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Cendrars

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suivant les événements personnels qu’il y a vécus. Comme on s’en doute le travail de Cendrars n’est donc pas vraiment une étude sociologique de la vile de Paris. Les associations libres de pensées et la vision métaphorique du monde ne sont pas garantes de fiabilité sur le plan théorique. Pourtant, à certains endroits le point de vue poétique de Cendrars renseigne, quant au mode de vie des habitants de la banlieue de Paris. On peut dire qu’à l’intérieur de la Banlieue de Paris cohabite trois types de démarches : en plus de la démarche sociologique, qui est implicite comme on l’a vu, on peut voir aussi une démarche historique, puisque La Banlieue de Paris fait état d’événements historiques qui recouvrent la période 1900 à 1945. Mais la démarche de Cendrars est aussi artistique, puisqu’elle est fondée, en partie, sur le travail photographique de Robert Doisneau.

Globalement, on peut dire des enjeux historiques, et sociologiques du texte de Cendrars, qu’ils sont de moindres importances face aux vérités sociales et psychologiques auxquelles aboutie Cendrars.

Cendrars dénonce la misère urbaine de Paris qui est liée au progrès de la culture d’après le présupposé romantique d’une nature essentielle de l’homme. Il s’agira de voir d’abord en quoi la modernité est responsable d’une certaine forme d’indigence ou de misère sociale. Sachant que l’opposition nature/culture est à la base de la stratégie argumentative de Cendrars, il s’agira essentiellement de rendre compte de cette opposition, sur les passages les plus représentatifs du texte pour montrer à quelle vérité poétique de l’homme Cendrars veut nous amener.

A la veille de la Grande Guerre, la question de la modernité est déjà au goût du jour dans la poésie de Cendrars. Cendrars, qui est particulièrement attentif au passage du monde ancien au monde nouveau, joue un rôle avant-gardiste dans le milieu poétique parisien. Vers 1910 déjà, le milieu artistique de Paris reconnaît que la Prose du Transsibérien, long poème en prose, signale un tournant poétique capital. Une forme de poésie moderne serait née avec Cendrars (et Apollinaire), dont les images et le dynamisme du texte évoquent les débuts du cinéma et le travail de la caméra. Autant Cendrars règle sa poésie aux pas des transformations du monde, autant il a conscience du drame spirituel et de la misère qu’engendre cette transformation du monde.

Cette transformation profonde de l’homme d’aujourd’hui ne peut pas s’accomplir sans un ébranlement général de la conscience et un détraquement intime du sens et du cœur. (p.177)

Mais il faudra attendre essentiellement "les années folles", pour que la plupart des intellectuels prennent conscience que la modernité remet tout en question, sur le plan urbain, mais aussi sur le plan économique, sociale et poétique. Pour Cendrars, l’homme lui-même subit une transformation spirituelle profonde. En 1929, il écrit à ce sujet.

Notre époque, avec ses besoins de précision, de vitesse, d’énergie, de fragmentation de temps, de diffusion dans l’espace, bouleverse non seulement l’aspect du paysage contemporain, mais encore, en exigeant de l’individu de la volonté, de la virtuosité, de la technique, elle bouleverse aussi sa sensibilité, son émotion, sa façon d’être, de penser, d’agir, tout son langage, bref, la vie. (P.177)

Sur le plan urbain, Paris illustre, selon Cendrars, certaines conséquences négatives des transformations du monde. Un peu avant la fin de la première guerre mondiale, le monde prolétaire s’agglomère de plus en plus dans la banlieue de Paris. Les HBM (Habitations à Bons Marché), que Cendrars comparent « à des grandes casernes sonores »[3], recouvrent tout Paris. Cendrars ne condamne pas ici l’idée de loger des gens à bons marcher, (au contraire, sur le plan social, il approuve les démarches en faveur des pauvres,) ce qu’il condamne, c’est d’un part la laideur esthétique de ces immeubles, mais surtout, la promiscuité qu’ils engendrent en même temps qu’« une dégénérescence physique et spirituelle »[4]. Il les condamne pour deux raisons précises : non seulement ces constructions sont invivables mais elles sont en plus le fruit d’une hypocrisie sociale, qui est « neuf fois sur dix une escroquerie »[5].

Venons-en maintenant à la stratégie argumentative de Cendrars. Sur quelle croyance des modes de vie de l’homme se fonde ici l’opinion de Cendrars ? Cendrars part de la conviction que l’homme est par nature un être solitaire. C’est sur l’idéal de vie de l’ermite, du « bourlingueur solitaire »[6] que Cendrars fonde son propre idéal de vie. On voit, ici, clairement, se profiler l’opposition nature/culture. Par nature l’homme est selon Cendrars un être de liberté qui est à bien des égards dans son oeuvre synonyme d’espace et de voyage et non de promiscuité. La promiscuité serait ici un produit de la culture. Ainsi Cendrars décrit la promiscuité des habitants des cités :

La tuberculose à mesure que les enfants se multiplient dans les logements trop étroits, le cocuage à tous les étages, le soucis que l’on noie et le cri des femmes que l’on bat derrière les portes comme les tapis. Seul les concierges en comptant les coups et attendent un peu avant de sonner et de présenter la quittance du gaz, de l’électricité, de l’eau, du chauffage, des ordures ménagères, du terme, de l’assurance, de la coopérative, des impôts et de je ne sais plus quoi moi (…) (p. 135)

Le Paris d’avant la guerre est donc le lieu de la misère urbaine due à l’expansion de la modernité. En 1937, et à cause de cette misère, les riches craignent de plus en plus une révolution du front populaire. L’anecdote du gros négociant[7], rend sensible à l’écart qui sépare le mode de vie des gens riches des gens plus pauvres.

Le rapport que Cendrars entretient à la modernité est double. Autant la modernité urbaine, de l’ordre de la culture, le fascine (Cf. « Je sautais dans ma voiture et prenais par les passages souterrains, une des anticipations les plus extraordinaires de Paris (…))[8], au même titre que le fascine la révolution urbaine et architecturale des gratte-ciels de New York[9], autant elle est responsable d’une misère sociale indéniable du milieu prolétaire. On doit cette ambivalence au fait que, pour Cendrars, le progrès implique un accroissement de la misère. Mais pourtant, ce progrès n’en est pas responsable directement. En effet, le drame, la misère et le désespoir sont pour Cendrars, des composants essentiels de l’homme. Si l’homme s’assimile à son époque, sa nature profonde ne change pas. On voit donc ici un certain parti pris pour le progrès de la culture, qui, en soi, n’ajoute ni ne retranche rien à la misère naturelle de l’homme.

L’ouest de Paris est la banlieue des riches, la Ceinture Verte. Cendrars stigmatise notamment, ici, les petits bourgeois de Paris. Il fait état de l’absurdité qui consiste à vouloir fonder sa vie sur l’épargne et les économies, comme le font ces prolétaires économes et rapaces qui, trimant toute leur vie, deviennent des petits bourgeois. En fait, d’une part, la bêtise, au sens flaubertien du terme, caractérisent ce milieu social, dans la mesure où rien n’est plus pathétique que le faux bonheur confiné de ces bourgeois qui baptise leur villa mon Rêve ou ça me suffit et qui appose attention chien méchant par peur du pauvre ou du mendiant. Mais, d’autre part, c’est même le tragique qui les caractérise, puisqu’ils gâchent leur vie à travailler, dans le but d’acquérir, en dernière instance, un bien de propriété, ce qui pour Cendrars, est un profond non sens.

Mais quelle révélation sur le subconscient de tout un peuple de petits bourgeois imbéciles qui ont trimé toute leur vie pour pouvoir se payer ça et prendre leur retraite chez eux, C’est ça leur chez eux ? Vous voulez rire ! Mais c’est tragique ! (p.150)

Les banlieusards sont en fait le produit d’une double escroquerie sociale : ils ne sont pas heureux pendant leur vie active dans le sens où tout leur vie ils s’enchaînent manifestement à un travail abrutissant :

Que de soucis sur les visages, autant que des cors aux pieds. Ils peuvent courir pour attraper leur métro en se bousculant et même sauter dans leur train en marche, mais ils ne savent plus marcher, flâner, s’arrêter, respirer. Trop de hâte. Ils ne s’appartiennent plus. Ils dépendent d’un horaire. Ils ne savent plus ce que c’est que vivre. (p.154)

Et ne le sont pas non plus pendant leurs retraites, puisque leur bien de propriété (par exemple, villa) est un faux bien de propriété. Sur quelle vision poétique et de l’homme se fonde Cendrars pour condamner ce mode de vie ? En fait, pour Cendrars, le seul bien de propriété que l’homme est en mesure de réclamer résulte du sentiment d’appartenance au monde. En effet, la volonté de Cendrars, qui consiste à vouloir être au cœur du monde n’a, semble-t-il, rien à envier au bien calculé du petit bourgeois. C’est là, une seconde opposition entre la nature essentielle de l’homme et le mode de vie que la culture entraîne.

La banlieue nord de Paris est la zone industrielle de Paris, la partie la plus misérable : « (…) paysage désolé composé exclusivement de cheminées d’usines mortes ou fumantes (…) »[10]. Dans cette partie de la ville, le prolétariat est aux prises avec et le capitalisme. La banlieue nord de Paris est certainement la banlieue de prédilection

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