un premier temps, les firmes des pays avancés, en situation de concurrence monopolistique, s'affrontent pour répondre à la demande interne à fort pouvoir d'achat. Elles doivent donc innover pour différencier leurs produits et s'adapter aux spécificités et aux évolutions de cette demande. Elles acquièrent ainsi un avantage technologique tempo­ raire, l'innovation  étant ensuite imitée par  les firmes suiveuses. Dans un second temps, en exportant leurs produits innovants vers les autres PDEM à demande structurellement proche elles exploitent leur rente technologique (Stephen B. Linder, théorie de la demande représentative).  Dans  une  logique  schumpetérienne,  les profits réalisés permettent de financer des innovations ce qui entretient un processus cumulatif de croissance. Les PDEM exportent donc les biens en début du cycle de vie du produit, caractérisés par la compé­ titivité qualité, ces biens ou services étant intensifs en capital technologique et humain. En contrepartie, ils importent les produits en fin de cycle, pour lesquels la compétitivité prix prévaut, la technologie incorporée s'étant banalisée.

En analysant les effets de dimension, les nouvelles théories du commerce international reprennent l'intuition smithienne d'une relation réciproque entre taille du marché et productivité. Sur des marchés de concurrence oligopolistique ou monopolistique, l'augmentation de la taille de l'entreprise permet de réaliser des économies d'échelle internes réduisa nt les coûts de production unitaires (hypothèse de rendements croissants). Les exportations en augmentant le volume de l'activité, créent un avantage de compétitivité-prix pour la firme, qui peut donc accroître à nouveau ses parts d e ma rché. En outre, la taille de la firme est également u ne condition nécessaire à la division et à la spécialisation du travail à l'intérieur de la firme, ce qui augmente sa productivité et donc sa compétitivité. La firme améliore ainsi sa compétitivité structurelle (hors prix) et sa capacité d'innovation. Enfin, un marché intérieur de grande taille est source d'économies d'échelle externes car il offre aux firmes des services performants et à plus faibles coûts. Cela explique la concentration des firmes dans des « bassins » (clusters) et les politiques publiques de formation de pôles de compétitivité. Ces analyses fournissent des explications endogènes à la spécialisation des firmes des PDEM dans les activités intensives en capital humain et technologique. Le libre-échange permet aux firmes des PDEM d'exploiter l'avantage qu'elles retirent d'un marché interne dyna­ mique pour gagner des parts de marché à l'exportation.

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