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Francis Ponge

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e. Il travaille dans un hôpital militaire caennais à la fin de l’été. Il suit à Paris une manifestation organisée par Maurice Barrès. Il entre en classe de rhétorique et découvre le Littré, lit Lucrèce, Horace, Tacite, les symbolistes. C’est une période de dandysme et des premiers poèmes.

En 1915, il obtient la meilleure note de l’académie en philosophie pour une dissertation sur L’art de penser par soi-même. Il décide de s’engager après la mort d’un cousin au front ; une crise d’appendicite aiguë l’en empêche.

En 1916, il entre en hypokhâgne au lycée Louis-le-Grand. Il publie son premier sonnet dans la Presqu’île no 4 (octobre) sous le pseudonyme de Nogères. Il se réclame de Barrès en art comme en politique.

En 1917, il mène en parallèle des études de droit et de philosophie. Il participe aux manifestations patriotiques de la jeunesse barrésienne contre le défaitiste Caillaux au cours inaugural de Victor Basch en Sorbonne, mais s’intéresse malgré tout à la Révolution russe.

En 1918, il est reçu au baccalauréat de droit, admissible en licence de philosophie, mais reste muet à l’oral : recalé. Il est mobilisé dans l’infanterie à Falaise, puis au G.Q.G. des Armées françaises à Metz. Il lit Nietzsche (La Naissance de la tragédie).

En 1919, il suit le G.Q.G. à Chantilly, et contracte la diphtérie. Il passe sa convalescence dans la villa d’Henry Bataille, où il écrit la Promenade dans nos serres, premier texte où apparaît le matérialisme logique. Å Strasbourg, avec Gabriel Audisio, Jean Hytier, il prépare l’École normale supérieure : admissible, il reste une fois de plus muet à l’oral. Il adhère au parti socialiste1. Démobilisé, il se brouille avec sa famille.

En 1920, il mène une vie de bohème entre Caen et Paris.

En 1921, il rédige Esquisse d’une parabole, apologue socialiste qui sera publié dans le Mouton blanc, revue dirigée par J. Hytier.

En 1922, il séjourne à Caen où il se réconcilie avec sa famille et connait une intimité intellectuelle avec son père. Il rencontre Jacques Rivière et Jean Paulhan, nîmois et ami de la famille. Il écrit les satires Fragments métatechniques.

Le "drame de l'expression"[modifier]

Poète contemporain, il éprouve déjà, à l'âge de dix-sept ans, une violente révolte contre le parler ordinaire : « N'en déplaise aux paroles elles-mêmes, étant donné les habitudes que dans tant de bouches infectes elles ont contractées, il faut un certain courage pour se décider non seulement à écrire, mais même à parler » (Proêmes, "Des Raisons d'écrire", II, Ponge souligne). Les difficultés qu'il éprouve à exprimer sa douleur après le décès de son père en 1923 avivent son sentiment d'un « drame de l'expression » : le désir irrépressible de s'exprimer (ce que Ponge appelle la "rage de l'expression") affronte un langage dont les imperfections contraignent, voire faussent tout discours (il faut donc s'exprimer "compte tenu des mots").

Dans cette perspective, Ponge fait sienne la conception du poète selon Lautréamont : le poète doit être « plus utile qu'aucun citoyen de sa tribu2 » parce qu'il invente le langage qu'emploieront ensuite les journalistes, les juristes, les négociants, les diplomates, les savants. S'il appartient au poète de modifier le langage, alors il lui faut d'une part maîtriser en profondeur ce langage et d'autre part voir ce que ce langage peut dire des choses les plus simples (laissant pour plus tard les choses complexes - ainsi le projet ultime de Ponge, "l'Homme", n'aboutira-t-il jamais[réf. souhaitée]). Loin de tout sentimentalisme romantique, Ponge choisit de construire des "définitions-descriptions" de l'objet et consacre son écriture aux choses familières qui nous entourent (le cageot, la cigarette, la bougie, l'orange, le galet) : « Natare piscem doces » (« Tu apprends au poisson à nager ») dit l'auteur au début de Proêmes. Ce travail aboutit, après dix ans d'écriture, à la publication, en 1942, du Parti pris des choses. Cette apparente lenteur s'explique par le fait que, au cours des années 1930, son emploi aux Messageries Hachette, qu'il qualifie de « bagne », ne lui laisse que vingt minutes par jour pour écrire3, puis, pendant la guerre, par la priorité qu'il accorde à ses activités de résistant.

Le projet du Parti pris des choses[modifier]

Le Parti pris des choses tente de rendre compte des objets de la manière la plus précise et la plus rigoureuse possible, cherchant en particulier à exprimer leurs qualités caractéristiques. Ce compte-rendu porte sur les qualités physiques de l'objet (Ponge recourt volontiers au vocabulaire technique des sciences expérimentales ; signalant à plusieurs reprises sa dette envers Buffon ou de Emmanuel de Martonne4, il insiste sur la parenté entre son travail et la recherche scientifique), mais aussi sur les qualités linguistiques du mot désignant l'objet, en particulier l'étymologie, mais aussi le choix et l'ordre des lettres qui composent le mot. Ainsi Ponge écrit-il en ouverture du Cageot : « À mi-chemin de la cage au cachot la langue française a cageot ». L'ambition du poème consiste alors à établir des liens justifiant le rapprochement entre l'objet d'un côté et le mot de l'autre - ce que Ponge appelle « fonder (le mot) en réalité » : on a pu ainsi qualifier son travail de cratylisme[réf. souhaitée], par référence au Cratyle de Platon où Socrate tente d'établir des étymologies ainsi « fondées en réalité ».

Il en découle que chaque objet commande sa propre rhétorique, et jusqu'à la forme même du "poème" destiné à rendre compte de ses qualités. Ponge résume cette recherche par une équation frappante : « En somme voici le point important : PARTI PRIS DES CHOSES égale COMPTE TENU DES MOTS. » (Méthodes, "My Creative Method", daté "Sidi-Madani, lundi 29 décembre 1947"). Le signifiant est alors exploité tant phoniquement que graphiquement (Ponge fréquente assidûment les peintres, notamment Braque, Picasso et Fautrier auxquels il consacre des essais). Ainsi le mot s'emploie-t-il comme matériau du texte (Ponge s'inscrit dans la lignée poétique de Rimbaud, Lautréamont, Mallarmé et Roland Barthes).

Cependant, les jeux de lettres relèvent de l'arbitraire de la langue et de l'irrationnel (le rapprochement entre "cage", "cageot" et "cachot" peut encore se justifier, mais entre "savon" et "savoir", par exemple, l'analogie semble bien plus discutable). Ponge s'évertue, dans Le Parti pris des choses, à accroître cette part irrationnelle au moyen de calembours, d'allitérations, de permutations de lettres, d'analogies gratuites, d'associations d'idées audacieuses (à propos de l'orange, il évoque la « lanterne vénitienne des saveurs »), tout en restant, en apparence, sur une description "à froid". Cette tension extrême des textes diffuse un humour très subtil, lequel couvre d'apparences débonnaires ou futiles un message bien plus tragique et subversif : le "compte tenu des mots" s'avérant impérieux pour tout discours (pas seulement pour les textes du Parti pris), et la forme de ces mots relevant en partie de l'arbitraire linguistique, alors il existe nécessairement une part irrationnelle dans tout discours. Dans une telle perspective, truffer une description en apparence objective et rigoureuse d'éléments irrationnels ressemble, à bien des égards, à un travail de sape systématique de la langue. Commentant son propre travail, Ponge évoque un "anarchiste" en train de construire une "bombe" dont la "poudre" serait l'irrationnel (Entretiens avec Philippe Sollers). Par ailleurs, cette dimension irrationnelle inhérente à tout discours renvoie l'individu à l'absurdité de sa condition. Cependant, Ponge écrit contre le pessimisme existentiel, l’incertitude et l’angoisse métaphysique, le "silence déraisonné du monde" auquel Camus fait référence dans Le Mythe de Sisyphe (« L’absurde naît de cette confrontation entre l’être humain et le silence déraisonné du monde »5), ou encore Pascal (« Le silence éternel des espaces infinis m’effraie6 »). Ponge entend au contraire faire parler les choses : « le monde muet est notre seule patrie » déclare-il. Il choisit délibérément des objets finis, modestes, circonscrits, « rien qui flatte ce masochisme humain, rien de désespérant ». En 1954, dans Pratique d’écriture ou l’inachèvement perpétuel, publié en 1984 dans la collection l’esprit et la main, il déclare :

« À partir du moment où l’on considère les mots comme une matière, il est très agréable de s’en occuper. Tout autant que peut l’être pour un peintre de s’occuper des couleurs et des formes. Très plaisant d’en jouer. (…) Par ailleurs, c’est seulement à partir des propriétés particulières de la matière verbale que peuvent être exprimées certaines choses - ou plutôt les choses. (…) S’agissant de rendre le rapport de l’homme au monde, c’est seulement de cette façon qu’on peut espérer réussir à sortir du manège ennuyeux des sentiments, des idées, des théories, etc. »

Il se réclame également de Lucrèce

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